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Iran, le scénario d'une guerre possible, par François Géré, directeur de l'Institut français d'analyse stratégique

Iran, le scénario d'une guerre possible, par François Géré, directeur de l'Institut français d'analyse stratégique

 

 

Depuis septembre 2011, la tension entre Téhéran et Washington s'aggrave. Le dernier épisode en date est la menace iranienne du blocus du détroit d'Ormuz en cas de sanctions sur ses exportations énergétiques. Or la libre circulation des flux énergétiques a toujours constitué pour Washington un casus belli. L'escalade des sanctions glisse vers une guerre, évoquée depuis six ans. Faisant la part de l'amplification médiatique voulue de part et d'autre, mesurons quels gains peuvent espérer les acteurs et quels risques de pertes leur feraient contrepoids.

 

En Iran, il paraît avantageux de surenchérir dans la lutte entre les factions et les clans tant religieux que laïques (le Guide suprême, Ali Khamenei, le président Mahmoud Ahmadinejad et son beau-frère, Esfandiar Rahim Mashaïe, la puissante famille d'Ali Larijani, président du Majlis, le Parlement) qui se disputent le pouvoir dans la perspective des élections législatives et de la présidentielle de 2013. Les pasdarans (gardiens de la révolution) jouent aussi leur prestige et leur crédibilité de maîtres de la haute technologie militaire.

 

Ce serait l'occasion de renforcer une unité nationale entamée en plaçant au second plan le mécontentement général à l'égard d'une mauvaise gestion économique qui, aggravée par les sanctions, rend difficiles les conditions de vie. Enfin, un affrontement direct permettrait de rompre l'isolement diplomatique régional dû à la crainte de l'arme nucléaire et à la dynamique des changements de pouvoir dans le monde arabe qui favorise le sunnisme. Se présenter comme le seul Etat qui ose défier la suprématie américaine se révélera payant.

 

Aux Etats-Unis, le président Barack Obama est sous la pression des républicains mais aussi de nombreux parlementaires démocrates soucieux de la protection d'Israël. Il est temps pour l'administration américaine de faire preuve de fermeté au-delà des mots, même si l'option de l'endiguement a sa préférence.

 

Il lui faut aussi rassurer les alliés régionaux et donner plus de consistance à cette stratégie d'endiguement, mise en oeuvre depuis deux ans, fondée sur le redéploiement des troupes d'Irak et d'Afghanistan vers la péninsule arabique, la défense antimissiles et, plus discrètement, la garantie nucléaire. Enfin, calmer les impatiences belliqueuses du gouvernement israélien.

 

Embrasement régional

 

Au regard de ces incitations, quels sont les risques ? Washington doit envisager une flambée des prix énergétiques qui aggraverait la crise économique, non sans répercussions sur la croissance des Etats émergents. Il faudra surmonter une forte opposition liée à l'inquiétude des pays importateurs (Japon, Inde, Chine) et celle des Etats riverains exportateurs. Autre risque, la radicalisation des gouvernements arabes islamiques modérés nouvellement élus. Faut-il envisager un embrasement régional ? Ce terme souvent utilisé par Téhéran paraît excessif : ni au Liban (Hezbollah), ni en Irak (armée du Mahdi de Moqtada Al-Sadr), ni à Gaza, et moins encore en Afghanistan, il n'y aurait d'engagement armé automatique en soutien de l'Iran. Par-delà les déclarations enflammées, chacun pèsera son intérêt local.

 

Le risque terroriste, en revanche, augmentera. Enfin, une action militaire, fût-elle limitée, fournirait à Téhéran un prétexte pour faire jouer la clause de retrait du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires au nom de ses intérêts suprêmes.

 

Le risque pour l'Iran serait de se retrouver en situation d'Etat paria comme la Corée du Nord, ce que Téhéran a pris garde d'éviter. En outre, le régime pourrait essuyer une défaite, eu égard à un rapport de forces conventionnelles favorable aux Etats-Unis. Cette humiliation bouleverserait la donne politique intérieure. Deux options se dégagent : s'en tenir à un affrontement verbal ; faire une démonstration militaire limitée et confuse permettant à chacun de s'attribuer le beau rôle.

 

Ce dernier scénario peut-il contribuer à résoudre la crise nucléaire en favorisant une reprise du dialogue, chacun ayant sauvé la face ? Tel fut le cas en 1987. L'Iran faisait alors face à l'Irak. Il n'existait pas de programme nucléaire iranien. Une escalade incontrôlée conduirait à une campagne aérienne contre les sites nucléaires et les missiles. Le potentiel iranien en serait amoindri sans être éradiqué.

 

La situation incite donc à la prudence. La France, non sans ambiguïté, met en garde contre "les risques d'une attaque préventive" porteuse d'une crise dont "elle ne veut à aucun prix". Après dix ans de vaines négociations, l'épreuve de vérité approche. Mais quelle vérité ?

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