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La France va mal, mais les étrangers n’y sont pour rien

La France va mal, mais les étrangers n’y sont pour rien

 

 

 

 

 

Ezzeddine Ben Hamida* écrit – Ras-le-bol d’un immigré face à une campagne électorale française nauséabonde, où l’étranger est devenu l’origine du mal, de la crise, du chômage, de l’insécurité… Bref, de la décadence de la France.

 

L’actuel ministre français de l’Intérieur Claude Guéant veut croiser les fichiers des étrangers et de la sécurité sociale. En clair, le déficit de la sécurité sociale française est causé par les étrangers: non seulement ils mangent le bifteck des français mais aussi ils fraudent; ils font beaucoup d’enfants; ils touchent les prestations sociales et ils ne payent pas d’impôts sur le revenu puisqu’ils sont au chômage. Forcément, ils ne payent pas de taxe foncière. Comment voulez-vous qu’ils soient assujettis à cette taxe? Ils sont rares les propriétaires parmi les étrangers. Ils sont tous, bon en très grande majorité, quoi, au chômage! Même la taxe d’habitation, ils n’y participent que d’une manière symbolique puisqu’elle est indexée sur les revenus.

Un mal-être social et économique

Ce sont les étrangers qui sont donc, aux yeux de Claude Guéant et ses amis de l’Ump, à l’origine du mal français.

La France va mal, même très mal, non pas à cause des étrangers, comme l’Ump et ses alliés naturels de l’extrême droite le laissent entendre, mais par ce qu’elle prend, depuis plus de 30 ans, comme bouc-émissaire les étrangers pour expliquer son mal-être social et économique: l’endettement de l’Hexagone dépasse les 1.700 milliards d’euros, les impôts sur les revenus (52 milliards d’euros) servent à peine à payer le loyer de la dette; il y a près de 8 millions de pauvres dont 2 millions d’enfants et plus d’un million de jeunes. Le chômage au sens du pôle emploi frôle les 10% (près de 3 millions de personnes); au sens du Bureau international du travail (Bit), il avoisine les 14% (la différence entre les deux indicateurs s’explique, en gros, par le travail à temps partiel involontaire). Oui, la France va mal. Même très, très, mal.

Mais les étrangers n’y sont pour rien. Ils ont largement participé au développement et à la prospérité de ce pays. Mais à chaque campagne électorale, ils sont pris injustement pour cible. Ils font l’objet d’une stigmatisation croissante et d’un étiquetage sans retenue. Ils sont devenus l’objet d’une véritable promotion politique pour les partis en quête de voix. Une surenchère de propos et de mesures qui n’ont pour finalité que pour blâmer davantage l’ETRANGER.

Une campagne électorale déjà nauséabonde

Pendant la campagne des présidentielles de 2007, Nicolas Sarkozy avait traité les jeunes des banlieues de «racaille». Plus récemment, Brice Hortefeux avait considéré qu’en France «(…) un musulman, ça va, le problème quand il y en a beaucoup».

Pour aller plus vite, on peut dire que la campagne électorale française des présidentielles 2012 est déjà nauséabonde.

En fait, la racaille existe aussi en politique : en prenant chaque fois des modestes et pauvres personnes pour cible, et, casser ainsi du sucre sur leur dos pour se forger une carrière politique fondée sur la haine, la xénophobie et le racisme, c’est intolérable et de plus en plus insupportable.

Les Français d’origines arabe et africaine sont d’ailleurs les premiers à être victime de la crise économique. Leur taux de chômage est 4 fois plus élevé que celui de leurs collègues d’origine européenne. Un jeune étudiant d’origine arabe a 5 fois moins de chance qu’un jeune d’origine européenne de décrocher un emploi dans les 6 mois qui suivent la fin de leur cursus universitaire.

D’après les démographes, la France (62 millions d’habitants) aurait compté 14 millions en moins s’il n’y avait pas eu les différentes vagues successives d’immigration: Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais et pour finir les Arabes et les Africains.

C’est donc une véritable richesse et un atout indispensable face à l’Allemagne (85 millions d’habitants) et la Grande-Bretagne (58 millions d’habitants).

Pour éclairer le lecteur sur l’origine du déficit de la sécurité sociale française: il faut savoir que la sécu –comme on dit ici –, la colonne vertébrale de l’Etat-Providence, est composée de quatre grandes branches dont les dépenses se répartissent, en gros, comme suit: maladie et invalidité (35%), retraite et vieillesse (46%), chômage (6%) et famille (13% dont 1,5% pour la lutte contre la pauvreté et près de 3% d’aides aux logements).

Ainsi, nous constatons que l’origine du déficit de la sécurité sociale est causée fondamentalement par le taux de charge qui exprime le rapport actif-inactifs (ensemble de la population active/ensemble des actifs). Et non pas, comme le martèlent les leaders de l’Ump et leurs sympathisants, les ETRANGERS.

En réalité, le vieillissement de la population à terme et le non-renouvellement des générations provoquent une diminution du rapport actifs-inactifs et donc une charge de financement pour les actifs de plus en plus lourde.

Pourrais-je oublier les taxes sur l’alcool et le tabac et bien d’autres produits que l’Etat central ne les a plus versé à la sécurité sociale depuis près de 30 ans. La croissance « molle » et les fluctuations économiques amples et brutales n’ont fait qu’aggraver la situation. L’ETRANGER y est donc pour rien.

Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette

Ces Français, d’origines étrangères – comme Nicolas Sarkozy et son ministre de l’intérieur Claude Guéant aiment le dire, d’ailleurs Sarkozy lui-même est d’origine juive hongroise –, apprécient ce pays malgré ses paradoxes et les nombreuses plaies de l’Histoire. Ils aiment ses monuments, ses paysages, sa gastronomie, sa culture, ses théâtres, ses écrivains et ils estiment, à leur juste valeurs, leurs très nombreux concitoyens français qui récusent les thèses de l’extrême droite et le discours de l’Ump et son secrétaire Jean-François Copé –qui revendique d’ailleurs son sionisme avec un culot monstrueux –.

Je ne peux clôturer mes propos sans exprimer ma profonde tristesse face au silence assourdissant des autorités arabes, en général, et maghrébines, en particulier, à l’égard de ces stratégies de certains partis politiques français et les déclarations fracassantes d’hommes publics.

Nous, ne sommes pas dupes, leur silence (les pays arabes), pour ne pas dire leur soumission totale qui est souvent humiliante pour eux et pour leurs peuples, s’explique fondamentalement par la recherche de la paix politique et ainsi dire pour éviter que la France ne rétorque hypocritement en brodant – en plus, elle excelle avec art et manière – son attachement aux droits de l’homme en mettant ainsi en exergue leur manque de légitimité populaire. En fait, c’est l’histoire de la chanson : je te tiens, tu me tiens, par la barbichette.

Pensez à vos compatriotes de l’autre côté de la rive.

* Professeur de sciences économiques et sociales.

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