Les «moments funestes» et déshonorants de la SNCF - par Guy Millière
Il a fallu qu’un contrat aux Etats-Unis risque d’échapper à la SNCF pour que celle-ci, par l’intermédiaire de son Président, Guillaume Pepy commence à faire acte de repentance et reconnaisse son rôle, criminel, pendant les années Pétain. Cela fut dit en termes choisis. C’est, a dit monsieur Pepy, "contrainte " et " réquisitionnée" que la SNCF fut "un rouage de la machine nazie d'extermination". La contrainte et la réquisition allaient jusqu’à facturer les frais de transport des déportés juifs en direction d’Auschwitz, et la SNCF a tenté de se faire payer les factures restant impayées au delà de la date limite, qu’on peut considérer comme étant celle de la fuite de Pétain et de Laval à Sigmaringen, voire celle de la capitulation allemande, mais cela monsieur Pepy n’en a pas dit un mot. C’est qu’il devait marcher sur un fil : d’un côté, il avait les intérêts de son entreprise publique aux Etats-Unis, d’un autre il avait les syndicats français, attachés à l’ "honneur" de la SNCF et à son image d’institution « résistante », si vantée dans l’après-guerre, où nul n’aurait voulu que la CGT déclenche des grèves ou que le Parti communiste bloque le pays.
Guillaume Pepy savait aussi que ses propos seraient répercutés et retransmis et que d’autres gens sont très attachés à l’"honneur" de la France.
Or, de fait, cela s’est vu avec l’affaire Céline, où nombre de gens ont tenu à souligner qu’on pouvait être un grand écrivain, et un antisémite au temps de la shoah, parce que, c’est bien connu, l’écriture excuse tout. Cela s’est vu avec le triomphe commercial de Stéphane Hessel qui, avec un livre de vingt pages, niais, indigent et consistant à enfoncer toutes les portes ouvertes du prêt-à-penser contemporain le plus nauséabond, et avec le fait qu’Hessel s’est vu refuser une salle à l’Ecole Nationale Supérieure pour organiser une réunion de propagande anti-israélienne en compagnie de Leila Shahid, digne descendante d’Amin al-Husseini, ce qui a fait « scandale » et a, dit-on, révélé une atteinte grave à la « liberté de parole ». Le fait qu’il ne soit possible d’organiser une conférence non antisioniste à Paris que de manière discrète ou sous forte protection policière ne fait, par contre, jamais « scandale ».
Cela se voit, en fait, à chaque fois qu’il est question de la shoah, désormais, dans ce pays, une bonne partie du peuple français, de sa base à ses élites, commence à en avoir assez qu’on lui parle de cela. Une bonne partie du peuple français voit du « lobby juif » partout. On n’en est pas à organiser une exposition « le lobby juif et la France », mais il y a des jours où je sens dans l’atmosphère un fumet qui montre qu’on n’en est pas très loin.
Dans tous les pays d’Europe, on assiste à une résurgence des actes et des paroles antisémites, et la France n’y échappe pas.
Dans tous les pays d’Europe, les Juifs, très largement, ont peur et se sentent menacés.
Dans tous les pays d’Europe, on assiste à une disparition graduelle des Juifs, qui prend trois formes : l’assimilation, l’extrême discrétion, ou le départ. L’assimilation consiste à quitter le judaïsme ou à rejoindre une organisation « antisioniste ». L’extrême discrétion consiste à ne jamais parler du judaïsme ou d’Israël, ou à en parler en adoptant le discours de l’apaisement et de la soumission préventive. Le départ se passe de commentaires : il consiste à quitter le navire.
Dans tous les pays d’Europe, les organisations qui veillent sur la mémoire et qui luttent contre l’antisémitisme sont prises à partie, montrées du doigt, décrites comme abusives et trop puissantes. Et les organisations qui soutiennent Israël clairement sont aisément traînées dans la fange.
Entre 1940 et 1945, les deux tiers des Juifs d’Europe ont été exterminés. Aujourd’hui, les Juifs qui vivent encore en Europe sont acheminés vers un sort plus doux, fort heureusement.
Il me semble néanmoins effroyable, au vu de ce que nous devons aux Juifs, de constater que ce qui se passe est néanmoins clair : la disparition graduelle des Juifs. Un vieux proverbe yiddish que j’ai cité dans un précédent livre dit : « Un pays qui perd ses Juifs ne peut survivre très longtemps ». Qu’en est-il lorsqu’il s’agit, non d’un pays, mais d’un continent ?
Et que se passe-t-il lorsque cela s’accompagne d’un discours de diabolisation de l’Etat juif ?
Je laisse les questions en suspens. J’essaierai de leur apporter des réponses.
Guy Millière
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