Ouverture du 13e Festival du Cinéma israélien au Cinéma des Cinéastes
Par Brigitte Sitbon, écrivain, philosophe, chercheur au CNRS
Les chiens aboient et le septième art passe... Pour sa treizième édition, le Festival du Cinéma israélien, qui a démarré le 3 avril 2013 dans le mythique Cinéma des Cinéastes, n'a pas manqué de faire polémique. Son directeur, Charles Zrihen (Charly pour les intimes), personnage haut en couleur, natif de Casablanca et à l'allure bukovskienne, se démène comme un beau diable pour défendre son festival. Malgré les aléas, celui-ci revit chaque année, tel un phénix, et attire un public fidèle, pendant une semaine non-stop. Clope au bec, voix éraillée et barbe de trois jours, ce chaleureux maître d'œuvre répond à nos questions…
Pouvez-vous nous retracer brièvement l'histoire de ce festival?
J'ai présenté mon premier festival il y a 13 ans; j'étais alors un cinéphile passionné, amoureux d'Israël et séduit par le cinéma qui naissait là-bas. L'idée était de présenter ce nouveau cinéma venu d'ailleurs à une époque où on ne s'y intéressait pas et où personne ne voulait en entendre parler. Et aussi et surtout, à l'époque, il y avait la seconde Intifada en arrière-fond, la visite de Sharon sur le mont du Temple et un regain d'antisémitisme en France. Les images venant d'Israël nous étaient alors distillées par des journaux télévisés peu empathiques. Je voulais donner une autre vision correspondant mieux à la réalité de ce pays.
Quels sont vos principaux partenaires dans cette aventure?
Malgré les difficultés premières, nous avons trouvé des soutiens financiers auprès d'institutions telles que la Mairie de Paris, le CNC, le Ministère de la Culture (pour la France), les services culturels de l'Ambassade d'Israël et l' "Israel Film Found", qui m'ont permis de lancer ce premier festival en plein conflit. Le paradoxe c'est que, déjà à l'époque, l'aide des associations communautaires brillait par son absence. En fait, le but de ce festival, et aujourd'hui encore, était de présenter la production cinématographique israélienne, afin qu'elle lui permette d'aller à la rencontre du public français et de sortir du communautarisme. De ce côté le pari a, je crois, été gagné, car très vite, à travers des rencontres professionnelles en marge du festival, les dialogues noués entre Français et Israéliens ont permis, à court terme, la signature du fameux accord de coproduction. Depuis, on a pu remarquer l'éclosion et même l'explosion de coproductions franco-israéliennes sur nos écrans: des films qui ont fait le bonheur du public Français, tels que Mariage tardif de D. Kosashvili, Shiva de R. Elkabetz, La Visite de la fanfare d'E. Kolirin, Tu marcheras sur l'eau d'E. Fox, Valse avec Bashir d'A. Folman, etc.
Que reflète, selon vous, le cinéma israélien? Quelle est la finalité de votre festival?
Ce festival ne présente que des films inédits, parfois même avant leur diffusion en Israël et offre ainsi à de jeunes cinéastes tels que Roy Werner, Léon Prudowsky, Eran Korilin, Hagar Ben Asher, une véritable ouverture sur l'Europe. Il représente également une passerelle entre nos deux cultures. À travers les films présentés, les jeunes auteurs-réalisateurs montrent une vision de leur quotidien, leurs aspirations, leurs espoirs. Ils n'ont pas peur de remettre en question la société dans laquelle ils vivent, en donnant des coups de pieds dans la fourmilière. Par ailleurs, Israël est l'acteur permanent d'une actualité bouillonnante et fait régulièrement la Une des journaux. Au fil des images d'actualité se dégage celle d'un pays sous tension permanente, préoccupé uniquement par sa sécurité. Or, la réalité est à la fois bien plus simple et complexe: en Israël on naît, on grandit, on se retrouve dans un face à face douloureux et fécond avec ses parents, on aime, on divorce, on est du côté des gagnants ou des perdants de la mondialisation, comme partout ailleurs dans le monde. Mais la diversité incroyable de la société israélienne rend ces questions plus vives encore: juifs originaires du monde entier, citoyens arabes, laïcs, religieux, nationalistes, militants de la cause homosexuelle, tous se côtoient dans une mosaïque contrastée. Ce sont ces deux aspects qui situent le cinéma israélien au confluent d'une expérience intime universelle et d'un collectif singulier. De plus en plus présent dans les festivals internationaux de premier plan, le cinéma israélien témoigne d'une rare vitalité, que nous sommes heureux de présenter ici, avec une pensée particulière pour tous les réalisateurs qui, au fil des années, nous ont fait confiance et mis entre nos mains leurs premières œuvres.
Comment le public français le perçoit-il?
En 13 ans, ce festival est devenu un rendez-vous incontournable pour tous les amoureux du cinéma. La première fois, nous étions très fiers d'avoir pu toucher un public de 1500 personnes dans la semaine. Aujourd'hui nous flirtons avec les 8000 spectateurs...
Qu'est-ce qui a motivé votre choix des deux Présidents d'honneur*?
Comme chaque année, afin de sensibiliser le grand public, nous faisons appel à des acteurs ou réalisateurs de renoms, qui ont la gentillesse de parrainer ce festival, et par là même de promouvoir ce nouveau cinéma qui les émeut, qui les touche et ne les laisse pas indifférent. Cette année, le choix d'Ofer Bronstein nous permet de mettre davantage l'accent sur le côté sociétal et d'aborder les problèmes cruciaux que sont les rapports entre Israéliens et Palestiniens. De par sa position et ses activités, Ofer me semble être au cœur des préoccupations majeures d'un grand pan de la société israélienne et du monde juif tout court. Il permet d'aborder ce festival sous le sceau de l'ouverture et de la volonté de dialogue. Quant à Zabou Breitmann, ce qui nous a séduits chez elle c'est sa sensibilité, son rapport au judaïsme moderne et bien sûr sa filmographie. Sans compter que c'est une actrice et réalisatrice à part entière dont le regard ne peut être qu'unificateur.
Un mot sur votre programmation. Y a-t-il cette année un fil conducteur?
Comme chaque année, on ne peut pas dire qu'il y ait une thématique à proprement parler, il s'agit surtout d'un show case qui permet d'appréhender la production Israélienne de l'année. De présenter des films de tendances multiples et variées, généralement réalisés par de jeunes réalisateurs très prometteurs, comme Yariv Horowitz dont le premier film Rock the Casbah ouvre le festival, ou plus chevronnés tels que Gideon Raff, réalisateur de Hatufim, qui a inspiré la très célèbre série américaine Homeland. Il y a également des documentaires de très haute qualité et bien sûr des courts-métrages.
Pensez-vous qu'il y aura un jour la paix entre Israéliens et Palestiniens?
Inch'Allah.
*(NDLR: Zabou Breitman et surtout Ofer Bronstein, cofondateurs et président du Forum International pour la Paix, connu pour ses positions en faveur du dialogue israélo-palestinien)
Ouverture du 13e Festival du Cinéma israélien au Cinéma des Cinéaste
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