Quand Sylvie Ohayon jalousait «Le s Bourgeoises»
Par Etienne Dumont
Grandie à La Courneuve, l’auteure se raconte dans un livre qualifié de roman. Il lui a fallu s’intégrer à Paris dans un monde très différent.
Elle vient d’ailleurs. Elle reste un ovni dans le monde où elle évolue aujourd’hui. Après avoir beaucoup observé, Sylvie Ohayon a pourtant voulu s’intégrer. Seulement voilà! «Les Bourgeoises», c’est autre chose, même si l’espèce a beaucoup changé de genre. Le mot recouvre maintenant davantage des femmes et des filles friquées vivant dans les meilleurs quartiers de la ville que les membres sages de dynasties pétries de principes.
Née dans une famille juive du Sud, Sylvie a grandi à la Cité des 4000. Vous ne connaissez sans doute pas. Il s’agit d’une des agglomérations composant La Courneuve, tout au bout d’une ligne de métro. Chômage. Violence. Délinquance. Le lieu jouit d’une fort mauvaise réputation. La banlieusarde y voit pourtant une certaine chaleur, notamment familiale. Il lui arrive d’ailleurs encore d’y retourner.
Une carrière dans la publicité
Seulement voilà! Elle est surdouée à l’école. L’adolescente peut donc intégrer un établissement du centre. Lycée très coté. Et c’est là qu’elle rencontre si ce n’est ces premières bourgeoises, du moins leurs filles pourries par l’argent. Notez qu’elle présente aujourd’hui la chose sous la forme d’un roman. La chose se fait beaucoup en ce moment. Elle permet à l’auteur d’extrapoler, de schématiser, voire d’inventer sans que nul n’y trouve à redire.
La suite racontera donc les contacts, les amitiés, souvent difficiles parce qu’inégales, et enfin l’ascension. Car Sylvie n’est pas restée une lettreuse. Elle a infiltré le monde de la publicité, dont elle a vite gravi les marches. Il s’agit aujourd’hui d’une star de la profession, consultée comme un oracle. Il faut bien ça pour écouler des produits en réalité interchangeables. Mais elle a conservé le goût de l’écriture. Avec succès. La preuve! Pour son premier roman, en cours d’adaptation au cinéma, elle a reçu le prix de la Closerie des Lilas en 2011. Titre? «Papa was not a Rolling Stone».
Envie assumée
«Les Bourgeoises» constitue donc le second ouvrage d’une personne que le lecteur sent à poigne. Le récit commence de manière alerte. C’est d’autant mieux observé que la protagoniste et l’auteur ne font qu’un. Il y a là de l’ironie. De la férocité parfois, née d’une envie assumée. Sylvie aimerait bien devenir comme ces femmes, tout en les trouvant insupportables. L’ouvrage part ensuite à hue et à dia. On a l’impression de lire une enquête d’«Elle» en plus long. Le public visé reste d’ailleurs résolument féminin. «Les Bourgeois», ce sera (peut-être) pour une autre fois.
Pratique
«Les Bourgeoises», de Sylvie Ohayon, aux Editions Robert Laffont, 350 pages.
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