C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès, dimanche 20 mai à 16h en Suisse, de David Littman, l’un des 6 « Héros d’Israël » de l’histoire du pays, décoré par le Mossad puis par Shimon Pères en 2009.
De 1956 à 1960, seulement quelques milliers de Juifs pourront quitter clandestinement le Maroc chaque année. Lorsque Amos Harel visite le pays en 1959 puis en 1960, il prend conscience que les Juifs sur place souhaitent tous rejoindre la Terre promise.
Une milice clandestine est alors fondée, « Misgueret » (cadre), dont le commandement central est situé à Casablanca et les agents de terrain recrutés à travers le royaume. Son but : défendre les communautés juives sur place et organiser des départs clandestins en direction d’Israël. Le 11 janvier 1961, un bateau est pris dans une tempête et chavire.
44 Juifs du Maroc sont à bord, des enfants pour la moitié. Tous ont péri. Alex Gatmon – qui avait remplacé Havilio – doit alors trouver une nouvelle stratégie pour que les enfants puissent sortir des frontières légalement. Leurs parents, eux, s’enfuiraient clandestinement. L’opération « Mural » était née.
Avec l’aide de l’Agence juive et d’une organisation humanitaire, le Mossad envoie un bénévole britannique, David Littman, au Maroc. Au terme de quatre mois de négociations, il dépasse tous les espoirs en parvenant à organiser le départ de 530 enfants juifs. Envoyés dans une fausse colonie de vacances en Suisse, ils seront ensuite conduits vers Israël.
En mars 2009, un journal de Casablanca, Le Soir Echos, a publié le récit de l’opération « Mural » et l’aliya secrète des enfants juifs. C’était la première fois depuis 1961 que les Marocains entendaient parler de David Littman et de son rôle dans les relations israélo-marocaines.
Littman, à qui le Centre israélien de Renseignement et de Commémoration a rendu hommage il y a 2 ans, a saisi cette opportunité pour appeler les Marocains à agir : « Une solution au conflit israélo-arabe ne sera possible qu’avec l’aide d’un Etat qui bénéficie de la confiance des deux parties », a-t-il déclaré.
L’Operation mural
L’Operation mural , c’est l’histoire incroyable d’un jeune juif anglais que le destin va mettre sur la route du Mossad , pour organiser l’évacuation clandestine, en 1961 de cinq cent trente enfants juifs de Casablanca.
Fils d’un emigre juif polonais, David Littman ne en Angleterre en 1933 ou il fait des etudes brillantes dans les plus grandes universites britanniques. Il epouse Gisèle Orebi en 1959, une jeune Juive dont les parents ont fui l’Égypte. Le couple s’installe a Geneve et c’est la que nait leur fille Diana. A cette epoque rien ne predisposait David Littman a s’engager dans une organisation sioniste. A la suite de la lecture d’un livre sur l’histoire du 3eme Reich, il prend conscience de son envie d’aider les juifs de la Diaspora. Il frappe a plusieurs portes sans succes, tous le prennent pour un illumine. Fin janvier 1961, il s’adresse a l’OSE (OEuvre de secours aux enfants) Il est recu par Jacques Bloch qui lui propose une mission humanitaire pour les enfants du Maroc. En realite il s’agit d’une mission commanditee par l’Agence juive et le Mossad, mais David Littman ne le sait pas vraiment. A la suite des evenements recents du bateu Egoz, Israel a decide de faire sortir officiellement les enfants du Maroc pour faciliter la poursuite de l’évacuation clandestine des adultes.
David Littman explique la mission a sa femme , qui decide de le suivre avec la petite Diana, malgre tous les risques que cela represente. C’est ainsi que la famille Littman arrive a Casablanca le 16 mars 1961, muni d’un ordre de mission de l’association fictive « OEuvre suisse de secours aux enfants d’Afrique du Nord » et de plusieurs lettres de recommandation d’organisations suisses authentiques afin de préparer une « opération de bienfaisance » : cures ou sejours de repos en altitude a Morgins dans les Alpes.
Ils s’installent dans un appartement de l’hotel Anfa. Lui se fait passer pour un anglais anglican praticant et sa femme pour une francaise catholique. Ils sont tous deux tres vite adopte par les notables etrangers de Casablanca, sont invites aux receptions des consulats, frequentent les lieux a la mode comme la piscine Le Kontiki .
La premiere rencontre de David Littman avec Gad Shahar, un des responsables de la Mizgeret, a lieu au restaurant Le Don Camillo, ou il se presente sous le prenom de Georges. Celui ci avouera plus tard avoir ete tres sceptique a la vue de ce gentleman anglais, trop grand, trop snob, trop naif.
Mais David Littman s’avere tres efficace. Il noue des contacts avec des personnalités clefs, comme Mohamed Drissi, officiellement fonctionnaire de la prefecture, en realite haut responsable de la securite interieure. Grace a la suggestion de la croix rouge, il met en place l’idee du passeport collectif. Il loue un local au 105 de la rue Dumont d’Urville, pour inscrire les enfants senses etre interresses par le sejour en Suisse. Pour etre plus credibles les parents payent une somme de 200 dirhams donnee la veille par la Mizgeret. Les parents se pressent des le mois de juin inscrire leurs enfants, malgre la peur de ne plus les revoir, mais avec une confiance aveugle dans l’organisation de la aliah clandestine et la certitude que la place de leurs enfants se trouve en Israel.
Les demarches administratives sont difficiles. Le khalife du premier district de Casablanca refuse de donner le premier passeport collectif.
Grace a l’aide de Mohamed Drissi les documents sont enfin signes. Le premier depart est fixe pour le26 juin 1961. Rendez vous est donne pour 127 enfants devant la grande poste de Casablanca. Ils partent en autocar, agitant des drapeaux marocains. Apres un trajet en bateau et un bref sejour en Suisse au ‘Home de la Foret’ les enfants sont achemines en Israel. En un mois, 530 enfants seront pris en charge au cours de 5 voyages.
Fin juillet 1961, la situation devient dangereuse car les enfants sont senses revenir de leurs vacances en Suisse. La decision est donc prise d’evacuer David Littman et sa famille. La veille de son depart le 24 juillet 1961, Alex Gatmon, responsable de la Mizgeret, vient le voir pour le remercier.
Cette reconnaissance cedera vite la place a un long silence et a l’oubli qui laisseront amer David Littman, retourne vivre en Suisse avec sa famille. Il faudra attendre 1984 pour que son role soit reconnu, puis 1986 pour que le couple Littman retrouve, lors d’une ceremonie d’hommage en Israel, a Ashdod, cent vingt ex-enfants de l’Opération Mural.
En octobre 2006, David Littman et deux agents du Mossad sont retournes au Maroc accompagne par le realisateur israelien Yehuda Kaveh. . Officiellement simples retraites au sein d’un groupe de touristes, ils ont tournes un documentaire sur les lieux de l’operation appele Opération Mural : Casablanca 1961- מבצע מוראל : קזבלנקה 1961 dont la diffusion m’a permis de vous raconter cette histoire.
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Arielle pour Dafina.net