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Les yeux d’Israël(info # 012712/13) [Analyse]

Par Kitty Deusaut ©Metula News Agency

 

On les appelle « les yeux du pays », elles sont présentes le long des frontières d’Israël et on dit que leur rôle est essentiel, pourtant peu de gens voudraient être à leur place. Les tatzpitaniot, observatrices ou guetteuses, disposent de caméras situées à quelques mètres du territoire ennemi et effectuent de longs tours de garde chaque jour, pendant lesquels un simple détournement de regard peut leur coûter de ne pas rentrer chez elles un week-end de plus.

 

Elles appartiennent au "Corps de collecte de renseignement de combat", le plus récent corps de Tsahal, puisque fondé en 2000. Cette unité possède la lourde responsabilité d’approvisionner l’Armée entière, en temps réel, en informations collectées sur le terrain.

 

Leur mission consiste à récolter le plus grand nombre d’indications possible afin d’acquérir et d’entretenir une connaissance parfaite du quotidien des territoires les plus proches de l’Etat hébreu, ainsi que de prévenir toute tentative d’infiltration ou d’attentat. Qualifiées de tomkhot lehima (soutiens de combat), elles sont aussi formées afin de guider les forces armées sur le terrain adverse qu’elles connaissent dans ses moindres détails.

 

Ainsi, une petite base de tatzpitaniot a été installée à quelques pas de la frontière libanaise, dans les contreforts du mont Hermon. La XXaine de filles (information à caractère sensible) qui y vivent a pour mission de garder Har Dov (la montagne de Dov).

 

Située à l’extrême est d’Israël, à l’intersection entre la Syrie et le Liban, et appartenant au plateau du Golan, Har Dov, appelé aussi "Les Fermes de Shaba", constitue un sujet de polémique territoriale. La ligne de démarcation franco-anglaise de 1923– les puissances mandataires de l’époque – attribuant ce territoire à la Syrie.

 

A la suite de la Guerre des Six Jours en 1967 Israël annexe Har Dov en tant que partie intégrante du plateau du Golan syrien. Elle ne s’en retire donc pas en 2000 lorsque Tsahal abandonne le sud Liban, suivant au centimètre près la ligne bleue tracée par l’ONU.

 

Les revendications de souveraineté libanaise et du Hezbollah sont également contredites par les cartes militaires libanaises publiées en 1961 et 1966 mentionnant plusieurs fermes de la région, en particulier Zebdine, Fashkoul, Mougr Shebaa et Ramta comme étant syriennes.

 

La Ména a grandement contribué à disqualifier la prétention libanaise en produisant dans l’un de ses articles la copie d’un billet d’une livre libanaise. Y figure une carte géographique sur laquelle les "Fermes de Shaba" se situent clairement en Syrie. Peu après la publication de cet article, le gouvernement de Beyrouth avait précipitamment retiré ces billets de la circulation.

 

En plus de son passé controversé, le relief complexe d’Har Dov en fait un talon d’Achille dans le système sécuritaire de Tsahal. En effet, il n’y existe pas de séparation artificielle entre les deux pays, contrairement au reste de la frontière nord sur laquelle une barrière dite intelligente a été édifiée par l’Etat hébreu. Cette clôture électronique avertit de chaque contact et identifie sa nature en fonction du poids appliqué contre elle.

 

La présence de nombreux oueds qui commencent au Liban et se terminent en Israël empêche la construction d’une barrière de ce genre, et son absence participe d’une menace d’infiltration permanente en territoire israélien.

 

Dans cette région, la Ligne bleue n’est révélée par aucune démarcation, hormis les positions de la FINUL (la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban) disséminées sur toute sa longueur.

 

Cette situation rend vulnérables les bases militaires israélienne d’Har Dov, à l’instar de celle de Gladiola (glaïeul), surplombant le Nahal Sion (la rivière de Sion) à quelques mètres seulement de la frontière avec une portion du territoire libanais occupée par la milice chiite du Hezbollah. Gladiola est souvent considérée comme l’une des positions les plus exposées de Tsahal.

 

Har Dov offre toutefois un point de vue exceptionnel sur le Liban de par son altitude et son orientation. Le travail d’observation dans cette région est ainsi capital pour deux raisons : d’une part, car il profite d’une situation stratégique idéale pour la récolte d’informations, et de l’autre, parce qu’il constitue le principal moyen de prévention face aux menaces terroristes.

 

C’est pour ces raisons que chaque jour, quelles que soient l’heure, la saison ou les conditions météo, les tatzpitaniot veillent au grain sur l’intégrité de cette montagne.

 

Leur travail consiste à décrire avec le plus de précision possible tout changement sur le territoire observé, de même que les mouvements humains quels qu’ils soient Avec le temps et la routine, ces activités n’ont plus de secret pour les guetteuses et il leur est facile de déceler un événement inhabituel.

 

Elles remplacent en quelque sorte la barrière intelligente, connaissant de façon exacte le tracé de la Ligne bleue, et préviennent immédiatement toutes les unités concernées lorsque quelqu'un s’en approche ou la franchit. Il leur faut aussi être capables de distinguer ce qui est suspect et d’évaluer l’importance de chaque évènement afin de le gérer de manière adéquate sur le plan opérationnel.

 

C’est avec un réel sentiment de fierté et sur un ton presque maternel, que les tatzpitaniot affirment que malgré les conditions souvent désagréables, elles ne quitteraient leur rôle et leur montagne pour rien au monde.

 

Car elles sont parfaitement conscientes que derrière son apparence tranquille, la montagne sud-libanaise abrite une routine inquiétante qu’il est encore difficile de qualifier avec exactitude. Vignerons, chasseurs, agriculteurs, bergers et autres travailleurs forment une population disparate, qui pourrait bien obéir à un même et unique metteur en scène.

 

Il est en outre particulièrement difficile de mesurer la vitesse à laquelle s’effectuent le réarmement et la réorganisation du Hezbollah, car du fait de l’interdiction de la présence d’armes au sud Liban, décrétée par la résolution 1701 en 2006, la milice pro-iranienne se développe de façon encore plus souterraine que précédemment. On est ainsi en présence d’une activité clandestine qu’il importe d’évaluer avec le plus de précision possible.

 

L’un des principaux obstacles rencontrés par n’importe quel observateur humain réside dans le fait qu’ils n’ont pas la capacité d’observer deux points (de la frontière en l’occurrence) au même moment, et, de ce fait, ils risquent de rater quelque événement notable.

 

C’est pour pallier ce problème que l’Armée israélienne a investi récemment plusieurs millions de shekels dans le renouvellement de son système d’observation. Il s’agissait de remplacer les anciennes caméras par un dispositif high-techlargement exploitéaux frontières syrienne et à Gaza.

 

Auparavant, les caméras dirigées à distance par les tatzpitaniot parvenaient à emmagasiner un grand nombre d’informations mais pas toutes. Le nouveau système permet (c’est dans le domaine public), grâce à l’envoi et à la réception de signaux ininterrompus, de détecter n’importe quel corps en mouvement, d’en définir sa vitesse ainsi que sa trajectoire.

 

Cet outil, couplé à des caméras de plus en plus perfectionnées et à des programmes informatiques ad hoc, diminue significativement les risques d’infiltration. Avec son introduction, il est devenu possible de se concentrer sans souci sur un point d’intérêt sans délaisser le reste de la frontière.

 

La seule base d’Har Dov où la présence de filles est autorisée verra bientôt ses occupantes quitter les lieux ; celles-ci rejoindront un promontoire beaucoup plus étendu situé non loin de Metula, et continueront de veiller sur leur colline mais à distance respectable. La présence des tatzpitaniot à Har Dov manquera certainement aux nombreux combattants avec qui elles tuent le temps entre deux gardes.

 

La généralisation du nouveau dispositif atteste d’un besoin d’adaptation aux technologies récentes développées en Israël et largement exportées mondialement – utilisé sous le nom de MARS (Multi-purpose Aiming Reflex Sight) comme viseur sur les fusils d’assaut - mais aussi de la nécessité d’augmenter encore le niveau de protection de la frontière nord.

 

L’atmosphère est faussement calme et apaisante dans la région des fermes de Shaba. Ses panoramas offerts par l’altitude vous coupent le souffle en cette période où les rayons de soleil illuminent les pics glacés et chauffent doucement le manteau de neige qui, petit à petit, disparaît pour dévoiler des paysages bientôt recouverts d’une végétation resplendissante. Cette ambiance pastorale et magnifique cache une réalité autrement plus agitée.

 

Les tatzpitaniot sont des jeunes femmes œuvrant en première ligne de front, dont la patience et l’application contribuent à permettre à la population israélienne de vaquer à des activités quasi-normales, à l’abri des infiltrations terroristes. Et à Tsahal de ne plus jamais être pris au dépourvu, comme ce fut le cas en 1973, au déclenchement de la Guerre de Kippour. Elles sont effectivement les yeux d’Israël.

 

En cette période de grands froids, elles veillent inlassablement sur la sécurité de l’Etat hébreu, comme les centaines de membres d’autres corps d’armée dont la nature des tâches empêche qu’on en parle au grand jour ; mais sans lesquels nous ne pourrions continuer à vous informer et à exister à moins de 400 mètres des premières Kalachnikovs du Hezbollah et des gardiens de la Révolution khomeyniste. 

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