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Iran : a-t-on jamais aussi mal négocié ? (info # 010901/14) [Analyse]

Par Stéphane Juffa ©Metula News Agency

 

L’ "accord" "signé" entre les 5+1 et l’Iran le 24 novembre dernier à Genève avait pour objet déclaré de stopper immédiatement la progression nucléaire de Téhéran pour une durée de six mois afin de procurer le temps nécessaire à la négociation d’un accord définitif empêchant la théocratie chiite d’acquérir la bombe atomique.

 

C’était là toute son utilité du point de vue des grandes puissances : en échange de la levée – prévue pour le début du mois de décembre par Laurent Fabius - de sanctions présentées comme marginales, les 5+1 étaient censés s’assurer que le programme nucléaire de la "République" Islamique, considéré en novembre par les experts comme étant au seuil imminent du point de non-retour, serait gelé pour permettre une solution diplomatique satisfaisante.

 

Mais depuis, les représentants des deux camps se sont rencontrés à trois reprises, le 9 décembre, le 19 et le 30, sans qu’aucune mesure discutée le 24 novembre dans la capitale lémanique n’ait été mise en pratique.

 

Officiellement, ces rencontres, qui ont lieu à Vienne et à Genève, qualifiées de l’appellation trompeuse de réunions d’experts, ont pour finalité de "traduire l’agrément politique du 24 novembre en plan détaillé permettant de le mettre en pratique".

 

Mais dans les faits, ce sont deux sujets de discussion distincts qui sont abordés parallèlement : l’un a trait aux aspects techniques d’un éventuel accord, l’autre, aux questions politiques. Or, si l’on peut, à l’extrême limite, comprendre que même après des mois de pourparlers (10 ans !), l’accord du 24 novembre ne résolvait pas toutes les questions techniques de son application, ceux qui n’avaient pas lu la Ména pouvaient au moins espérer que les différends politiques avaient été aplanis.

 

Car si l’ "accord" "signé" dans la cité de Calvin n’englobe ni les domaines techniques ni ceux politiques visant à la cessation partielle et temporaire des activités nucléaires de l’Iran, on doit urgemment se demander sur quoi l’on s’est entendu.

 

Ce qui cristallise ce souci est entre autres la déclaration du chef de la délégation perse, Hamid Baïdinejad, le jour de l’an, qui, résumant les pourparlers de la veille, affirmait que leur poursuite nécessitait l’approbation des responsables politiques de son pays. Baïdinejad précisant : "Il reste deux ou trois questions de nature politique qui doivent être réglées au niveau politique".

 

Nous, de formuler à notre tour, afin d’éviter tout malentendu, que nous parlons de l’application de l’accord intermédiaire et que l’on n’a pas encore commencé à se préoccuper des dispositions d’un ultra-hypothétique règlement définitif de la crise. Que l’on en est, côté persan, à envisager, sans aucune garantie de quelque ordre que ce soit, un début de mise en route de l’agrément temporaire de novembre au 20 janvier prochain. Et que je me permets de conjecturer que rien ne sera entrepris à cette date, car l’on se trouve dans la continuité de la diversion iranienne visant à gagner un temps précieux afin d’atteindre le niveau technique et scientifique suffisant, pour que, dans quelques semaines, la Bombe chiite devienne une réalité qui ne pourra évidemment plus être négociée.    

 

D’ailleurs, des experts militaires israéliens me confient que c’est déjà le cas, et que si ça ne l’est pas, le temps minime restant pour que cela le devienne ne justifie pas une poursuite des entretiens.

 

La situation pré-apocalyptique dans laquelle nous nous trouvons résulte, d’un point de vue procédural, de la duperie que se sont auto-infligée les 5+1 en annonçant avoir conclu et signé l’Accord du 24 novembre avec les Iraniens. Or, et la Ména demeure absolument la seule à l’affirmer publiquement : aucun accord de ce genre n’a été ni conclu ni signé.

 

Et si nous nous trompons, qu’on nous le montre donc cet accord ! Et si c’était le cas, de toute manière, Washington, Paris ou Bruxelles l’auraient présenté et commenté publiquement de longue date. Cela procède à la fois du bon sens, de l’usage d’un bras de levier naturel destiné à démontrer que Téhéran ne tient pas ses engagements, et à faire pression sur lui. Mais ils ne peuvent pas exhiber ni exploiter ce traité puisqu’il n’existe pas.

 

Ce qui existe est une liste non paraphée et non contraignante de dispositions facultatives qui pourraient être envisagées, de part et d’autre, si l’on voulait conclure un accord intermédiaire pour stopper passagèrement le programme iranien et alléger une partie des sanctions.

 

A partir de cela, tout reste à négocier. Fin novembre, les 5+1, sous l’impulsion de Barack Obama, ont pris la décision au demeurant inconcevable de mentir à la Terre entière en mettant en scène la signature d’un traité avec les ayatollahs. Ils poursuivaient ce faisant deux objectifs principaux : ne pas avoir à recourir à l’option militaire pour laquelle ils ne sont pas prêts, et empêcher Jérusalem d’intervenir en solo, puisque "cela était devenu inutile après qu’une issue diplomatique satisfaisante eut été trouvée".

 

La Maison Blanche allait imposer à tous l’obligation de croire qu’un accord avait été trouvé, diffusant un résumé du "traité" qu’elle avait elle-même rédigé – en réaction duquel Téhéran s’empressa de déclarer que cette feuille d’information n’était absolument pas conforme à ce qui s’était dit à Genève. L’Administration Obama pria également le gouvernement de son meilleur allié, la Grande-Bretagne, d’adresser à Israël un avertissement rédigé sur un mode comminatoire, l’exhortant de ne rien tenter qui puisse gâcher la fête d’avoir évité une guerre. On peut aussi sereinement énoncer qu’Obama a lancé l’offensive Kerry, destinée à obliger Palestiniens et Israéliens à faire la paix, afin de brouiller les pistes sur la réalité de la situation avec l’Iran. Le narratif proposé par l’Administration US actuelle étant : le problème de la menace nucléaire iranienne étant réglé, concentrons-nous à toute allure sur le différend arabo-juif !

 

Ce modèle avait en outre l’avantage pour la White House de déloger du sommet de l’agenda international l’hypothèse soutenue par son adversaire Binyamin Netanyahu, qui suscitait grand intérêt en présentant le danger iranien comme le sujet à régler toutes autres affaires cessantes.

 

Le seul problème, mais il est de taille, pour le président Démocrate réside en cela que la nucléarisation de la "République" Islamique n’est pas endiguée ni même freinée, et que Khamenei ne fonctionne pas sur la base des feuilles d’information que l’on distribue aux confrères bienveillants sur les bords du Potomac.

 

D’autant plus que les Iraniens, soucieux d’exploiter au mieux la faiblesse des Américains, ont, depuis la "signature de l’Accord de Genève" et tout en participant aux réunions d’experts, élaboré des schémas destinés à contourner les sanctions existantes afin de se procurer des matériels qui leur manquent encore pour parvenir à leur bombe et perfectionner leurs missiles balistiques.

 

Irrité par ces manœuvres qui risquaient de le ridiculiser, M. Obama a étendu les sanctions actuelles à 19 personnes, aussi bien physiques que morales, iraniennes et autres. Elles étaient suspectées "d’implication dans la prolifération de matériels destinés à des armes de destruction massive et d’avoir œuvré de façon à contourner les sanctions existantes".

 

Téhéran a immédiatement réagi, affirmant que "ces nouvelles sanctions étaient de nature à tuer l’accord", qu’il s’agissait d’une violation d’icelui de la part de l’Amérique, qui démontrait qu’elle n’était pas "digne de confiance".

 

Joignant le geste à la parole, les émissaires perses quittèrent précipitamment les négociations de Vienne le 12 décembre dernier. C’étaient encore quelques semaines de gagnées.

 

Se sentant invulnérables, les ayatollahs se sont mis à tester trois nouveaux modèles de centrifugeuses, et puis, ils ont fait en sorte qu’une centaine de leurs "députés" proposent une loi au "parlement" [on rappelle que les députés et les parlements dans une dictature sont des instruments de la dictature. Ndlr.], aussitôt soutenue par cent autres, offrant d’obliger le gouvernement à enrichir l’uranium à 60 pour cent. Réaction d’Abbas Araghchi, le chef des négociateurs de la théocratie chiite à Genève : "C’est le parlement qui décide !".

 

Nous, de rappeler, en plus, que d’après la feuille d’information de Barack Obama, Téhéran s’est engagé à ne plus enrichir d’uranium à plus de 5 pour cent à partir du 24 novembre 2013. Et encore, qu’aucun spécialiste de l’atome n’a connaissance d’une utilité non-militaire de l’uranium enrichi à 60 %.

 

Tous les Américains ne sont pas dupes, même si la majorité d’entre eux entretient des préoccupations très éloignées de la question de la bombe persane, et même si elle a tort. Témoins ces 26 sénateurs étasuniens - dont quelques-uns ont été fort troublés par nos annonces quant à l’inexistence de l’accord de Genève – ; Démocrates aussi bien que Républicains, qui ont concocté un projet de loi suggérant d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran s’il contrevenait aux provisions de… l’Accord de Genève.

 

Le porte-parole du président, Joe Carney, a fait savoir qu’Obama opposerait son veto au cas où la résolution passerait la rampe de la haute chambre. Carney ajoutant qu’il était très important d’éviter des actions qui pourraient potentiellement mettre fin à l’opportunité d’une solution diplomatique de ce défi. Avis à ceux qui croyaient, en lisant les communiqués de la Maison Blanche, que la solution diplomatique avait DEJA été trouvée.  

 

Les poids lourds de la politique US, à l’instar de Robert Menendez, le président de l’influent Comité Sénatorial pour les Affaires Etrangères, qui font partie des instigateurs de la loi sur les nouvelles sanctions savent pertinemment que le président détient le droit d’actionner son veto.

 

Cela lui mettrait le Congrès définitivement à dos, mais cela le forcerait surtout à venir s’expliquer devant le parlement ; et plusieurs de ses membres n’attendent que ce moment pour demander, en direct sur toutes les chaînes de TV américaines, qu’il leur montre ce fameux traité, sur lequel s’articule désormais la position de leur pays face à la menace nucléaire iranienne. J’ai entendu des interlocuteurs sourire au téléphone uniquement en pensant à cette perspective.

 

J’ai également parlé, ces derniers jours, à des amis fidèles d’entre les hauts-fonctionnaires européens. Une ancienne connaissance, qui n’imagine pas un instant que nous nous trompions quant à l’imposture de l’Accord de Genève, un Anglais du Foreign Office que je fréquente depuis 35 ans, m’a assuré que les 5+1 ne commenceraient pas à alléger les sanctions tant que Khamenei n’appliquerait pas les "éventuels premiers pas en vue d’un accord1" sur le nucléaire iranien. D’après cet authentique gentleman, ce seraient les Iraniens qui perdraient le plus au "petit jeu qu’il pratiquent". Il insiste : "Leur situation économique est vraiment très précaire".

 

Surpris, je lui fournis mon explication en des termes stratégiques simples : avant le 24 novembre, les Iraniens avaient le choix entre cesser leur entreprise nucléaire ou faire face à une intervention militaire. Depuis, ils ont le choix de voir les sanctions abolies s’ils mettent un terme relatif à leurs ambitions nucléaires. Ils possèdent également celui de poursuivre et de terminer leur projet nucléaire dans la plus stricte immunité.

 

Je crois que la différence en leur faveur est sensible, n’est-il pas ? Je n’ai reçu en guise de réponse à cette interrogation qu’un long silence emprunté. Mais face au péril qui menace le monde, c’est largement insuffisant.

 

 

 

Note :

 

1C’est la définition la plus appropriée, correcte et fidèle du document envisagé le 24 novembre dernier à Genève.       

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