Traité pour l'organisation du protectorat français dans l'empire chérifien.
(Fès, 30 mars 1912)
Après la conférence d'Algésiras (1906) qui visait à préserver l'intégrité et l'indépendance du Maroc, la tentative de modernisation de l'État marocain pour échapper aux convoitises des Européens, notamment de la France, de l'Espagne et de l'Allemagne, échoue. Le sultan Moulay Abd el-Hafid, assiégé par plusieurs tribus dans sa capitale, Fès, demande l'intervention militaire de la France, ce qui provoque une crise avec l'Allemagne. Un accord de troc colonial est conclu, le 4 novembre 1911 (RGDIP, 1912, documents, p. 7 et s.), l'Allemagne accepte le contrôle français sur le Maroc et reçoit en échange une partie du Congo français, que la France récupèrera à la suite de la Grande Guerre.
Le traité de Fès du 30 mars 1912 instaure le protectorat français sur le Maroc. Mais, un accord est conclu avec l'Espagne, le 27 novembre 1912, qui définit les trois zones d'influence espagnole, au Nord, au Sud, et autour d'Ifni, conformément à un accord secret conclu le 3 novembre 1904 (RGDIP, 1912, documents, p. 18 et s.), à la suite de l'Entente cordiale franco-britannique du 8 avril 1904. Par ailleurs, la zone de Tanger est soumise à un régime particulier qui sera plus tard précisé par la convention de Paris du 18 décembre 1923. Ces différents accords régissent le Maroc jusqu'à la reconnaissance de l'indépendance du pays en 1956.
Source : Bulletin officiel de l'Empire chérifien, Première année, n° 1, 1er novembre 1912.
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa Majesté Chérifienne, soucieux d'établir au Maroc un régime régulier, fondé sur l'ordre intérieur et la sécurité générale, qui permettra l'introduction des réformes et assurera le développement économique du pays, sont convenus des dispositions suivantes.
Article premier.
Le Gouvernement de la République française et Sa Majesté le sultan sont d'accord pour instituer au Maroc un nouveau régime comportant les réformes administratives, judiciaires, scolaires, économiques, financières et militaires que le Gouvernement français jugera utile d'introduire sur le territoire marocain.
Ce régime sauvegardera la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnel du Sultan, l'exercice de la religion musulmane et des institutions religieuses, notamment de celles des habous. Il comportera l'organisation d'un Maghzen chérifien réformé.
Le Gouvernement de la République se concertera avec le Gouvernement espagnol au sujet des intérêts que ce gouvernement tient de sa position géographique et de ses possessions territoriales sur la côte marocaine.
De même, la ville de Tanger gardera le caractère spécial qui lui a été reconnu et qui déterminera son organisation municipale.
Article 2.
S. M. le sultan admet dès maintenant que le Gouvernement français procède, après avoir prévenu le Maghzen, aux occupations militaires du territoire marocain qu'il jugerait nécessaires au maintien de l'ordre et de la sécurité des transactions commerciales et à ce qu'il exerce toute action de police sur terre et dans les eaux marocaines.
Article 3.
Le Gouvernement de la République prend l'engagement de prêter un constant appui à Sa Majesté Chérifienne contre tout danger qui menacerait sa personne ou sou trône ou qui compromettrait la tranquillité de ses États. Le même appui sera prêté à l'héritier du trône et à ses successeurs.
Article 4.
Les mesures que nécessitera le nouveau régime de protectorat seront édictées, sur la proposition du Gouvernement français, par Sa Majesté Chérifienne ou par les autorités auxquelles elle en aura délégué le pouvoir. Il en sera de même des règlements nouveaux et des modifications aux règlements existants.
Article 5.
Le Gouvernement français sera représenté auprès de Sa Majesté Chérifienne par un Commissaire résident général, dépositaire de tous les pouvoirs de la République au Maroc, qui veillera à l'exécution du présent accord.
Le Commissaire résident général sera le seul intermédiaire du Sultan auprès des représentants étrangers et dans les rapports que ces représentants entretiennent avec le Gouvernement marocain. Il sera, notamment, chargé de toutes les questions intéressant les étrangers dans l'empire chérifien.
Il aura le pouvoir d'approuver et de promulguer, au nom du Gouvernement français, tous les décrets rendus par Sa Majesté Chérifienne.
Article 6.
Les agents diplomatiques et consulaires de la France seront chargés de la représentation et de la protection des sujets et des intérêts marocains à l'étranger.
Sa Majesté le Sultan s'engage à ne conclure aucun acte ayant un caractère international sans l'assentiment préalable du Gouvernement de la République française.
Article 7.
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa Majesté Chérifienne se réservent de fixer d'un commun accord les bases d'une réorganisation financière qui, en respectant les droits conférés aux porteurs des titres des emprunts publics marocains, permette de garantir les engagements du trésor chérifien et de percevoir régulièrement les revenus de l'Empire.
Article 8.
Sa Majesté Chérifienne s'interdit de contracter à l'avenir, directement ou indirectement, aucun emprunt public ou privé et d'accorder, sous une forme quelconque, aucune concession sans l'autorisation du Gouvernement français.
Article 9.
La présente convention sera soumise à la ratification du Gouvernement de la République française et l'instrument de ladite ratification sera remis à S. M. le sultan dans le plus bref délai possible.
En foi de quoi, les soussignés ont dressé le présent acte et l'ont revêtu de leurs cachets.
Fait à Fez, le 30 mars 1912.
REGNAULT.
MOULAY ABD EL HAFID.