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Le négationnisme du Temple… – Par E. Navon

 

 

 

Alors que l’Amérique commémore le 11 septembre, un paradoxe émerge de l’événement tragique qui a marqué le début du 21e siècle. D’un côté, Oussama Ben Laden a été éliminé et Al-Qaida est plus ou moins neutralisée. D’un autre côté, le rêve de Ben Laden de rétablir le califat est aussi vivant que délétère- comme cela a récemment été prouvé par les avancées et par la barbarie de l’EI (l’État islamique). Le fait que l’Amérique tente de constituer une coalition internationale pour vaincre l’EI est en soi un rappel que Ben Laden n’a pas été vaincu.

Comme son prédécesseur, George W. Bush, le Président Obama ne cesse de répéter que l’Amérique n’est pas en guerre contre l’Islam. Obama a même ajouté que l’EI « ce n’est pas l’Islam ».

Les tentatives du Président Obama de faire la distinction entre l’EI et l’Islam ont été récemment remises en question par le « Frère Rachid, » un Marocain musulman qui a passé vingt ans à étudier l’Islam et s’est converti au christianisme. Réfutant la déclaration d’Obama selon laquelle l’EI ne parle pas au nom de l’Islam parce que ses membres décapitent les journalistes américains, Rachid a dit la chose suivante : « La décapitation est un commandement du Coran dans la sourate 47, verset 4 … D’ailleurs, cette sourate est appelée la « sourate de Mahomet. »

Faisant référence à sa propre éducation musulmane, Rachid explique : « Nous avons été endoctrinés pour vous haïr tous … et pour faire de l’Islam la religion du monde entier, comme le dit le Coran … l’EI est juste un symptôme ; s’il disparaissait, d’autres EI apparaîtraient sous un autre nom … Si l’Islam n’est pas le problème, alors pourquoi y-a-t-il des millions de Chrétiens au Moyen-Orient, et pourtant aucun d’entre eux ne s’est jamais fait exploser pour devenir un martyr, alors même qu’ils vivent dans les mêmes conditions économiques et politiques? Pourquoi les nouveaux convertis à l’Islam sont devenus des terroristes? Je vous conjure de prendre position … pour l’avenir de la démocratie : dites la vérité sur la menace à laquelle chacun d’entre nous est confronté. »

Les Européens convertis à l’Islam mentionnés par le Frère Rachid entrent en Syrie et en Irak via l’ « autoroute djihadiste» en Turquie. La Turquie est membre de l’OTAN, l’organisation autour de laquelle le Président Obama tente de construire sa stratégie anti-EI. L’ironie ne s’arrête pas là.

La branche de l’EI dans le Sinaï s’appelle « Ansar Bait al-Maqdis. » Littéralement, cela signifie : « les fidèles du Temple de Jérusalem. » « Bait al-Maqdis » est la prononciation arabe de l’Hébreu « Beit Ha-Mikdash » dont la signification est « Le Temple [de Jérusalem]« .

Jérusalem fut conquise par les Musulmans en 638. Le nom arabe moderne de Jérusalem, al-Quds, remonte au 9ème siècle, mais il ne s’est répandu qu’au onzième siècle. « Al-Quds » dérive de « Bait al-Muqaddas » qui est une prononciation différente de « Bait al-Maqdis. » La branche de l’EI dans le Sinaï utilise le mot arabe d’origine pour Jérusalem, un mot qui est en soi un témoignage que les Arabes reconnaissaient dans le passé que Jérusalem est le site du Temple de Salomon.

D’ailleurs, après la conquête arabe de Jérusalem, les Juifs étaient autorisés à prier librement sur le Mont du Temple parce que les Arabes savaient que c’est là où leur Temple se trouvait autrefois. Un guide touristique publié par le Conseil suprême musulman en 1924 dit à propos du Mont du Temple : « Ce site est parmi les plus anciens au monde. Il est, sans aucun doute, l’endroit où se tenait jadis le Temple du Roi Salomon. »

Le déni même de l’existence du Temple par les dirigeants arabes est un phénomène récent qui ne reflète pas la position traditionnelle de l’Islam. Lorsqu’Arafat choqua les délégations israélienne et américaine au sommet de Camp David de juillet 2000 en disant qu’il n’y avait jamais eu de Temple à Jérusalem, il exprimait un nouveau mythe palestinien. Ce mythe a été repris et répété par le cheikh Raed Salah (le chef de la branche nord du Mouvement islamique en Israël) ; par des députés (et anciens députés) arabes israéliens Abdoulmalik Dehamshe et Muhammad Barakeh; et par Shuki Khatib (président de la commission de suivi israélo-arabe).

Le « négationnisme du Temple » est un phénomène récent. Même Araf al-Araf, un historien palestinien proche de Hadj Amin al-Husseini, écrit dans son livre Tariah al-Quds (1951) qu’ « Al Aram Al Sharif [le Mont du Temple] se trouve sur ​​le Mont Moriah, mentionné dans le livre de la Genèse … Il a été acheté par David pour y ériger le Temple, mais c’est Salomon qui le bâtit en 1007 avant notre ère ».

Donc le Frère Rachid a raison : l’EI représente l’Islam – ne serait-ce que parce que l’EI reconnaît le passé juif de Jérusalem. En Israël, il existe aussi un mouvement appelé les « Fidèles du Mont du Temple », une organisation qui milite pour la liberté du culte juif sur le Mont du Temple, une liberté aujourd’hui niée par le gouvernement israélien, mais qui était respectée au 7ème siècle par les dirigeants musulmans. Sur la question du Mont du Temple, l’écart est plus grand entre Israël et l’OLP qu’entre Israël et l’EI.

Dommage que l’EI décapite les « infidèles » comme nous, car nous avons un terrain d’entente avec eux.

Emmanuel Navon dirige le Département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les Relations internationales à l’Université de Tel- Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.

Par Emmanuel Navon

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