Comment les juifs furent expulsés des pays arabes, par Maya Nahum
On commémore enfin cette histoire méconnue et occultée. Après de longues années d’efforts et de tractations, le parlement israélien (Knesset) a adopté en juin dernier une loi fixant au 30 novembre de chaque année la commémoration de l’expulsion et l’exode des juifs des pays arabes et de l’Iran.
En Israël et dans la diaspora, devront être organisées des journées pédagogiques afin de renforcer la conscience internationale en ce qui concerne ces réfugiés ; ce qui devrait déboucher sur leur droit à la réparation dans le cadre des négociations de paix au Proche-Orient. Après soixante ans, ce n’est pas trop tôt.
Mercredi dernier, c’est à la mairie du 17e arrondissement que s’est tenue la première réunion à Paris, organisée par Josiane Sberro, avec l’appui du centre Simon Wiesenthal. Entre 1940 et 1970, une civilisation entière a disparu des pays arabes.
Pourquoi cette histoire est-elle restée méconnue ?
Que sont devenus ces 800 000 juifs des pays arabes et d ‘Iran (pourquoi omettre la Turquie ?) ?
Quel impact cette reconnaissance et cette commémoration peuvent avoir sur ce qui se passe au Proche Orient et en France ?
Quelques-unes des questions auxquelles Schmuel Trigano a donné des réponses.
Il a rappelé les degrés et les formes différents qu’avait pris l’exclusion de Juifs, selon les pays et les époques. De la discrimination juridique (Syrie) à la dénationalisation (Egypte) et la spoliation économique et sociale (Liban, Yemen) en passant par l’événement pogromique (Irak).Tous les pays arabes sont concernés, dont la Tunisie et le Maroc.
À propos des deux derniers, ça dérange. Pays de la douceur du vivre-ensemble…
Nombreux sont les Juifs qui continuent de s’anesthésier à la nostalgie, perpétuent le mythe du bonheur en pays arabes et folklorisent le passé.
Cet exode est une histoire politique niée, trop peu analysée, voire travestie afin de justifier le traitement exclusif des réfugiés palestiniens.
Schmuel Trigano n’hésite pas à parler du silence sépharade comme d’une faute politique. Mais il rappelle aussi que le Wojac (World organisation of Jews from Arab countries) a tenté en vain dans les années 80 de convaincre Israël de la nécessité de verser au dossier de la paix l’exode des 800 000 juifs chassés des pays arabes.
Cette histoire ne serait-elle pas la clé de la délivrance de la mémoire et du rétablissement de la vérité ?
Trigano démontre que ce qui se passe aujourd’hui dans le monde musulman du Pakistan au Mali est la dernière étape d’un processus commencé avec les Arméniens, poursuivi avec les juifs et se terminant aujourd’hui avec les Chrétiens.
Georges Bensoussan revient sur la difficulté d’écrire l’histoire de ce presque million de Juifs des pays arabes virés de leur terre natale.
Plusieurs facteurs, selon lui, convergent :
1/ Les Juifs eux-mêmes, avec cette difficulté pour les Ashkénazes de donner crédit aux Séfarades qui eux, n’ont pas été décimés par la Shoah.
2/ Le monde arabe, négationniste, et qui continue de travestir la réalité en mettant sur le dos de la création de l’État d’Israël, le « malaise » juifs/arabes et le départ des juifs.
Si c’était vrai, alors pourquoi les juifs ont-ils été si soulagés de voir arriver les colonisateurs en qui ils virent leurs libérateurs (rappelons que les juifs étaient des « dhimmis », des protégés) ?
3/ L’Occident qui préfère croire au mythe du bonheur juif en pays arabe et ne s’intéresse qu’aux 700 000 réfugiés palestiniens.
Pourtant, des travaux existent : Ceux de Bensoussan et Trigano, ainsi que N. Weinstock P. Fenton ou Litman. Mais la presse n’en fait pas écho…
La fin de 800 000 Juifs en terre d’Islam dérangerait la mécanique intellectuelle progressiste qui veut qu’un dominé ne peut pas être en même temps un dominateur, spoliateur et antisémite ?
Enfin, avec humour, Daniel Sibony a rappelé que le pouvoir arabe protégeait les juifs en terre d’Islam de la masse arabe elle-même : En effet moyennant impôt, les juifs pouvaient vivre tranquillement et faire la fête !
D’où cette nostalgie sans doute…
Cette nouvelle journée de commémoration peut permettre aux Juifs séfarades de faire connaître leur Histoire, de faire la paix avec leur mémoire et cesser de nourrir un mythe que d’autres utilisent avec une habileté perverse
En reconnaissant ce fait politique majeur, la disparition des communautés juives des pays arabes, Israël, le monde arabe et la communauté internationale seront contraints de poser enfin cette pièce manquante sur l’échiquier de la paix à construire. Car nier n’est pas jouer.
Source : Causeur, par Maya Nahum