L’HISTOIRE DES KLARSFELD
Portrait d'une famille pas comme les autres, engagée dans une seule et même cause. Serge, Beate, Arno et Lida Klarsfeld croisent leurs regards sur leur singulière histoire, leur combat, leur héritage, leur relation.
Au commencement, il y a l'histoire de Serge Klarsfeld. Le 30 septembre 1943, alors âgé de 8 ans, il assiste à l'arrestation de son père par la Gestapo, caché avec sa mère et sa soeur dans le double fond d'une armoire. Un véritable sacrifice puisque tout avait été prévu pour que lui seul soit arrêté. Et puis, il y a une rencontre en 1960, dans le métro : celle de Serge, étudiant à Sciences-Po, et de Beate Kunzel, Allemande débarquée à Paris comme jeune fille au pair. Deux consciences qui n'en feront bientôt qu'une.
Serge Klarsfeld mène un "combat pour la justice et la mémoire", fait "ce qu'auraient voulu les déportés", écrit la vérité sur ce qu'ils ont vécu ; Beate, parce qu'elle est Allemande, déclare : "J'ai une responsabilité historique et morale à accomplir". Témoin privilégié de ce couple hors du commun, Lida, leur fille, conclut : "C'était impossible l'un sans l'autre".
Un événement détermine la suite : en 1966, Kiesinger, ancien propagandiste nazi, est élu chancelier de RFA. Beate s'insurge, écrit dans le journal Combat et, pour marquer les esprits, emploie une "violence symbolique", l'une des manifestations de l'activité des Klarsfeld. Le 7 novembre 1968, elle gifle le chancelier.
En 1971, le couple décide de traquer les anciens nazis. Pour cela, il fallut beaucoup de courage et de patience pour rassembler les preuves, interpeller les médias, mobiliser le public et la communauté juive, agir alors qu'aucune loi n'existait en ce sens. Après Kiesinger, ce furent dix années de lutte pour voir jugés Kurt Lischka, Herbert Hagen, Ernst Heinrichsohn. Dix années encore pour localiser et juger Aloïs Brunner et Klaus Barbie, des années pour Touvier et Papon.
"Expliquer que la Shoah, ce n'est pas six millions de personnes
mais 1 + 1 + 1"
En 1979, ils fondent l'Association des fils et filles des déportés juifs de France. Ainsi, ils rassemblent, vérifient les informations sur les milliers d'hommes, de femmes et d'enfants déportés, font valoir les droits de leurs descendants et finalement, constituent une "sépulture symbolique" avec le Mémorial de la déportation des juifs de France. C'est l'oeuvre de Serge Klarsfeld, historien, entouré d'archives, de dossiers, de listes interminables des juifs déportés.
"J'ai beaucoup influencé la muséographie et la recherche historique en ce qui concerne la Shoah. Le principal apport a été d'individualiser la Shoah, c'est-à-dire d'expliquer que la Shoah, ce n'est pas six millions de personnes mais 1 + 1 + 1...", reconnaît-il sans prétention, mais conscient de son action, il ajoute : "Personne d'autre n'aurait pu le faire puisque personne d'autre ne l'a fait."
Autour de ces combats se construit une famille qui ressemble à une tribu. Serge, Beate, Arno et Lida vivent dans la même maison, partagent un compte bancaire et livrent les mêmes batailles.
Arno, avocat, a pris la relève. Après avoir giflé Jean-Marie Le Pen, il a enflammé les audiences des procès Touvier, en 1994, et Papon, en 1998. Arno reconnaît la pression morale qui s'exerce parfois sur lui : "Il faut gagner l'estime. J'ai un exemple élevé, il faut donc se montrer digne. (...) On a peur de se décevoir soi-même." Chez les Klarsfeld, aucun héroïsme triomphant mais beaucoup de simplicité et d'humilité pour un combat qui paraît à chacun si juste.
Quelques faits d'armes
1970 : la traque dans les rues de Cologne du numéro 1 de la Gestapo en France, Kurt Lischka, commence.
1970-1980 :poursuite de Klaus Barbie et d'Aloïs Brunner.
1980 :procès de trois responsables de la solution finale, Kurt Lischka, Herbert Hagen, Ernst Henrichsohn, condamnés à 12, 10 et 6 ans de réclusion criminelle.
1987 :surnommé le "boucher de Lyon", Klaus Barbie est condamné à perpétuité pour crime contre l'humanité.
1994 :pour la première fois Arno mène un procès, celui de Paul Touvier, chef de la milice à Chambéry et à Lyon, condamné à la réclusion à perpétuité.
1998 :Arno mène le procès de Maurice Papon, condamné à dix ans de réclusion criminelle.
2001 :Serge, Arno et Lida se constituent parties civiles pour le procès d'Aloïs Brunner, "ingénieur" de la solution finale, commandant du camp de Drancy, condamné par contumace à la réclusion à perpétuité.
Quelques ouvrages de Serge Klasrfeld