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La vérité sur le raid de dimanche (info # 012201/15)[Exclusivité]

Par Michaël Béhé à Beyrouth © MetulaNewsAgency

 

 

Après l’attaque de dimanche dans le Golan, attribuée par la presse libanaise aux Israéliens, sans confirmation de leur part, le rédacteur en chef de la Ména m’a demandé de diriger une enquête approfondie sur cet évènement, en y mettant tous les moyens nécessaires.

 

Pour effectuer ce travail, je me suis d’abord appuyé sur les informateurs de la Ména au Liban et en Syrie et j’ai également eu recours aux services de certains confrères de l’agence, en Israël et dans d’autres pays du Moyen-Orient.

 

La rédaction de Métula n’était pas satisfaite de la localisation géographique de l’incident donnée par l’ensemble des media jusqu’à présent. Toutes ces sources affirment en effet que l’attaque de l’hélicoptère a eu lieu à Kuneitra, ou dans la région de Kuneitra, à 7 kilomètres de la frontière de l’Etat hébreu.

 

Or à Métula on connait très bien le Golan syrien et on sait parfaitement, pour le constater chaque semaine de visu, que la région de Kuneitra est fermement contrôlée par l’Armée Syrienne Libre, et non par ses ennemis des forces de Damas avec ses alliés syriens et libanais.

 

Pour nos spécialistes il semblait quasi-impossible que des commandants de si haut rang de l’Armée iranienne et du Hezb risquent leur vie dans une zone aux mains de leur ennemi. De plus, même si cela avait été le cas, s’ils étaient parvenus à s’embusquer dans le lieu-dit Mazrat el Amal (dont personne ne sait où il se trouve), Métula se demandait comment, après le raid, les syro-irano-hezbollanis s’y seraient pris pour rapatrier les corps des morts et soigner les blessés, dans un endroit qui aurait forcément été révélé par les explosions découlant de l’attaque.

 

Le doute de nos camarades était fondé et il ne nous a pas fallu longtemps pour découvrir que la position réelle où s’était déroulée l’attaque se situe en fait dans la petite portion de territoire encore contrôlée par l’armée de Béchar al Assad, tout au nord de la frontière syro-israélienne, dans le Golan, sur les contreforts du Hermon enneigé, immédiatement au sud de la ville druze syrienne de Hader. Quant au lieu de la rencontre, il s’agit en fait d’une minuscule bourgade.

 

Celle-ci est constituée par trois ou quatre maisons tout au plus et est éloignée des premières lignes occupées par l’ASL au Sud, à Turnjeh et Jubata al Khashab, par trois petits kilomètres.

 

Trois petits kilomètres certes, mais protégés par un très important dispositif militaire, composé de chars et d’artillerie, qui comptent des combattants d’al Assad ainsi que des Pasdarans iraniens et des miliciens chiites libanais.

 

Un lieu où l’on pensait pouvoir se rencontrer en toute sécurité pour planifier une attaque contre Israël, dont la frontière, à l’Ouest, est effectivement éloignée de 7 kilomètres. Hader fait face à la ville druze israélienne du Golan de Majd al Shams (L’étoile du soleil).

 

Autre imprécision dans les narratifs de l’incident tel que proposés par les media de mon pays : le raid a été conduit par des avions sans pilotes, des drones, et non par un hélicoptère d’assaut de Tsahal. J’en veux pour preuve le compte-rendu détaillé du contingent onusien sur le Golan qui n’avait aucun intérêt à déguiser les faits, ainsi que par des chefs de l’ASL à Jubata avec lesquels nous avons pu nous entretenir.

 

L’erreur suivante est encore plus significative, elle a trait au général iranien tué lors de l’assaut aérien, Mohammed Ali Allahdadi, également surnommé Dadi dans la force Quds (Jérusalem), dont il était l’un des commandants principaux. Ce qui est tronqué dans la couverture des media à la solde du Hezbollah est précisément la présence des chefs du corps d’élite Quds lors de la réunion de Hader et non pas, simplement, des Pasdarans, les Gardiens de la Révolution khomeyniste.

 

La force Quds, c’est l’élite de l’élite, l’unité de l’Armée de la "République" Islamique responsable des opérations extraterritoriales.

 

Quds est placée exclusivement sous les ordres directs du guide suprême Ali Khamenei. Elle compte environ 15 000 hommes, actifs dans 8 régions principales dont, outre la région Liban-Israël-Syrie-Jordanie, les pays occidentaux, y compris les Etats-Unis ; la Turquie, l’Irak et la péninsule arabique, notamment.

 

La force Quds remplit deux fonctions principales dans le système militaire iranien, d’une part elle participe à des actions sur le terrain aux côtés de combattants alliés, et de l’autre, elle est en charge de la formation militaire avancée d’individus recrutés parmi des Etats et organisations proches de Téhéran.

 

Un autre élément participe à la rendre redoutable : elle est extrêmement riche, contrairement au reste de l’Armée iranienne, qui subit de plein fouet les restrictions budgétaires, largement dues à la baisse du prix du brut. La force Quds ne connait pas ce genre de restrictions et utilise son argent non seulement pour se doter de l’armement le plus moderne, mais également pour financer des opérations militaires ou des actes terroristes, particulièrement au Liban, en Afghanistan et en Irak.

 

Le Los Angeles Times a écrit à propos de la force Quds qu’il s’agissait de l’"une des meilleures forces spéciales au monde". C’est une entité particulièrement efficace, ses membres sont extrêmement talentueux et sont choisis parmi les meilleurs éléments des Gardiens de la Révolution, eux-mêmes sélectionnés parmi les meilleurs combattants de l’Armée iranienne. Quds a été placée sur la liste des organisations terroristes aux Etats Unis et au Canada.

 

Quant au général Mohammed Allahdadi, à en croire mes amis chiites de Beyrouth, il était le plus doué et le plus expérimenté des officiers supérieurs de Quds. Mes interlocuteurs m’ont invité à consulter les images de ses funérailles à Téhéran, sur la base desquelles j’ai pu me rendre compte qu’elles avaient l’ampleur d’une cérémonie mortuaire consacrée à un homme d’Etat.

 

A Hader, Allahdadi était accompagné d’un autre expert iranien de la force Quds dont on a peu parlé, le colonel Ali Tabtabaï, le spécialiste, dans cette unité, des raids de franchissement de frontières ainsi que de l’activation de commandos dans les territoires ennemis. Naturellement, la présence de Tabtabaï à la réunion de dimanche n’était pas fortuite, et l’on entendait faire le meilleur usage de ses connaissances.

 

La perte de ces deux hommes revêt une importance considérable pour la théocratie iranienne, ce qui explique en partie l’authentique colère  de ses dirigeants depuis dimanche ainsi que les très graves menaces qu’ils ont lancées en direction d’Israël.

 

Côté Hezbollah, les pertes sont encore plus douloureuses ; on n’a assurément pas assez insisté sur la prépondérance de Djihad Mournieh au sein de la milice chiite. Fils du chef emblématique de cette organisation terroriste, Imad Mournieh, Djihad a reçu la meilleure éducation possible. Son père était l’agent de liaison entre Ali Khamenei et le Hezbollah ainsi que son homme de confiance durant de longues années.

 

Djihad était chéri par le guide suprême iranien et le chef de la force Quds, le major-général Qassem Soleimani, l’avait même adopté comme son propre fils à la mort de son père.

 

Non seulement Djihad faisait partie de la nomenklatura, à la fois à Téhéran et à Beyrouth, mais il était, d’après tous ceux qui l’ont connu, un jeune homme particulièrement doué.

 

Pratiquant la religion avec modération, mais profondément antisémite et animé d’une haine incompressible pour les occidentaux et leur culture, il était devenu un expert incontesté dans les domaines stratégique et tactique. En fait il se trouvait déjà, malgré son jeune âge, à la tête de la branche armée du Hezbollah, et il était destiné à remplacer Hassan Nasrallah à la direction de l’organisation au moment qu’auraient choisi les Iraniens.

 

Pour comprendre l’ampleur du désastre pour la milice représenté par la perte de Djihad Mournieh, il suffit de bien saisir la phrase que m’a confiée l’un des généraux de la milice à l’occasion des obsèques du jeune homme, affirmant que, "désormais nous ne sommes plus que des mains et des jambes, lui était la tête".

 

Cela explique en partie les scènes d’hystérie qui ont émaillé la cérémonie funéraire du jeune chef.

 

Avec lui, sur le Golan, en qualité de second, se trouvait Mohammed Issa, qui n’était autre que le chef des six à huit mille combattants du Hezbollah actuellement engagés dans la Guerre Civile en Syrie.

 

Munis des éléments d’information qui précèdent, on comprendra sans hésitations que la raison qui les avait réunis dimanche dernier dans le nord du Golan était de très haute importance. [Le projet de ces individus, tel que présenté par Béhé, était tellement énorme, à ce point différent de tout ce qui avait été tenté contre Israël à partir du Golan, à ce point sensible aussi, que nous avons décidé de ne pas le révéler dans nos colonnes. Ndlr.].

 

C’est pour cette raison que nous nous exprimons avec beaucoup de prudence dans cet article. Ce que nous pouvons révéler est que les Iraniens et le Hezbollah s’apprêtaient, dans les heures voire les quelques jours qui auraient suivi le moment de leur élimination à effectuer un raid particulièrement sanglant à l’intérieur du territoire israélien.

 

Des centaines de combattants se trouvaient à pied d’œuvre, et ils s’apprêtaient à lancer une opération de diversion majeure tout le long de la frontière commune entre Israël et la région du Golan encore contrôlée par l’Armée régulière syrienne.

 

C’était l’une des raisons pour lesquelles le Hezb avait besoin de l’appui de Quds, en plus de son expertise logistique : ce qui s’ourdissait allait coûter énormément d’argent, bien plus que n’en disposait la milice libanaise pour ce genre d’activités. Mohammed Issa était censé fournir la majorité des combattants nécessaires au projet, Ali Tabtabaï avait planifié les attaques de diversion ainsi que les modalités de l’assaut contre la cible principale.

 

Une fois l’objectif réalisé, les commandos étaient censés rejoindre les lignes syriennes par leurs propres moyens, sachant qu’ils avaient peu de chance d’y parvenir au cœur du dispositif militaire israélien. Cette action était donc conçue comme une opération semi-suicidaire, à la gloire d’Allah, dans le plus pur style des sacrifices du djihadisme chiite.

 

Si elle avait réussi, elle aurait donné lieu à une riposte majeure de la part de Jérusalem, ce qui indique que l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah était prêt à prendre ce genre de risques.

 

Evidemment, ni Djihad Mournieh, ni Mohammed Issa, ni Allahdadi et Tabtabaï n’étaient censés prendre part au raid qu’ils avaient planifié. Au contraire, si les choses s’étaient déroulées comme ils l’avaient prévu, ils se seraient retirés de plusieurs dizaines de kilomètres afin de tenter de se mettre à l’abri de la réplique des hébreux.

 

L’opération de dimanche dernier aurait pu s’intituler "Décapitation", puisque son objectif consistait à priver les combattants de leur état-major. Cela a parfaitement fonctionné, à l’image du témoignage de l’officier du Hezb à Beyrouth : depuis quatre jours, de toute cette préparation, il ne reste que des mains et des jambes, mais plus de têtes.

 

Au temps pour les soi-disant témoignages recueillis par l’AFP et Reuters, selon lesquels des officiels israéliens leur auraient confié que Tsahal ignorait la présence des chefs militaires iraniens lors de l’attaque des drones ! En fait, c’est exactement le contraire. Il importait, par-dessus toute autre considération, de les mettre immédiatement hors d’état de nuire. Et leur rencontre en principe secrète avec les responsables du Hezbollah a fourni au commandement hébreu une occasion inespérée de déjouer l’attaque que ces individus préparaient.

 

Même si nous ne disposons d’aucune information à ce sujet, il nous parait évident que Tsahal connaissait les moindres faits et gestes des individus éliminés dimanche dernier, de même que leur funeste projet en détail.

 

La forme qu’a pris le dénouement de cette affaire a généré une situation pour le moins équivoque dans la région, dès lors que l’on peut considérer qu’Israël se trouvait en état de légitime défense, et qu’il a, par son intervention, empêché le déroulement d’une agression majeure qui le visait.

 

Ainsi, les promesses de vengeance émises par les responsables de la théocratie persane et par les chefs chiites libanais revêtent un aspect cocasse ; au fond ils reprocheraient à Jérusalem d’avoir fait le nécessaire pour protéger la vie de ses citoyens contre l’attaque qu’ils préparaient.

 

On comprend aussi la détermination que l’on peut lire dans la réaction du gouvernement israélien et de son Armée, qui n’avaient pas d’autre choix que d’agir comme ils l’ont fait, et qui, maintenant, se préparent calmement à une éventuelle confrontation limitée avec ses ennemis.

 

Des Iraniens et des Libanais qui n’ont en aucune manière créé d’occurrence stratégique ou tactique propice à ouvrir un nouveau front face à l’Etat hébreu. Cela leur laisse l’opportunité, s’ils veulent "se venger" d’élaborer un nouveau mauvais coup à partir du Golan, ou à l’extérieur de la zone du conflit. Encore qu’ils viennent de perdre quatre de leurs meilleures têtes pensantes pour confectionner des opérations de ce genre. 

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