Echec de l’offensive Assad-Pasdaran-Hezbollah dans le Golan (info # 012702/15)[Analyse]
Par Michaël Béhé à Beyrouth© MetulaNewsAgency
L’offensive conjointe des armées régulières d’Iran et de Syrie et des miliciens du Hezbollah en vue de reprendre le Golan et l’accès aux frontières israélienne et jordanienne à l’Armée Syrienne Libre a échoué.
Au début de cette campagne, il y a quinze jours, les media libanais aux mains de la milice chiite faisaient état d’une avance rapide et de la prise de nombreux villages. Ils nous expliquèrent ensuite que les opérations étaient ralenties à cause de la tempête de neige qui ravageait la région, mais maintenant que les éléments naturels se sont calmés, force est de constater que le projet de l’Axe a échoué.
Certes, des combats violents et sporadiques se poursuivent actuellement, mais la carte que nous publiions le 12 courant pour illustrer l’article de Stéphane Juffa "Offensive irano-syro-hezb dans le Golan" reste globalement inchangée.
Si le Hezb et ses alliés iraniens et syriens ont effectivement conquis initialement quelques villages sans importance stratégique, Jabkhat Thowar Suriya, le Front Révolutionnaire Syrien (FRS), non islamiste, branche de l’Armée Syrienne Libre, et ses alliés de circonstance d’al Nosra, l’expression syrienne d’Al Qaeda, ont également pris le contrôle de plusieurs localités et ils se trouvent toujours à 30-35 kilomètres de la capitale Damas.
Surtout, les routes Deraa-Damas, la route menant à Quneitra et, a fortiori, le poste frontière du même nom ainsi que la colline stratégique de Tel Hara restent solidement entre les mains de la rébellion et ne sont plus menacés directement.
Lors de cette offensive, supervisée pourtant par le général iranien commandant la force d’élite Quds (Jérusalem), Qassam Soleimani, l’Axe alignait de 2 à 3 000 soldats de l’Armée régulière syrienne, de 800 à 1 500 miliciens chiites libanais, et entre 200 et 350 Pasdaran perses, tous dotés de chars et d’artillerie.
Face à eux, le FRS pouvait compter sur environ dix mille combattants postés dans les provinces de Deraa et Quneitra, dont 5 000 ont été engagés dans les affrontements. Ceux-ci utilisent, outre des armes légères, divers types de missiles et des mortiers, fournis par Israël, les Etats-Unis et les Européens, et cofinancés par plusieurs Etats sunnites de la région.
De l’aveu des chefs de Jabkhat Thowar Suriya, ils étaient constamment informés avec précision de la position de leurs ennemis, ce qui leur a facilité la tâche. Ces mêmes commandants ont préféré ne pas mentionner que ces renseignements leur avaient été fournis grâce à l’étroite collaboration entre Israël et la Jordanie, qui permet à Tsahal d’utiliser son territoire pour y faire décoller et atterrir ses drones d’observation.
Il est très difficile d’établir un bilan précis des pertes réciproques, mais après avoir enquêté, j’avancerais le nombre de 500 à 600 morts du côté de l’Axe, et entre 2 et 300 dans les rangs de l’ASL et d’Al Nosra. Le bilan global de la Guerre Civile atteignant quant à lui 270 000 morts et sept fois plus de blessés.
Parmi les morts iraniens de la dernière offensive du Golan, on dénombre entre 100 et 150 tués (le FRS mentionne le chiffre de 200) au cours d’un seul bombardement de l’artillerie syrienne par erreur sur des positions tenues par les Iraniens.
Cet incident a marqué la campagne, car on n’est absolument pas certain qu’il ait réellement et totalement eu lieu par hasard. Ce qu’il importe de comprendre à propos de la Guerre Civile Syrienne, c’est que personne n’aime personne ; les alaouites détestent les Libanais qui le leur rendent bien, et les Iraniens se montrent condescendants avec les soldats d’Assad, dont ils passent leur temps à critiquer l’aptitude au combat et le courage. Les alaouites, très fiers et orgueilleux, supportent difficilement qu’on vienne leur faire la leçon chez eux, et prétendent avoir longtemps tenu seuls contre les assauts des rebelles, ajoutant que leurs alliés sont des combattants de parade, qui choisissent les théâtres d’opérations où il est le plus facile de briller.
Au cœur de ces querelles et détestations, la critique des Syriens par les chiites libanais et iraniens pour la perte du plateau du Golan au profit de l’ALS. Un reproche qui passe mal, et mon petit doigt me dit que les officiers d’al Assad ne seraient pas mécontents des récentes "difficultés" rencontrées par leurs partenaires. Difficile, en tout cas, dans ces conditions, de remporter une bataille.
En face, les divergences idéologiques entre le Jabkhat Thowar Suriya et al Nosra sont elles aussi énormes. Le FRS rêve d’instaurer la démocratie à Damas et de reconduire tous les mercenaires à la frontière, tandis que la branche syrienne d’al Qaeda s’appuie sur lesdits volontaires et compte instaurer un Etat islamique régi par la Charia, dans le cadre du djihad mondial.
Mais les deux groupes, qui s’affrontent militairement d’ailleurs dans d’autres parties de la Syrie, ont retenu qu’ils étaient sunnites et qu’ils devaient absolument faire cause militaire commune dans le Golan s’ils veulent tenir tête aux forces de l’Axe. De plus, des financiers communs, en particulier le Qatar, conditionnent leur aide au respect de certaines conditions qu’ils sont parvenus à imposer.
Parmi celles-ci, la prééminence officielle de l’ALS dans la région et le fait que c’est à elle seule qu’incombe la tâche de régir tant les points de passage que les relations avec Israël. Les deux partis s’engagent également à utiliser la bonne volonté de l’Etat hébreu pour son assistance logistique et les soins qu’il procure aux blessés, mais sans lui rendre la moindre contrepartie politique. Cette coopération-là ne se fait pas non plus dans l’amour et la fraternité, mais à cause d’intérêts communs primordiaux.
En Israël où, mis à part les médecins qui se donnent corps et âme pour sauver des vies, indépendamment de la nationalité et des convictions des patients, Tsahal, selon nos camarades de la rédaction à Métula, n’éprouve strictement aucune empathie à l’égard des participants à la Guerre Civile quels qu’ils soient. Les soldats israéliens procurent à l’ASL des services minimums, avec professionnalisme mais sans le moindre enthousiasme. Bref, à tous les étages, cette guerre n’est pas celle du cœur mais celle de la haine, du mépris et de la suspicion permanente.
Les divergences s’expriment même sur le plan stratégique du côté de l’Axe ; Téhéran et le Hezbollah ayant pris la décision d’ouvrir un nouveau front contre Israël à partir du Golan, ou, plutôt, de faire du Golan et du Liban-Sud un seul et même front.
Mais dans l’Armée alaouite, tant chez les gradés que parmi la piétaille, même si l’on acquiesce à cette décision – surtout parce que l’on n’a pas d’autre choix – on ne l’apprécie guère. Ce, parce qu’on est si occupé à résister sur les autres fronts, particulièrement face à la pression de l’Etat Islamique, que l’on sait pertinemment que l’on est incapable de résister à une éventuelle implication de Tsahal, qui ne manquerait pas d’advenir si l’on s’attaque aux Israéliens à partir de la Syrie.
Les Hébreux, forts de leur supériorité écrasante, qui font ce qu’ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent. D’ailleurs, chaque fois que le Hezb et les Pasdaran montent une embuscade, les militaires de Jérusalem détruisent une ou plusieurs positions de l’Armée régulière, faisant de nombreux morts et encore plus de blessés. Dans les rangs de l’Armée régulière, on sait qu’on paie cash le choix stratégique que Téhéran a imposé à Assad, on n’y trouve aucun intérêt parce qu’on est complètement absorbé par la tâche de protéger Damas et les grandes villes de l’Ouest, et on ne compte absolument pas sur les Pasdaran et les Hezbollani au cas où, par leur faute, il faudrait affronter les Hébreux.
De plus, on ressent douloureusement les frappes meurtrières et dévastatrices des Forces de Défense d’Israël au cœur de Damas, chaque fois que les Perses tentent de faire parvenir des armes sophistiquées au Hezb en passant par l’aéroport de la capitale. Des centaines de soldats alaouites sont déjà morts lors de ces raids.
A Jérusalem, où on suit assurément la situation heure par heure, on n’a, pour le moment, aucune raison ni aucune intention de s’empêtrer dans le conflit syrien. Le statu quo convient aux Israéliens, qui se réjouissent de la bonne tenue de l’ASL face à l’offensive de l’Axe. Leur état-major surveille certainement le degré de déploiement des unités iraniennes et il a, tout aussi certainement, tracé des lignes rouges dont le franchissement susciterait une réaction militaire.
A Beyrouth, on s’inquiète également – et cela transparait dans plusieurs media – d’une éventuelle tentative de Binyamin Netanyahu de raviver subitement le feu dans les secteurs du Golan et du Sud-Liban afin de montrer au Congrès et au peuple américain la dangerosité représentée par la théocratie chiite. Ce, au moment où le Président Obama désirerait signer un accord avec les ayatollahs, sur le problème nucléaire, mais également sur une coopération stratégique et une relance de leur économie.
Possédant l’avantage unique de coopérer étroitement avec mes camarades israéliens de la Ména à Métula, les informations qui me parviennent de leur part indiquent que ces craintes partent d’une nouvelle "libanaiserie", une rumeur hystérique épisodique n’ayant aucune prise dans la réalité.
Simplement, à l’instar de Béchar al Assad, on redoute ici que le Hezb, qui obéit strictement aux ordres de Téhéran et donc à ses intérêts, n’entraîne, par ses provocations, tout le pays aux cèdres dans une guerre que nous ne désirons pas, que nous n’avons pas de raison ni les moyens de faire, qui dévasterait à coup sûr tout notre fragile territoire et nous replongerait immédiatement dans une guerre civile.
Immergés en permanence dans ce genre de risque, et dépourvus de la possibilité de nous débarrasser du Hezbollah, privés de l’aide occidentale, incapables depuis des lustres de former un gouvernement et d’élire un président, il est presque naturel que nous sursautions à n’importe quelle association d’idées.
Le président libanais en latence, Michel Suleiman, de même que plusieurs hommes politiques du Courant du 14 mars (indépendantistes) ne cessent d’appeler le Hezbollah à retirer ses forces de Syrie. Je pense qu’ils ont tort, que s’ils revenaient, ils accentueraient encore les contraintes sur les autres communautés nationales et ils essaieraient de déstabiliser notre frontière avec l’Etat hébreu. Car en se mêlant en Syrie d’une guerre qui ne les concerne pas, les 5 à 7 000 miliciens qui y font le coup de feu ne nous martyrisent pas ici, et, de plus, ils attirent les répliques de Tsahal sur Damas et non sur Beyrouth.