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Claude Lelouch, genèse d’une carrière

Claude Lelouch, genèse d'une carrière

 

Les fondements d’un destin fabuleux, l’histoire de premiers films épiques, la légende d’Un Homme et d’Une Femme, la création d’une école de cinéma ! Aujourd’hui, révélons le passif de l’Homme au chiffre 13.

 

Que l’on aime ou déteste son cinéma, Lelouch demeure un monument. Dans cette logique, alors que le cinéaste fête ces jours-ci les 50 ans de sa société Les Films 13 avec, entre autre, la sortie aujourd’hui de son nouveau documentaire D’un film à l’autre, alors qu’il projette d’inaugurer sa propre école de cinéma dans la ville de Beaune (Côte-d’Or) en 2012, voici un petit topo des premiers pas d’un incontournable.

Né le 30 octobre 1937 dans le 9e arrondissement de Paris, le jeune Claude Lelouch se trouve confronté rapidement à la barbarie de l’occupant nazi après la défaite de juin 40. Ainsi, en 42, tandis que son père (juif algérien) est réfugié à Alger, sa mère (catholique convertie au judaïsme) tente par tous les moyens d’échapper à une Gestapo toujours sur leurs traces en cachant le petit Claude dans les salles de cinéma. De ces instants tragiques remplis de peur naquirent une passion qui ne le quittera plus - de l’aveu même de l’intéressé fait dans l’ouvrage de Claude Baignères et Sylvie Perez, Ces années-là (éditions Fayard).

Après la guerre, arrive le temps du baccalauréat pour Lelouch lycéen. C’est un échec cuisant (il y en aura d’autres). Désirant lui procurer une deuxième chance de démarrer dans la vie, son père lui offre alors une caméra, tout en lui donnant de l’argent de poche "afin de parcourir le monde". C’est ce que fera le réalisateur en herbe en tournant des reportages journalistiques en noir et blanc aux Etats-Unis (Une ville comme les autres et USA en vrac en 1956), en Hongrie à Budapest, en Egypte à Suez, et plus encore en Union Soviétique où il réalise, caméra cachée (sous le manteau selon la légende), Quand le rideau se lève en 1957 : un moyen métrage de 50 mns qui marque véritablement ses premiers pas. Autre fait marquant, durant ce séjour derrière le rideau de fer, Claude Lelouch a l’occasion de fréquenter les studios Mosfilms où le réalisateur soviétique Mikhaïl Kalatozov tourne Quand passent les cigognes. Pour Lelouch, c’est un authentique choc culturel : "J’ai su dès ce jour-là que la caméra était l’acteur invisible, mais principal de tous les films de l’histoire du cinéma et en particulier de tous mes films", déclarera-t-il des années plus tard.

Grâce à une expérience conséquente, il fait son service militaire au Service Cinématographique des Armées pour lequel il réalisera sept courts-métrages. Selon la légende encore, c’est en dirigeant du personnel militaire qu’il appréhendera toute la complexité et l’importance de la direction d’acteurs.

Avec le petit magot qu’il a confectionné grâce à ses premiers films, Lelouch se lance dans le grand bain de la production en créant sa propre société, les fameux Films 13. Pour l’anecdote encore, le cinéaste souhaitait dénommer sa structure, Les Films de l’Apocalypse. Stupéfait par cette appellation, le notaire qui enregistre les statuts constate que le jour dit est le 13ème du mois, qu’il est 13 heures à la pendule, et que l’identité du créateur comporte 13 lettres. En lieu et place des Films de l’Apocalypse, Les Films 13 sont créés en 1960…

1960 ! L’année du premier long métrage de Claude Lelouch : Le Propre de l’Homme. En parlant de cette première œuvre, Lelouch déclare : "J’ai commis toutes les erreurs que l’on peut faire sur un premier film." A la sortie du film en 1961, la critique sera acerbe à l’instar des Cahiers du Cinéma qui écriront : "Claude Lelouch, retenez bien ce nom, vous n'en entendrez plus jamais parler" (anecdote reportée dans le documentaire D’un film à l’autre). Quelques jours après la première du film, Lelouch apprend le décès de son père. En réaction à l’échec du film, le réalisateur brûlera les négatifs et se réfugie dans la réalisation de scopitones pour, notamment, Claude Nougaro, Johnny Hallyday, Dalida et Claude François.

Mais le virus est là. En 62, il réalise L’Amour avec des si (sur les écrans français en février 66) qui reçoit une bonne critique en Suède, puis La Femme spectacle (le film qu’il déteste le plus de sa filmographie). Il enchaîne en 1964 avec Une fille et des fusils, certainement son premier film à trouver enfin un écho auprès du public et de la presse française. Il réalisera en outre des documentaires sportifs sur le Tour de France (… pour un maillot jaune) ou Les 24 Heures du Mans.

Durant cette période d’incertitude artistique, il filme Les Grands Moments (la suite d’Une fille et des fusils) qui ne sortira jamais sur les écrans hexagonaux. Devant ce nouvel échec, Lelouch, au bord de la rupture (avant celle d’Itinéraire d’un enfant gâté) prend sa voiture pour la côte normande. Il atterrit à Deauville. Nous sommes le 13 septembre 1965. Là, au petit matin, toujours à bord de son véhicule, face à la Manche, baignant dans sa tristesse, il observe une femme se baladant avec son enfant sur la plage. Il descend de sa voiture, marche lentement vers cette belle femme et cette petite fille. Durant ce laps de temps, il imagine le pourquoi de cette présence, l’histoire de cette femme, de cet enfant... Le scénario d’Un Homme et d’une femme est en marche.

De retour à Paris avec son idée, Lelouch a toutes les difficultés pour trouver le financement du film (devant l’échec des Grands Moments, son producteur, Pierre Braunberger, le lâche, considérant que cette histoire d’amour n’a aucun avenir). Il pense sur le moment à engager Romy Schneider pour le rôle titre. Mais durant la rencontre qui doit sceller leur entente, celle-ci émet beaucoup de critiques sur le scénario. Déconfit, Claude Lelouch fait tout son possible pour que l’actrice se désintéresse du rôle. Pour l’histoire, l’entente Lelouch – Anouk Aimée ne sera pas, elle aussi, sans heurts. Dès les premières scènes, l’actrice refuse certains plans. Fou de rage, Lelouch pensera à la remplacer par Annie Girardot qu’il contactera sur le champ. Finalement, tout rentrera dans l’ordre.

Aux difficultés de casting, s’ajoute les difficultés financières. Il trouve cependant de l’aide grâce à Jean-Louis Trintignant qui croit en lui, même s’il n’a encore jamais joué sous sa direction. Pour remédier au manque d’argent, Claude Lelouch décide de tourner les scènes extérieures en couleur et celles d’intérieur en noir et blanc, utilisant pour cela un tout nouveau procédé cinématographique.

En ce mois de mai 1966, Un Homme et une femme est inscrit in extremis en compétition à Cannes (alors que la liste est close). Le film reçoit la Palme d'Or, deux Oscars à Hollywood, de nombreuses autres récompenses internationales. Un homme et une femme devient un film légendaire. Lelouch a 29 ans. C’est le début de la gloire…

Père de sept enfants, marié trois fois (Christine Cochet en 1967, Marie-Sophie L. en 1986, Alessandra Martines en 1995), à 74 ans, Claude Lelouch relève un nouveau défi en créant (courant 2012) l’A.C.T. – Ateliers Cinéma Théâtre : une école de cinéma qui accueillera dans la ville de Beaune une quarantaine d’élèves sélectionnés sur un film de 5 minutes ("réalisé avec les moyens du bord", "sans que les diplômes soient un obstacle") – hommage à ses début d’autodidacte. L’A.C.T. déclinera des cours sur les différents métiers du cinéma, de la technique à la réalisation…

Reynald Dal Barco

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