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Elvis est-il mort ? Par Emmanuel Navon

Elvis est-il mort ? Par Emmanuel Navon

 

 

Le 16 août marque l’anniversaire de la mort d’Elvis Presley. Pourtant, certains fans du ‘King’ prétendent qu’il n’est jamais mort et n’a fait que se cacher. La personne équilibrée pouffe à bon droit à cette théorie de science fiction. Mais comment pouvez-vous ridiculiser ceux qui croient qu’Elvis est toujours vivant et, dans le même temps, continuer à croire au socialisme ou au Processus de paix au Moyen-Orient ? Ces universitaires et journalistes israéliens qui proclament qu’aussi bien le socialisme et les accords d’Oslo peuvent être sauvés, peuvent bien se considérer comme les modèles de la sophistication et de la rationalité. En vérité cependant, ils ne sont pas moins irrationnels que les fans d’Elvis les plus farfelus.

 

Avec le mouvement de protestation sociale en Israël dans sa quatrième semaine, le gouvernement a nommé une équipe d’experts (« la Commission Trachtenberg ») pour suggérer des manières de rendre la vie plus abordable pour les classes moyennes. Des universitaires de haut niveau se sont portés volontaires pour aider les protestataires à formuler leurs exigences. Parmi ces consultants auto désignés se trouve Yossi Yonah, professeur de philosophie à l’Université Ben Gourion [du Negev, NdT]. Quelles sont exactement les qualifications de Yonah pour discuter de macro-économie avec la Commission Trachtenberg ? En vérité, la même question peut être posée pour Youval Steinitz, lui-même professeur de philosophie devenu ministre des finances. Mais la question n’est pas de savoir si des philosophes peuvent comprendre l’économie (Karl Marx avait un doctorat de philosophie, au cas où vous vous demanderiez quelle est la réponse). La question est : que nous dit la présence de Yossi Yonah sur le véritable projet politique de certains des dirigeants du mouvement ?

 

Yossi Yonah publie essentiellement sur le « multiculturalisme » et il a résumé ses opinions dans le journal ‘Ha’aretz’ en 2005. (« Brave nouveau monde multiculturel, Ha’aretz, 14 octobre 2005). Quelle est la vision de Yonah pour le futur d’Israël ? « Bien, dit-il, en plus de la naturalisation des travailleurs immigrés, il inclura l’annulation de la loi du Retour ; l’annulation de l’agrément d’une naturalisation automatique pour les immigrants juifs ; et la disposition d’une solution digne pour le problème des réfugiés palestiniens, fondée sur la convention de Genève ». Ainsi voyez-vous, il ne s’agit que d’économie !

Il y a des experts en économie dans l’équipe cependant, comme le Pr. Avia Spivak de l’université Ben Gourion. Il recommande l’augmentation des impôts, ce qui devrait remplir les coffres publiques – comme si les compagnies israéliennes ne pouvaient pas aller chercher ailleurs et partir, et comme si aussi bien la théorie et la pratique économiques n’avaient pas démontré la décroissance du revenu des gouvernements si les impôts sont trop élevés.

 

Et puis il y a la brillante idée du Parti Shas sur la façon de faire baisser le prix de l’immobilier. Le contrôle des loyers bien sûr : Le gouvernement devrait dicter aux propriétaires quel montant fixer. De telles politiques ont été essayées par le passé, et elles ont toujours eu pour effet d’augmenter le prix de l’immobilier. La raison en est simple : quand les investisseurs dans l’immobilier ne peuvent pas demander le montant du loyer qui rendrait leur investissement profitable, ils arrêtent d’y investir. Quand les investissements dans l’immobilier déclinent, il en est de même pour l’offre de logements. Et quand l’offre diminue, les prix montent.

La narration officielle des media d’Israël ces jours-ci est que le coût élevé de la vie et les épreuves de la classe moyenne sont la conséquence de « ultralibéralisme » et qu’Israël doit devenir un « Etat providence ». C’est le strict opposé qui est vrai. Israël n’est pas une économie libérale : il est dominé par des oligopoles qui étranglent les consommateurs, et par des monopoles (comme « L’Autorité Nationale de la Terre » [le KKL, NdT]) qui contrôlent l’offre. Si l’économie israélienne est forte et productive, c’est en partie grâce à la libéralisation économique entreprise par Shimon Peres en 1985 et par Benjamin Netanyahou en 2003. Ce dont l’économie d’Israël a le plus besoin, c’est davantage, et non pas moins, de liberté et de concurrence.

 

De même pour l’adoption du modèle de l’Etat providence, il est ironique que nos « savants je sais tout » suggèrent l’idée, précisément au moment où l’Etat providence provoque l’effondrement des économies européennes. Si la Grèce, l’Espagne et l’Italie sont délabrées, c’est en partie parce que leur modèle d’Etat providence a été construit en un temps où la population était jeune et l’économie à peine exposée à la concurrence extérieure. Avec une population vieillissante et les contraintes de l’économie mondialisée, le système de la providence européen est devenu inabordable. D’où les dettes amassées des gouvernements européens, et la nervosité des marchés financiers.

 

Le discours public provincial d’Israël ne s’achève pas ici. La violence en Grande Bretagne, nous dit-on, doit être imputée au Thatchérisme. Le fait que le Parti Travailliste a été au pouvoir entre 1997 et 2010 est sans importance (et de toutes façons, m’a dit un journaliste lors d’un entretien sur le vif sur la Radio « Reshet Bet » la semaine dernière, Tony Blair a fait lui-même alliance avec George Bush, donc il ne compte pas). La vérité bien sûr, est que Margaret Thatcher a sauvé l’économie britannique et que si ses réformes n’avaient pas eu lieu, le destin de la Grande Bretagne aujourd’hui serait le même que celui de la Grèce.

 

Si le mouvement de protestation sociale actuel en Israël apporte en définitive l’opportunité de faire baisser le coût de la vie en brisant les monopoles et les cartels et en diminuant les impôts, on s’en souviendra comme l’une des meilleures choses qui soit jamais survenues dans le pays. Mais si le mouvement est récupéré par des idéologues en fauteuil pour réaliser des politiques qui se sont avérées contre-productives, alors Israël a un gros problème.

 

Ceux qui croient que le socialisme peut vraiment fonctionner finalement et qu’Israël est précisément le bon endroit pour vérifier encore la théorie sont à peu près aussi rationnels que les fans d’Elvis Presley qui « savent » qu’il est vivant. La Gauche dure israélienne devrait avoir une chance de réaliser ses théories économiques – mais seulement après qu’elle aura trouvé où se cache Elvis.

 

Emmanuel Navon

www.navon.com

Adaptation française de Sentinelle 5771 ©

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