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Jamel redonne le sourire à Marrakech

Jamel redonne le sourire à Marrakech

Le festival De Marrakech s’est terminé samedi soir. Initiée par Jamel Debbouze, la manifestation était placée sous le signe de l’œcuménisme avec des humoristes marocains, algériens, français de souche, juifs et musulmans... Une seule et même communauté du rire réunie durant quatre jours dans la ville ocre pour un événement prévu depuis 2010 et qui a pris une résonance particulière dans une ville frappée par le terrorisme le 28 avril dernier (seize morts). Vendredi soir, Zidane est monté sur scène du Palais Badia pour répéter et enregistrer un numéro de prestidigitation avec Jamel et Omar Sy. Il a été diffusé samedi soir.

Comment est née l’idée d’organiser ce festival à Marrakech?
Le moteur principal, c’est l’égoïsme. J’adore le Maroc. A chaque fois que je viens jouer ici l’accueil est survolté. L’artiste que je suis est né dans ce pays. Ma première scène payée, 2.700 francs à l’époque, c’était à Casablanca, pour une association qui venait en aide aux enfants autistes. Le Maroc a contribué concrètement à mon histoire. C’est dans l’ordre des choses de revenir ici avec ce festival. Après les attentats du 28 avril dernier, on est venu faire la guerre à toutes les formes d’obscurantisme, et surtout, essayer humblement de rendre le sourire aux Marrakchis.

Le Maroc connaît lui aussi son mouvement en faveur de la démocratie. Vous le soutenez?
Je suis ravi quand j’entends des jeunes revendiquer. Qu’ils continuent à rester le plus libres et le plus désordonnés possible. Mais il faut qu’ils soient davantage libre… On a aussi entendu la réponse du monarque. Il a été à l’écoute, réceptif. Il a pris position immédiatement. On verra jusqu’où est prêt à aller le gouvernement et si les réformes aboutiront.

Vous revendiquez avec force votre double identité française et marocaine. Qu’est-ce qu’il y a de typiquement français en vous, et de typiquement marocain?
Ce qu’il y a de marocain en moi, c’est la générosité. C’est très prétentieux. Au Maroc, toutes les portes sont ouvertes. On sent moins cette crainte de l’autre. Ce qu’il y a de typiquement français, c’est mon chauvinisme. Je fais le tour de la France avec mon spectacle, je suis toujours fasciné par notre terroir, sa richesse gastronomique, son état d’esprit. Ce pays m’a donné les outils pour devenir ce que je suis. Je suis fier d’être né et d’avoir grandi en France. Même si je suis très triste quand on me fait sentir que je suis étranger dans mon propre pays.
«La chance m'a souri»

Cette expérience, vous l’avez vécue dès votre enfance?
Oui, très jeune. A travers mes parents d’abord. J’ai ressenti la condescendance, plus que le racisme. Je le répète, je sillonne ce pays dans le cadre de ma tournée. Et il n’est pas raciste.

Même si vous recevez des courriers d’insultes suite à votre mariage avec Mélissa Theuriau?
Ce sont des épiphénomènes dans un pays de 65 millions d’habitants. La France, c’est juste une vielle dame qui veut se coucher à 20 heures, a peur du bruit, et de l’étranger. Et puis on est tous le raciste de quelqu’un. C’est l’un des thèmes forts de mon spectacle quand je raconte mon mariage avec Mélissa. Nos familles respectives avaient toutes des préjugés réciproques. Quel choc des cultures! Mes beaux-parents habitent à Saint-Hilaire-du-Rosier, dans l’Isère. Ma famille habite à Trappes, dans la dèche. Eux pensaient qu’on les jugeait, et on les jugeait. Nous on pensait qu’ils avaient peur de nous, et ils avaient peur de nous.

Vous avez toujours été engagé. D’où vient votre fibre politique?
De cette frustration, de la honte, du manque de considération que j’ai connu durant mon enfance et mon adolescence. Et puis on a été élevé par des éducateurs communistes qui nous disaient : "Ne te plains pas, mais fais, agis". Un jour je vais aux Bains-Douches. Une véritable expédition pour monter à Paname. Trappes, Montparnasse-Bienvenue, ça coutait 57 francs aller-retour. Une fois arrivé devant la boite, la physionomiste balance à mon pote : "Ca, c’est impossible que ça rentre". Elle avait dit "ça"! Je suis rentré chez moi, avec une envie de mourir. Quand t’as 16 piges, que t’as envie d’en être et qu’on te dit "tu n’en seras jamais". Tu te sens inutile pour cette société. T’as plus envie de rien.

En même temps, vous n’êtes pas tombé dans la rancœur ou le ressentiment. Vous terminez même votre spectacle par un "Vive La France"!
La chance m’a souri. Je suis tombé sur des gens bienveillants comme Papy, qui quand j’étais gamin m’a emmené dans des matchs d’improvisation théâtrale…. Ce fut Jean-François Bizot et Jacques Massadian de Radio Nova. Sans oublier Alain de Greef de Canal+. Ils sont descendus de leur trône pour se mettre à notre hauteur et nous filer les outils dont on avait besoin pour nous exprimer. C’est le plus beau cadeau.

Le rire, c’était un réflexe de survie?
Oui. Dans la famille Debbouze les choses étaient si graves qu’il était indispensable d’en rire. Quand j’étais gamin, l’huissier venait tellement de fois à la maison, que je croyais que c’était mon oncle. Les flics étaient là toutes les semaines. On a vécu dans la misère. Mes parents viennent d’un bidonville de la deuxième ville la plus pauvre du Maroc. Moi je suis né à Barbès, j’ai grandi à Trappes. Mais ça rigolait tout le temps autour de moi. Chez les Debbouze, on a toujours su dédramatiser les situations les plus graves par le rire.
«Je suis à fond pour Martine Aubry»

Dans votre spectacle, vous dégommez la droite…
Oui je dis qu’il est impossible pour moi de voter pour l’UMP, pour des raisons de santé…

Vous taquinez la gauche…
Effectivement, je rappelle que j’ai toujours voté pour les socialistes. Et que je revoterais pour eux, mais seulement s’ils retrouvent leur gauche… Mais je suis quand même à fond pour Martine Aubry… C’est la fille de Jacques Delors, elle vient d’un bon bois. Et puis une femme à la tête de la France, je trouverais ça extraordinaire. Donc je suis prêt à m’engager pour Martine, avec plaisir, quand elle veut.

Vous n’oubliez pas le Centre…
Ça n’existe pas. Etre centriste, c’est comme être pour l’arbitre dans un match OM-PSG.

Et les écologistes…
Oui, ils ont des idées intéressantes mais ils n’ont rien inventé. C’est ma mère qui fut une pionnière de l’écologie : un bain pour six gamins, le covoiturage, les économies d’énergie. A la maison elle nous disait toujours : "Eteins la lumière, on 's’habite' pas à Versailles". Et on répondait rituellement. "On le sait Marie-Antoinette".

Mais pas un mot sur le FN…
Il ne faut pas parler de ces gens. Ils tiennent un discours tellement archaïque et rétrograde. Tu veux nous faire revenir au franc, madame, mais t’es complètement tarée! Je ne parle même pas du racisme ou de sa politique sur l’immigration. On sait combien les immigrés sont utiles. On a même chiffré combien ils rapportent à la France, 12 milliards d’euros.

Que vous inspire la polémique déclenchée par Luc Ferry…
Il faut qu’il donne le blaze. On ne peut pas dire en toute impunité qu’un ministre a violé des enfants, que tout le monde est au courant, jusqu’aux plus hautes sphères de l’état… Et puis être content d’avoir jeté un pavé dans la marre. Ça s’appelle "non assistance à personne en danger". Il en a déjà trop dit. Je soutiens pleinement les associations marocaines qui ont porté plainte.

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