Le Maroc de plus en plus attractif pour les jeunes diplômés d'Europe
PAR BENJAMIN ROGER, ENVOYÉ SPÉCIAL
Venus d'Europe, de plus en plus de jeunes traversent la Méditerranée en quête d'un travail et de meilleures conditions de vie au Maroc.
Enfoncé dans sa chaise longue, sur la petite terrasse verdoyante de son appartement casablancais, Jean-Philippe n'a pas l'air malheureux. À 26 ans, ce jeune Marseillais diplômé de l'École nationale supérieure d'arts et métiers d'Aix-en-Provence (France) est installé au Maroc depuis neuf mois. « J'avais fait mon stage de fin d'études chez Lafarge, à Bouskoura, raconte-t-il. Quand je suis sorti de l'école, j'ai cherché des postes en France sans vraiment trouver ce qui me plaisait. J'avais apprécié la vie au Maroc, donc quand j'ai eu l'opportunité de revenir ici, je n'ai pas hésité longtemps. »
Jean-Philippe travaille pour une petite entreprise marocaine qui vend des équipements et services aux industries lourdes. Salaire correct, appartement de 50 m2 au coeur de la capitale économique, week-ends de surf... Les avantages ne manquent pas. « Je ne regrette pas une minute, poursuit-il. J'ai une meilleure qualité de vie qu'en France et j'évolue dans une ambiance de travail plus détendue. » Comme lui, de nombreux jeunes Français et Espagnols ont récemment décidé de s'établir dans le royaume. Poussés au départ par le manque de perspectives et la crise économique qui mine l'Europe, ils trouvent généralement au Maroc un emploi, des conditions et un cadre de vie qu'ils n'auraient pu envisager dans leur pays.
Immigration Nord-Sud
Cette nouvelle immigration Nord-Sud concerne avant tout les ressortissants hispaniques. Ces dernières années, leur nombre a plus que triplé, passant de 3 000 avant 2008 à plus de 10 000 aujourd'hui. « Nous recevons chaque jour des e-mails et des appels nous demandant des informations sur les perspectives d'emploi », confie Pere Navarro, conseiller social à l'ambassade d'Espagne à Rabat. Cet intérêt est aussi visible sur les réseaux sociaux, tels Twitter ou Facebook, où les jeunes Espagnols multiplient les échanges sur les conditions de travail au Maroc. Ingénieurs, commerciaux, architectes...
Leurs secteurs d'activité sont très variés. Certains sont expatriés pour le compte de firmes ibériques, d'autres embauchés dans des entreprises marocaines. Mais ils sont aussi nombreux à travailler au noir, surtout dans le nord du pays, autour de Tanger et de Tétouan. « Ils profitent de la proximité géographique pour trouver un emploi provisoire dans la restauration, le BTP ou le tourisme, explique Pere Navarro. Ils viennent quelques mois, repartent, reviennent, au gré de leurs relations et des offres d'emploi. » Un va-et-vient d'autant plus simple qu'ils n'ont pas besoin de visa pour un séjour de moins de trois mois, renouvelable indéfiniment dès qu'ils reposent un pied en Espagne. Ce marché informel concernerait quelques milliers de travailleurs espagnols, selon les estimations.
Binationaux
De son côté, l'exode français vers le Maroc, perceptible depuis plusieurs années, n'a pas brusquement augmenté avec le début de la crise. Aujourd'hui, 45 000 Français sont recensés par les services consulaires, contre 30 000 en 2005. « Nous ne sommes pas assaillis par des jeunes qui fuiraient la crise pour venir s'installer au Maroc, indique un diplomate français à Rabat. Cela dit, nous observons une hausse du nombre de binationaux qui ont fait leurs études en France et viennent tenter leur chance ici parce qu'ils ne trouvent rien dans l'Hexagone. » Pour la plupart installés à Casablanca et à Rabat, ces jeunes Français sont embauchés en contrat à durée déterminée, en volontariat international en entreprise ou en tant qu'expatriés. Comme leurs camarades espagnols, ils perçoivent plutôt leur exil comme temporaire. Jean-Philippe, lui, ne sait pas trop ce qu'il fera à la fin de son contrat. « Je suis bien ici et mes patrons me font confiance, dit-il. On verra, mais quoi qu'il arrive, c'est une bonne expérience. »
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