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Le rabbin qui prône l'amitié judéo-musulmane

Le rabbin qui prône l'amitié judéo-musulmane

 

 

Ewan Sauves

 

Depuis son agression par deux musulmans en 2003 devant une synagogue en France, un rabbin se promène en «bus de l'amitié» aux quatre coins du pays pour tenter de créer un pont entre les deux communautés.

De passage à Montréal à l'invitation de la Communauté sépharade unifiée du Québec, Michel Serfaty était au Québec la semaine dernière pour tenter de trouver des partenaires. Le rabbin très connu en France a accepté de rencontrer le 24h. Dans sa chambre d'hôtel, il revient sur une page sombre de sa vie.

En septembre 2003, à la veille de la fête juive Simchat Torah, M. Serfaty se rendait à sa synagogue de Ris-Orangis, dans le département français de l'Essonne. En l'espace de quelques minutes, sa vie a été complètement chamboulée.

«J'ai été agressé par deux jeunes musulmans, dont un qui s'avérait être un boxeur de profession, partage Michel Serfaty, la voix faible. J'ai été mis KO.»

Cette altercation a causé un tollé général en France, avec une couverture médiatique sans précédent. Devant la vive polémique, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, a jugé bon de le rencontrer personnellement.

Malgré la controverse, cet incident a plutôt marqué le début d'une belle aventure pour l'ancien professeur d'université en linguistique et en études juives. En 2004, il a fondé sa propre association : l'Amitié Judéo-Musulmane de France (AJMF).

«J'avais 60 ans quand j'ai été agressé. Je n'étais plus le jeune homme qui cherchait les solutions à ses conflits par la violence, explique Michel Serfaty. Dès l'année 2000, il s'est déclenché en France une vague déferlante d'actes antisémites. En 2005, il y en a quand même eu 1560. Il y a lieu de s'interroger.»

 

Opération nationale

Après son rétablissement, le rabbin a pris les grands moyens. Il a frappé aux portes des élus locaux et régionaux pour demander du financement. Son objectif : lancer une opération nationale pour construire l'amitié entre juifs et musulmans de France.

«L'antisémitisme s'exprime dans les banlieues sensibles, souligne le président de l'AJMF. Il fallait rencontrer cette jeunesse issue de l'immigration arabo-magrébine, ghettoïsée et marginalisée, en échec d'intégration et en révolte contre la France.»

Depuis la création de son association, Michel Serfaty a traversé la France entière à bord d'un «bus de l'amitié» avec celui qui est devenu son grand ami, l'imam Mohamed Azizi.

«Il n'y a pas une ville où nous ne sommes pas allés. Nous avons dit aux musulmans que nous devons apprendre à vivre ensemble, c'est un impératif, martèle M. Serfaty. Je ne suis pas un avocat, je suis prêt à entendre les propos les plus sombres sur nous, mais je veux avant tout dialoguer, au-delà des préjugés et des stéréotypes.»

 

10e anniversaire

L'AJMF soufflera sa dixième bougie l'année prochaine. Plusieurs activités sont au programme : signature d'un «pacte de la fraternité», des colloques destinés aux imams etrRabbins de France, etc. Surtout, Michel Serfaty souhaite recruter des jeunes musulmans et juifs qui suivront une formation intensive sur les deux religions.

«Ce sera un contrat de 3 ans et ils iront dans les zones urbaines sensibles où les conditions sociales laissent à désirer, dévoile-t-il. Ils feront du porte-à-porte dans toutes les maisons des quartiers pour promouvoir cette amitié.»

 

Pour la charte

Le gouvernement Marois fait bien de présenter une charte de la laïcité, estime le rabbin français Michel Serfaty. Selon lui, les fonctionnaires doivent être totalement neutres.

M. Serfaty salue le projet de loi du gouvernement Marois. «Dans l'exercice de leur fonction, tous les fonctionnaires doivent avoir un comportement neutre et ne montrer aucun signe ostentatoire religieux dans les lieux publics», commente l'ancien professeur à l'Université de Nancy 2 en linguistique et en études juives.

Rappelant les grandes lignes de la charte française de la laïcité adoptée en 2007, le rabbin mentionne que lorsqu'il enseignait à ses élèves, il enlevait toujours la kippa de sa tête.

«Ça ne me dérangeait pas du tout. Quand j'entrais dans les amphithéâtres, je la posais sur la table pour montrer que moi, fonctionnaire, je suis profondément attaché à la laïcité», se remémore-t-il.

«La laïcité est une pierre angulaire pour le judaïsme, ajoute Michel Serfaty. C'est elle qui a permis aux juifs de France de s'intégrer.»

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