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Robert Castel, au plaisir du rire

Robert Castel, au plaisir du rire

 
 

Le comédien truculent qui a inventé l’humour pied-noir interprète toujours sur scène ses textes humoristiques et la musique arabo-andalouse dont son père, Lili Labassi, fut un maître.

 

 

Il savoure volontiers l’honneur qui lui est fait : la mairie du Barcarès, dans les Pyrénées-Orientales, a attribué son nom à un square. Le soir de l’inauguration, samedi 17 novembre, Robert Castel a donné son one-man-show intitulé Nostalgérie . 

À 79 ans, il affiche… soixante-quatorze ans de scène. Né à Alger, il avait joué pour la première fois en public à 5 ans, avec son père, Lili Labassi, célébrité du chaâbi, la musique arabo-andalouse. « Le plus grand, de loin. Il avait quatre cordes à son arc : auteur, compositeur, interprète, instrumentiste. Il m’a inoculé la drogue bénéfique de la musique. »  

L’enfant joue du tar, le tambourin traditionnel, et s’initie seul à la guitare. À 13 ans, il participe avec son père à un gala au Casino d’Alger. Après une licence de lettres, il devient critique musical à L’Écho d’Alger  et instituteur. 

 

EN 1957, IL TRIOMPHE SUR SCÈNE À PARIS

Mais le désir de monter sur scène le tient. Avec les membres du Centre régional d’art dramatique (dont Lucette Sahuquet), il fait quelques figurations et part en septembre 1957 à Paris pour monter La Famille Hernandez . 

Largement basée sur l’improvisation, la pièce montre le quotidien du petit peuple algérois avec ses excès et sa bonne humeur. Prévue pour 15 représentations, c’est un succès. Robert Castel la jouera 1 717 fois !

Un long service militaire de vingt-huit mois à Méchria, à la frontière avec le Maroc, en pleine guerre d’Algérie, l’arrache à la scène. À son retour à Paris, avec Lucette Sahuquet devenue sa femme, il enchaîne à l’Olympia les premières parties de Philippe Clay, Marlene Dietrich, Colette Renard et Gilbert Bécaud pendant un an.

 

DES ÉMISSIONS DE DIVERTISSEMENT AU SPECTACLE SOLO

Suit la pièce La Purée de nous z’ôtres,  interprétée en duo. « Lucette et moi avions un fonctionnement fusionnel. J’écrivais, elle me répondait. Elle était une très grande improvisatrice, comme son fameux “Crie doucement !” Nous avons dû faire 100 ou 200 sketchs ensemble, dont Le Bal, L’Interview, L’Impresario, Bab-El-Oued Story.»  

Le couple est de toutes les émissions de divertissement (les shows des Carpentier, les jeux comme «Alors raconte» et « L’Académie des neuf ») et participe au feuilleton Les Saintes Chéries . 

Après le décès de Lucette Sahuquet en 1987, pendant une année, Robert Castel arrête tout, avant de monter un nouveau spectacle en solo, Ni sala, ni malec!  et de continuer à faire vivre le personnage de Kaouito, « un alter ego qui dit ce que je n’osais dire » .

 

LA PERTE DE SON PÈRE, « UN DRAME INGUÉRISSABLE »

Au ciném, depuis ses 24 ans, Robert Castel multiplie les seconds rôles dans des comédies comme Le Grand Blond avec une chaussure noire,  d’Yves Robert, Elle court, elle court, la banlieue,  de Gérard Pirès, et Vos gueules, les mouettes !  de Robert Dhéry, mais aussi dans des films plus dramatiques (L’Insoumis,  d’Alain Cavalier, Deux hommes dans la ville,  de José Giovanni, Dupont Lajoie,  d’Yves Boisset).

Robert Castel, qui adore faire rire (« C’est un plaisir qui flatte l’ego, la satisfaction de constater son efficacité sur le public » ), n’abandonne jamais la musique.

Il continue à apparaître sur scène avec son père ; ensemble, ils enregistrent six 45 tours juste avant la mort de Lili Labassi en 1969. « Je perds alors un génie et mon géniteur. C’est un drame dont je demeure inguérissable. »  

 

«J’AI LA MUSIQUE ARABO-ANDALOUSE DANS MON ADN »

Il lui faudra quinze années pour pouvoir réécouter les disques de son père et oser jouer enfin du violon. Sollicité pour lui rendre hommage, il donne plusieurs concerts en 1998 à l’Espace Rachi, un centre d’art et de culture juif parisien. 

Avec Safinez Bousbia, une nouvelle aventure commence. Pour un documentaire, le bel  El Gusto   (sorti en salles en janvier 2012), la jeune réalisatrice réunit des musiciens juifs et musulmans d’Algérie afin de reconstituer un orchestre chaâbi. S’ensuivent des concerts au Grand Rex, à Paris, ainsi qu’à Bruxelles.

 « J’ai la musique arabo-andalouse dans mon ADN »,  lance Robert Castel, auteur d’un manuscrit intitulé Les Musiciens juifs, un patrimoine occulté , pour lequel il cherche un éditeur. Depuis un téléfilm de Lucas Belvaux, Les Prédateurs,  en 2007, le comédien n’a plus reçu de propositions. Ce qu’il regrette avec fougue et humour. « Si vous avez un rôle, je commence lundi. »  

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 Le 17 janvier 1963, Robert Castel joue la première de « La Purée de nous z’ôtres »  

C’était il y aura bientôt cinquante ans: le 17 janvier 1963, Robert Castel et Lucette Sahuquet présentent au cabaret Les Trois Baudets, à Paris, la première de La Purée de nous z’ôtres, qu’ils joueront 400 fois, entre rires et larmes. « C’est une pièce matricielle qui a nourri le folklore pied-noir,  explique-t-il. Elle met en scène un couple rapatrié d’Algérie qui s’installe à Paris. Dans un contexte de forte hostilité aux pieds-noirs, nous faisions rire de nos malheurs, sans amertume ni blague sur de Gaulle. Ce fut un succès considérable avec des critiques dithyrambiques de Jean Daniel, Jean-Jacques Gautier, Robert Kemp. »  

 

 

CORINNE RENOU-NATIVEL

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