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Victimes d’un "sentiment d’insécurité" ? par Stephane Juffa

Victimes d’un "sentiment d’insécurité" ?(info # 011903/12) [Analyse]

Par Stéphane Juffa©Metula News Agency

 

C’est dans ces moments de tristesse profonde, que les professionnels de l’information doivent contenir leurs sentiments et conserver toute la prudence et la réserve nécessaires. La douleur n’excuse pas les accusations hâtives portées par certains contre un tueur qui serait apparenté au courant islamiste.

 

Au contraire, une analyse sereine des faits, incluant toutes les hypothèses, privilégie plutôt la piste néonazie. L’une des armes utilisées ce matin à Toulouse est la même que celle qui avait servi dans l’assassinat de trois militaires français la semaine dernière ; le scooter aussi. Jeudi dernier, les quatre soldats visés – trois morts, et un blessé qui se bat pour sa survie sur un lit d’hôpital – étaient maghrébins, pour trois d’entre eux, et le quatrième était un Antillais de couleur.

 

Des musulmans, un noir et maintenant des Juifs, cela porte effectivement à penser qu’on aurait affaire à un ou plusieurs assassins sortis des rangs de l’extrême droite. Le Point a révélé, qu’en 2008, trois membres du 17ème Régiment parachutiste, connus pour leur sympathie nazie, avaient été renvoyés. Vengeance ? On ne tardera pas à le savoir, car toutes les polices de France, et tous les services enquêtent sur les agissements de ces trois individus.

 

La deuxième piste à retenir est celle d’un ou de plusieurs terroristes islamistes, qui s’en seraient pris aux militaires, parce que leur régiment combat les fondamentalistes talibans en Afghanistan, et aux Juifs…parce que les djihadistes s’emploient à tuer des Juifs partout où ils se trouvent.

 

Il faut donc garder son calme, au sujet de l’enquête, et faire confiance aux enquêteurs français, qui ne tarderont pas à mettre la main sur le ou les coupables.

 

Il est cependant difficile de ne pas s’émouvoir des circonstances abjectes de cet assassinat : l’individu posant tranquillement son scooter sur sa béquille, puis tirant sur un professeur en religion de 30 ans et sur ses deux fils, âgés respectivement de 3 et 6 ans. Le tueur se rend ensuite à l’intérieur du bâtiment de l’école Otzar HaTorah (le trésor de la Torah), où il exécute une fillette, à bout portant, d’une balle dans la tête. Avant de quitter les lieux, il prend encore le temps de blesser très grièvement un adolescent de 17 ans, qui lui aussi lutte contre la mort entre les mains des médecins.

 

Personne ne peut ajouter quoi que ce soit de plus quant à l’identité et au mobile probable des assassins. Ce qui est certain, ce lundi soir, est qu’ils sont au moins antisémites.

 

Au moment où j’écris ces lignes, des cérémonies et des cortèges ont lieu dans divers endroits de France et d’Israël. En France, de nombreuses figures de proue de la politique, et notamment le Président Nicolas Sarkozy, et d’autres candidats à la prochaine élection présidentielle, tel François Hollande, y participent. Tous les candidats, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, ont exprimé leur écœurement et leur dégoût devant le drame toulousain.

 

La plupart d’entre eux avait l’air, pour une fois, authentiquement émue et révulsée par l’horreur. Ils ont appelé à une interruption de la campagne présidentielle (dont la plupart des meetings et des interventions télévisées prévus dans la soirée ont été annulés) et ont prôné l'unité autour des valeurs républicaines, sans distinction politique.

 

Les deux favoris à la présidentielle se sont rendus physiquement à Toulouse dès qu’ils ont eu vent de la catastrophe qui s’y était déroulée. Dans leurs premiers commentaires, ils ont rappelé que, par-delà la communauté israélite, c’est toute la nation française qui est visée par cet attentat. Ils ont également affirmé que la République triompherait de la barbarie qui s’est déchaînée ce matin.

 

Ces interventions, qui sonnent un peu creux à notre oreille, me font penser que le gouvernement français, les politiciens et les journalistes de ce pays ont beaucoup plus de facilité à exprimer leur empathie à l’égard des Israélites morts, qu’à se soucier de ce que disent les Juifs vivants.

 

Car, tout de même ! Cela fait douze ans maintenant, qu’au moins une fois par semaine, en moyenne, les rédacteurs de la Ména se relaient pour alerter l’opinion sur le caractère inévitable d’agressions du genre de celle de Toulouse dans l’atmosphère délétère qui règne dans l’Hexagone. Personnellement, cela fait vingt ans que j’en parle. J’ai consacré nombre de mes conférences et autres interventions publiques à expliquer que la violence médiatique déversée quotidiennement contre Israël et contre les Israélites finirait, infailliblement, par mener à l’assassinat de Juifs européens.

 

Il fallait être totalement aveugle pour ne pas voir le diable peint sur la muraille. La violence existait déjà ; pour s’en persuader, il n’est que de regarder les images de l’école Otzar HaTorah, entourée de sa palissade de protection en métal. Avant l’assassinat de ce matin, c’était déjà le cas de la plupart des institutions israélites d’Europe.

 

Désormais, les autorités nous promettent « de renforcer encore d’avantage les mesures de protection de la communauté juive ». A ce propos, j’ai fréquemment posé la question et la repose encore ce soir : dans cette dynamique, on va en arriver à placer un gendarme derrière chaque Juif ; est-ce là la solution au problème des violences antisémites ?

 

Ce soir, je suis en révolte. Tout en les écoutant parler, les accusations de « communautarisme » qu’ils lançaient, hier encore, à l’encontre de la communauté juive résonnent encore à mes oreilles.

 

« Communautarisme » appliqué aux Israélites de France ne signifie strictement rien. C’est un concept vide. Un prétexte pour justifier l’isolement politique dans lequel la communauté juive est tenue et l’exaltation des media qui se déchaînent contre ses représentants, en particulier contre le docteur Richard Prasquier, président du Conseil Représentatif des Institutions juives de France.

 

Sarkozy, Hollande, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon n’ont-ils pas vu ou entendu parler du reportage « Un œil sur la planète » ? N’ont-ils pas entendu l’accusation proférée, contre les soldats d’Israël, d’effectuer quotidiennement des tirs tendus – pour tuer ! – contre les agriculteurs de Gaza ?

 

Manquent-ils de l’expérience nécessaire pour comprendre l’extraordinaire potentialité de violence, pour la France, que recèle ce genre de mises en cause ? Ignorent-ils vraiment qu’aucun militaire de Tsahal n’a jamais tiré intentionnellement sur des paysans palestiniens ? Jamais !

 

N’ont-ils pas pris connaissance des agressions unanimes, de la part des journalistes et de tous leurs syndicats, à l’encontre de ceux qui osaient critiquer ouvertement cette nouvelle version des Protocoles des Sages de Sion ?

 

Quid du CSA, qui n’a rien trouvé à redire au travail effectué par les « journalistes » de France 2 ?

 

Les mêmes responsables politiques, dont la plupart lisent régulièrement la Ména, prétendraient-ils aujourd’hui méconnaître, pendant qu’ils expriment leur compassion pour les victimes de Toulouse, les stigmatisations quasi-quotidiennes proposées par l’agence de presse semi-officielle AFP ?

 

Peuvent-ils indéfiniment sous-estimer le danger qu'il y a à détourner sciemment la langue française afin d’appeler le public tricolore à la compassion envers les Palestiniens victimisés, et à la haine à l’encontre des Israéliens démonisés ?

 

N’ont-ils décidément rien compris au péril qu’il y a à autoriser l’AFP à modifier le contenu des déclarations des officiels de l’Etat hébreu, afin de donner aux Français le sentiment qu’Israël multiplie les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, en s’en prenant systématiquement à des civils, et à laisser croire que les porte-paroles israéliens s’enorgueillissent de cette agressivité ?

 

Ce soir, on commence aussi à cueillir les fruits empoisonnés de douze ans de mensonge et d’inaction autour de la controverse de Nétzarim.

 

Douze ans pendant lesquels l’exécutif français a soutenu le complot des imposteurs, ainsi que les efforts de France Télévisions afin de cacher la vérité de la mise en scène antisémite de septembre 2000 au public de l’Hexagone.

 

Douze ans d’omerta et de lâcheté. Douze années à attendre que le temps qui passe fasse office de juge de paix et remplace, dans les esprits, la recherche de la vérité par l’oubli.

 

Les responsables politiques français, et la caste des journalistes honteusement ligués contre la vérité, sont-ils assez inexpérimentés et incultes pour croire que les accusations de meurtres rituels contre les Juifs ne portent pas à conséquence ? Ou bien considèrent-ils que leur petite carrière mérite bien de prendre ce risque, dont d'autres qu'eux, après tout, paieront le prix ?

 

Quoi qu'il en soit, à force de laisser l’atmosphère se charger et devenir délétère, puis irrespirable, à force d’accuser Israël et les Juifs de crimes qu’ils n’ont jamais commis, et d'opposer à leurs défenseurs le cache-misère intellectuel du « communautarisme », ils ont laissé les media, en plein délire antisémite, s’acharner contre cette petite communauté, la stigmatiser sans cesse, pour finir, aujourd’hui, par l’isoler du reste de la nation française.

 

Dans ce climat, la seule surprise des analystes avisés est que l’assassinat de Toulouse ne se soit produit que maintenant. Nous, d’ajouter, qu’à moins d’une prise de conscience fondamentale de la part de la gouvernance tricolore, il ne fait strictement aucun doute que ces assassinats anti-Juifs vont se multiplier.

 

A problème politique, solution politique. Les grandes phrases et les bonnes intentions n’y feront rien, pas plus que les mesures d’hyper-sécurité autour des institutions israélites. Croyez-vous sincèrement que les 600 000 Israélites français soient disposés à passer leur existence dans un camp retranché et à ne se mouvoir que sous la protection des mitraillettes de la police ?

 

Il faut reconstituer le respect de la France à l’égard d’Israël et des Juifs. Par exemple, dans le domaine des relations entre Etats, à propos de quel autre dirigeant d’un pays démocratique, autre que le Premier ministre israélien, un président français s’est-il jamais autorisé à le traiter de « menteur » ?

 

Plus récemment encore, Nicolas Sarkozy s’est permis de déclarer qu’il entendait « obliger » les Hébreux à adopter sa propre vision pour solutionner le problème palestinien. Il n’a jamais employé de ton aussi péremptoire à l’intention de l’ayatollah Khamenei ou du dictateur al-Assad.

 

Pour mettre fin aux violences antisémites en France, il faut que cela cesse. Il est nécessaire que le président intervienne, pour commencer, auprès des responsables du service public d’information, afin de les enjoindre de traiter Israël selon les mêmes critères que ceux avec lesquels ils considèrent tous les autres Etats de la planète.

 

Parallèlement, il faudra remettre de l’ordre à la tête de l’Agence France Presse, également partiellement soumise à la volonté de l’Elysée, pour qu’elle cesse sa stigmatisation systématique d’Israël.

 

Il faudra ensuite intervenir auprès des media de grande diffusion afin de les inviter à mesurer les conséquences de leurs incitations redondantes à la haine de l’Etat hébreu.

 

Il est encore possible, probablement, de garantir la sécurité et la pérennité des Juifs français par des mesures simples et compréhensibles. La première consistant, pour le Président de la République, à appeler le président de France Télévisions, Monsieur Rémy Pflimlin, et à lui demander instamment que le traitement d’exception réservé à Israël prenne fin.

 

Une fois les mesures d’urgence prises, il conviendra de crever les autres abcès participant à l’isolement des Juifs français au sein de la communauté nationale. Notamment en confrontant les conclusions de notre enquête sur la controverse de Nétzarim avec celle des partisans de Charles Enderlin - et non pas en ordonnant une nouvelle enquête, car on ne refait pas une enquête qui a déjà été réalisée et dont on a seulement omis intentionnellement de considérer les résultats.

 

Entre la stigmatisation d’Israël et des Juifs, et la licence de tuer iceux, il existe un lien causal que personne n’est capable de maîtriser. Aujourd’hui, dans l’atmosphère putride que les media ont instillée dans l’Hexagone, certains ont l’impression qu’en s’en prenant à la communauté israélite, ils ne font, en somme, que réparer « la maltraitance infligée par d’autres Juifs aux Arabes ».

 

Sauf que cette maltraitance n’existe pas. La guerre civile syrienne, avec son cortège ininterrompu de massacres, d’assassinats collectifs et de tortures abjectes, recèle au moins le mérite de replacer le différend israélo-palestinien dans les proportions qui sont les siennes.

 

Ceux qui auront le courage de procéder à ce rééquilibrage agiront pour la ré-homogénéisation de la société française ; car c’est bien de la réparation d’un dol durable dont il est question, et non de la préservation d’un équilibre qui n’existe plus depuis longtemps.

 

Ceux qui ne l’auront pas compris, à la tête de l’Etat français, dans la sphère politique, et parmi nos confrères journalistes, précipiteront leur pays dans un engrenage d’antisémitisme violent, dont l’assassinat de Toulouse n’est malheureusement qu’un signe avant-coureur.

 

Ils ont plaisanté sur la paranoïa de cette communauté, en se riant depuis plusieurs années du « sentiment d’insécurité » qui la parcourt. Mais ce n'est pas un sentiment d’insécurité qui a tué les enfants de Toulouse. Il ne suffit pas de parler avec sympathie de la souffrance des victimes pour rétablir la sécurité à laquelle elles ont droit.

 

Faute de saisir la portée du message contenu dans ces lignes, les Français verront leurs compatriotes israélites délaisser le navire France par dizaine de milliers. Car ces Français disposent aujourd’hui d’un choix qu’ils ne possédaient pas sous Vichy. Si leurs concitoyens restent sourds à leurs souffrances et à leur exigence de justice, ils auraient tort de ne pas utiliser la liberté de partir.

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