La gifle d’Alain Juppé à Valérie Hoffenberg
Dans son édition du 8 juin 2011, l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné a publié une information qui intéressera tous ceux qui scrutent la diplomatie de la France au Proche-Orient et les élections législatives des français de l’étranger. L’entre-filet titré « Privée de voyage » met en avant la manière franchement peu enviable dont l’actuel ministre des Affaires Étrangères, Alain Juppé, a tenté d’humilier Valérie Hoffenberg.
Valérie Hoffenberg, représentante spéciale de la France pour le processus de paix au Proche Orient, et surtout candidate UMP dans la 8ème circonscription pour représenter les Français de l’étranger (Chypre, Grèce, Israël, Italie, Malte, Turquie), avait demandé à Alain Juppé de l’accompagner, le 2 juin, dans son déplacement en Israël et dans les Territoires palestiniens.
Elle a essuyé un refus ferme et définitif : « Non seulement elle ne sert à rien, à son poste », a résumé Juppé devant ses conseillers, « mais il est hors de question qu’elle fasse campagne sur mon dos et grâce aux moyens de l’État ». Du coup, Hoffenberg a été priée de rester à Paris.
Le processus de paix au Proche Orient ne s’en remettra pas.
Voilà un revers peu diplomatique envoyé à une proche de Nicolas Sarkozy, de la part du responsable de la diplomatie française. Autant un manque de respect envers le Président qu’envers la candidate.
Contacté par JSSNews, plusieurs fonctionnaires du Quai d’Orsay ont refusé de rentrer dans la polémique même si l’un d’entre eux nous expliquera « que le Canard sait souvent de quoi il parle ». Un second refuse également de répondre directement à ce qui a été publié par le Canard tout en modérant un peu ce qui a été dit : « il m’est difficile de croire que Monsieur Juppé aurait dit qu’elle ne sert à rien. Le For’Um de l’innovation pour le Proche-Orient organisé il y a quelques jours le démontre ». Quoi qu’il en soit, « c’est vrai qu’ils ne s’aiment pas tellement tous les deux », admettra-t-il en guise de conclusion.
Jointe par téléphone, l’intéressée ne dément pas la situation. « Au moins », explique-t-elle, « cela montre que je ne suis pas toujours en accord avec la diplomatie de la France. J’ai été nommée à mon poste pour le processus de paix par Nicolas Sarkozy et je pense que cela peut en agacer certains. »
Alors, dans les rues de Netanya, une sorte de capitale des français d’Israël, nous avons voulu avoir le sentiment des électeurs sur cette affaire. Pour Claude, un retraité qui a fait sa carrière en France dans le monde associatif, « cela montre surtout qu’elle est incapable et ne sais rien faire. C’est pour cela qu’il l’a envoyée baladé ». A la même table, un verre d’Arak à la main, Haïm pense pour sa part que « Juppé, il n’aime pas Israël. Il veut nous tuer en nous renvoyant aux frontières de 67 alors que Hoffenberg, on peut dire ce que l’on veut d’elle, je pense qu’elle est totalement contre. Elle sait que 1967 cela signifie la mort de notre pays. Il a voulu la mettre au pas car ça dérange qu’on existe encore. C’est au Quai d’Orsay où l’on a dit un jour qu’Israël n’est qu’une parenthèse de l’histoire. »
Un peu plus loin, un autre groupe de retraités. Mais des dames cette fois-ci. Jacqueline raconte « ne pas encore savoir pour qui voter », mais elle ajoute qu’ « être un pion de Sarkozy n’aide pas Hoffenberg ». Une amie intervient : « non mais détrompez-vous, moi ce qui me dérange, c’est qu’elle travaille encore là-bas. Elle aurait dû partir et leur dire “puisque c’est ainsi, allez voir ailleurs si j’y suis ! » Une troisième compère entre dans le débat et ajoute que voter « Hoffenberg, ça donnerait l’assurance d’avoir enfin une députée qui aime Israël. Je connais sa famille ici. Ce sont des gens très recommandables ».
Impossible d’avoir un officiel du Ministère israélien des Affaires Étrangères pour cause de fête religieuse mais connaissant la maison, il est fort à parier qu’ils n’auraient pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
Au final, il est vrai que Valérie Hoffenberg devrait peut-être repenser sa situation actuelle. Une pareille gifle, très certainement rendue publique par des personnes travaillant dans le même immeuble qu’elle, la met dans une position largement inconfortable. Si certains pensent donc que cette affaire démontre que Valérie Hoffenberg ne représente pas la politique arabe de la France, d’autres ne manqueront de se demander pourquoi voter pour quelqu’un qui tient absolument au Quai d’Orsay, même quand le tenancier de la baraque vous insulte vous, votre travail et vos ambitions. Surtout quand le tenancier est du même bord politique !
Après l’affaire Goasgen qui n’aurait, au moins de prime abord, pas soutenu Valérie Hoffenberg pour les législatives de 2012 (affaire démentie par Hoffenberg), ce non-soutien de la part de Juppé a de quoi interpeler les militants de l’Union pour un Mouvement Populaire désuni.
Jonathan-Simon Sellem – JSSNews