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Il était une fois... Marrakech la Juive

 

L'Harmattan

Ou la splendeur des jours nacrés d'automne

Par Thérèse Zrihen-Dvir

Quelques notes concernant le caractère et la composition de l'ouvrage.
C'est sans doute la description générale de l'origine des juifs en Afrique du Nord, et notamment au Maroc qui nous marque le plus. Mais c’est surtout la méticuleuse reproduction de l'étonnante adaptation et organisation du juif dans la Diaspora.
Le train de vie journalier et les mœurs de cette communauté sous deux régimes - d’abord le protectorat français et subséquemment la monarchie déterminée par la réinstallation au trône du roi Mohamed V - sont dépeints de façon impartiale dans leur incertitude individuelle sans toutefois les dénuer d'un certain charme qui enveloppait cette période dramatique.
Le puissant contraste entre les conceptions personnelles, valeurs, cultures et aspirations, crée parmi les différentes classes de cette société certains conflits et bassesses. Voilà ce que l'auteur a nettement reproduit dans sa composition.
C'est aussi l'image pittoresque et naïve de certaines figures caractérisant le quartier juif - le Mellah - avec ses bâtiments, ses ruelles, ses rites, ses mouvements dominants qui est baignée par une philosophie unique et un mystère incompris du grand nombre de superstitions.
L'écrivain doué du talent d'observateur a reporté certains événements avec une précision poignante qui émerveille et parfois déconcerte.
Les juifs marocains avaient certaines conceptions exécrables qui défavorisaient la classe pauvre auparavant déchue et déshéritée, avilie par l'ignorance et le sous-emploi. Finalement rejetée, cette sous-classe était considérée comme problématique et ennuyante par l’autre classe riche et sophistiquée, insouciante et présumée "élite culturelle", d’où un clivage patent et bien réel.
Ce long chemin parcouru par les juifs du Maroc a été intensifié par la cuisante incertitude de leur destinée et par les changements draconiens auxquels il fallait s'adapter. Cela a été vécu depuis le moment de leur installation en Afrique du Nord jusqu'à l'entreprise hasardeuse et non préparée de leur émigration vers différents pays et essentiellement Israël.
Toutefois, ce récit est aussi une intrigue mélodramatique. Une jeune fille, nommée Marie, à la vie initialement façonnée par une société hypocrite et d'intelligence étroite, décide de confronter ouvertement, avec pour arme unique son innocence et avide croyance, le jeu perfide de son entourage.
Dans le déploiement et l'échelonnement de l'histoire de sa vie, le lecteur pénètre un monde aux variables réalités et facteurs qui indéniablement auront une répercussion asphyxiante sur l'état d'âme de l'héroïne ! Elle appris très tôt que sa survie et ascension sociale dépendaient entièrement de sa sagesse. Son endurance était presque surhumaine devant les épreuves et luttes ininterrompues de la vie.
La première partie commence avec sa naissance non désirée chez une mère qui fut précocement désertée par un mari frivole. Quelques années plus tard, un remariage hasardeux avec un alcoolique, destinée d'avance à l'échec, condamne le pauvre enfant à être rejeté et abandonné à ses vieux grands-parents. En dépit de leur soutien, ils sont incapables de la protéger contre une succession d'humiliations et de souffrances.
Pourtant Marie, malgré sa réalité sociale, sa déchéance, le déchirement causé par sa séparation de sa mère affirme depuis son enfance jusqu'à son adolescence une supériorité imprévue et prodigieuse sur le plan moral, ingénieux et spirituel dont le dénouement est le retentissement sur un fil ténu de ses brillants accomplissements. Le grand nombre d'obstacles qu'elle doit défier au Maroc et plus tard en Israël, forgera en elle une sagesse et dextérité qui la pousseront à surmonter courageusement les difficultés de la vie dans toutes ses formes. Cela l'initiera entre autre au démontage et démolissage des attaques et perfidies de certains antagonistes dont la narration dans cette œuvre est indubitablement utilitaire.
La seconde partie du livre rappelle les tribulations endurées par les nouveaux immigrants depuis leur arrivée en Israël jusqu'à leur adaptation complète et enracinement dans leur nouveau pays, Israël. Les sacrifices Imposés qu'ils devaient surmonter et la désorientation coutumière en face d'un régime inconnu contribueront à isoler temporairement cette vague d'hommes hirsutes et presque sauvages. Pourtant, leur endurance et ténacité tailleront une brèche dans l'indifférence et aversion extériorisée par les vétérans et la population préexistante originaire d'Europe.
Un avantage de taille: Le livre est présenté en trois versions: Française, Anglaise et Hébraïque.

Critique par Barbara Ardinger, PhD. Auteur, éditrice, Floride aux USA.

Il était une fois... Marrakech la Juive

par Thérèse Zrihen-Dvir
Le roman démarre merveilleusement ! Cette enfant va-t-elle grandir pour devenir Simone Weil ? Cendrillon ? Il y a bien des années, quand j'étais à l'université, j'avais lu un roman français appelé « Le Juste ». Je suis convaincue que Marie grandira pour devenir un ‘Juste’ dont la présence éclairera le monde, même si cela n'est que timidement. Ce roman me rappelle aussi les romans de Camus et de Kim Chernin, et l'art de Marc Chagall. Le ton de sa prose est magique. Lire cette oeuvre c'est comme lire un conte de fées et, en effet, l’apparition de Marie parmi les garnements qui peuplent les rues du Mellah, la présente comme une petite princesse de conte de fée. De même, le troc qu'elle fait avec ses bijoux rappelle les éléments d'un autre conte. Le lecteur est immédiatement enchanté, et l'enchantement du récit de cette adolescence dans un pays étranger capture et séduit le lecteur tout au long du livre.
La structure du livre est inhabituelle. Non seulement le narrateur relate des évènements historiques, mais il s'en sert de trame pour faire également des commentaires de nature philosophique mâtinés à l'occasion d'un brin de théologie ou de quelques remarques sur la politique Marocaine. Les changements soudains des conditions de vie de Marie, sont les éléments même qui composent traditionnellement les contes de fées, comme "Il était une fois", "soudainement" et "immédiatement". La vie de Marie prend donc des tournures rapides qui la rapprochent et l’éloignent de nous mais où la plupart des lecteurs identifieront aisément le vilain petit canard solitaire qui deviendra un cygne splendide durant les étapes ultérieures du récit. L'élément surnaturel (le fantôme de Pépé) apporte une touche excellente qui n'est ni à sensation, ni inopportune.
Le thème de ce livre est en principe l'histoire de la vie de Marie jusqu'à son départ pour Israël, juste après la Guerre des Six Jours en 1967. La vie de Marie est, pour le moins qu'on puisse dire, mélodramatique.
Les caractères des autres personnages du livre sont également finement ciselés. Le contexte familial est extrêmement compliqué, avec un père manquant qui, à la fin de sa vie, se rend compte des torts qu'il a causés à sa fille, et avec des grands-parents affectueux mais appesantis par leurs problèmes personnels et leur maladie. L’illustration de Mémé adonnée aux analgésiques est excellente et réaliste. Fanny, par exemple, est une mère immature, et égocentrique préoccupée seulement par ses soucis, mais qui tente aussi de temps à autre d'améliorer la condition de sa fille. Le fait qu'elle et Marie soient parfois capables de s'entendre mais aussi de se battre férocement ensuite, ajoute du réalisme à leurs relations. De même, les tantes et oncles de Marie (particulièrement Sylvia et Maurice) sont bien dépeints. Maurice est un oncle sympathique; même si toutefois on est choqué quand il gifle Marie, sa réaction étrangement violente est compréhensible.
Les hommes dont Marie tombe amoureuse (particulièrement M. Ben) sont moins bien dépeints, mais cela est aussi bien équilibré en rapport avec le rôle qu’ils jouent dans sa vie, à l’exception de Philipe. Ils ne sont en effet, que quelques aimables figures passagères pour lesquelles Marie n'éprouve qu'un petit béguin d’adolescente. Plusieurs personnages secondaires, comme le gouverneur et sa famille, sont aussi très bien décrits.
Cette famille de Juifs marocains vivant durant des périodes troubles, ne peut être comparable à la famille Américaine TV typique. Leurs comportements et leurs modes de vie différents captiveront les lecteurs et éveilleront leur soif d’approfondir leur connaissance des diverses civilisations du monde. La vie des Juifs elle-même est généralement extrêmement intéressante. Cela change du «Violoniste sur le Toit », avec son cliché d'une autre grande famille vivant durant les périodes troubles de l'Europe, mais le thème est semblable : une population décroissante, une Judéité qui s'effrite devant la nécessité de survivre dans un monde étranger, et la recherche de l’amour à l'extérieur de leur communauté. Cela permet aux lecteurs d’observer ce qu'il y a d'universel dans les problèmes particuliers.

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