Mogador Judaica, par Lakhdar Omar
La plupart des Juifs de Mogador, ville de judéité affirmée, murs imprégnés d'une atmosphère hébraïque malgré l'abandon et la dispersion, avaient commencé à quitter le Mellah après l'indépendance du Maroc en 1956. Certains étaient déjà partis après la création de l'Etat d'Israël en 1948. Plus tard, le Mellah se vida de sa population comme un corps de son sang. La plupart de ses habitants choisirent Israël comme destination finale, les autres de souche aisée, semblèrent préférer plutôt Casablanca, la France ou le Canada.
Le Mellah devint après leur départ, un triste lieu de désolation. Dans ce quartier juif, écoles rabbiniques et maisons laissées à l'abandon, continuèrent sans cesse de s'effriter pour finir un jour par être rasées complètement. Les générations présentes ne connaîtront jamais l'animation extraordinaire de jadis de ses rues et ruelles, les bonnes odeurs de la skhina qui se dégageaient des fours publics le samedi ainsi que celles des sauterelles grillés, du maïs cuit à la vapeur qui se préparaient au milieu d'une foule très active! Cette intense activité d'autan, disparut. Les maisons, l'une après l'autre tombèrent en ruines. Il suffit de visiter ce quartier pour se rendre compte du climat lugubre qui y règne de nos jours. Toute la partie du Mellah collée aux remparts a été complètement rasée. La partie d'en face, partiellement démolie, résistera encore quelque temps. La synagogue de Haïm Pinto qui s'y trouve, semble épargnée par ce désastre.
En parlant de ses concitoyens juifs qui avaient échoué au Mellah de Mogador, on relève cette réflexion de Bouganim dans Récits du Mellah :
« Allez donc comprendre pourquoi l'histoire d'Israël était allée s'encrasser dans la boue de ce dédale de rues et d'impasses qui partaient d'une synagogue pour déboucher dans le cimetière ! Pourquoi elle était allée charrier ses juifs de la Judée au Maroc pour finalement les faire échouer dans la pénombre de ce quartier de Mogador, clôturé de murailles et, plus impénétrable qu'elles, cette foi ancestrale qui ruminait Dieu à longueur de jour ! Seul l'espoir inébranlable qui animait ces juifs, l'espoir d'un retour miraculeux vers la terre de leurs ancêtres, pouvait expliquer qu'une attente deux fois millénaire ne se soit pas diluée dans l'assimilation. Ils attendaient depuis longtemps, depuis toujours, dans ce décor provisoire où l'histoire s'était trouvé un taudis.»
On n'a jamais autant parlé du judaïsme maghrébin que depuis qu'il ... n'existe plus. Oublieux de ce passé qu'ils trainaient pourtant dans leur pas, les Juifs marocains savaient bien qu'ils étaient la dernière génération d'une histoire millénaire.
Le but de cet ouvrage c'est de faire connaitre aux nouvelles générations, musulmanes comme israélites, les coutumes d'une communauté (croyances, circoncision, mariage, rites de la viande casher, rites mortuaires, cimetières, repas, rabbins, synagogues, occupations.) qui avait vécu au Maroc et notamment à Essaouira Mogador et dont il n'en reste presque rien du tout, à part 2 cimetières et 3 synagogues en ruine. Peut-on laisser sombrer corps et biens deux siècles et demi de l'histoire de notre ville ?