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Au cœur du Mossad – L’incroyable histoire du Kidon

 

 

 

Ki donc ?

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Michel Garroté, réd en chef  –-  Le Kidon (baïonnette en hébreu) est une cellule active des services secrets israéliens. Il s’agit d’une division minuscule de la CAESAREA, la branche clandestine de l’agence. Sur le terrain, les kidonim, recrutés parmi les forces spéciales israéliennes (Sayeret Matkal, Sayeret Shaldag et Sayeret Golani), sont devenus indispensables pour mener une opération ciblée où que ce soit à l’étranger. Le commando Kidon compte une cinquantaine de membres permanents, dont 12 femmes. Il a eu plusieurs chefs connus, dont Mike Hariri et Shabtai Shavit, futur directeur général ou encore Hagai Addas, qui dirigea les commandos pendant deux décennies et jusqu’au milieu des années 1990.

Il est vrai que certains Etats occidentaux se permettent de condamner, avec une sacrée dose d’hypocrisie, le Mossad et surtout le Kidon. C’est d’autant plus risible que si ces Etats occidentaux étaient autant menacés qu’Israël, ils utiliseraient leurs propres Kidon sans retenue.

L’identité de chaque kidonim est soumise au secret le plus strict. « Il faut savoir se battre, se battre à mains nues, avec n’importe quel type d’arme en circulation, avec un couteau, avec un stylo et même une carte de crédit. Nous devons manipuler les explosifs, les plus hautes techniques de surveillance, de filtrage et de filature », commente un officier de cette branche spéciale. Deux sortes de cibles sont traitées : certaines sont éliminées dans l’urgence d’une opération, pour secourir un katsa (agent) par exemple. Les autres sont liquidées au fur et à mesure selon une liste à laquelle seuls les kidonim, le directeur du Bureau et le Premier ministre israélien ont accès. Toute personne qui menace la vie d’Israéliens se retrouve, un jour ou l’autre, sur la liste noire du Kidon et devient un mort en sursis.

Le Kidon agit comme le glaive qui s’abat sur tout ennemi létal de l’Etat juif. Entraînés dans le désert du Néguev, à la base de Kfar-Tsin, ces commandos se déplacent à quatre, généralement trois hommes et une jolie femme, piège idéal pour éliminer les cibles masculines. Leurs armes sont multiples : dague, poison, Uzi, Beretta… L’Afrique, un des théâtres des opérations des kidonim, a vu plusieurs islamistes être liquidés, signe que le Mossad a tiré la leçon des attentats dirigés contre des touristes israéliens en terre africaine.

Une fois la cible terroriste déclarée ennemie d’Israël et condamnée à être liquidée, par une cellule spéciale située rue Pinsker, à Tel Aviv, des juristes vérifient les motivations du Kidon et proclament la sentence ultime, immédiatement relayée aux liquidateurs professionnels par le directeur du Mossad.

L’unité Teud, qui gère une imprimerie spéciale cachée au second sous-sol du centre d’entraînement des agents, le Tsomet Glilot, procure les faux-papiers nécessaires aux opérations. Jusqu’en 1998, les fausses nationalités les plus prisées par les kidonim étaient canadiennes, mais depuis le fiasco d’Amman, après lequel le Canada menaça de rompre ses relations diplomatiques avec l’Etat hébreu, il semblerait que l’on soit revenu aux papiers dits classiques et universels, soit turcs, suisses ou belges.

On a vu comment le groupe terroriste Septembre Noir a été anéanti par le Kidon dans les années 1970, ou comment celui-ci a retardé le programme nucléaire irakien au début des années 1980 en éliminant systématiquement les scientifiques impliqués dans le projet et séjournant en France. Nous savons aujourd’hui que les membres du programme nucléaire iranien disparaissent les uns après les autres, à l’image du professeur Ardeshir Hosseinpour, empoisonné en 2007. On imagine mal, cependant, avec quelle régularité la sentence ultime est appliquée par Israël, un Etat en lutte perpétuelle avec des ennemis nihilistes, tueurs de civils juifs.

Les premières opérations de ceux qui n’étaient encore que des Nokmin ont eu lieu à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bien décidés à faire payer ceux qui avaient voulu anéantir le peuple juif, ces hommes de l’ombre ont infiltré des prisons pour y empoisonner des tortionnaires nazis. La plus remarquable de cette opération provoqua la mort de 4’300 SS dans la nuit du 13 au 14 avril 1946 dans la prison de Nuremberg, autant de criminels empoisonnés au nez à et à la barbe de leurs geôliers américains. Il faut préciser que certains de ces SS étaient destinés à être récupérés et exfiltrés par les soviétiques (pour les envoyer au Moyen Orient) et parfois même par les Américains.

La même fermeté est nécessaire à l’égard des nouveaux barbares. L’actualité le prouve. Entre l’été 2007 et le printemps 2008, on sait que l’Etat hébreu a frappé quatre fois, au moins, dont trois fois mortellement, sans compter les opérations dont personne n’entendra jamais parler.

26 juin 2007, Londres — Des kidonim précipitent Ashraf Marouane du haut de son balcon dans la banlieue de la City. Motif ? Marouane, ancien agent du Mossad sous le nom de code Babel, gendre de Nasser recruté par l’agence dans les années qui ont précédé la guerre du Kippour, écrit secrètement un livre détaillant la manière dont le gouvernement israélien n’a rien vu venir de l’offensive arabe en 1973.

En effet, à l’époque, Marouane avait livré des informations si précises sur l’imminence d’une offensive ennemie que personne ne l’avait cru à Tel Aviv. L’ancien agent compte proposer ce scoop à des éditeurs britanniques. Coup de théâtre à l’été 2007 : un article de la presse israélienne consacré au projet de Marouane alerte le Mossad. Conscient de la gravité de la situation, l’Egyptien se plaint à des amis d’avoir un affreux mal de tête, sans commune mesure toutefois avec le mal de crâne dont il est mort après la chute de son balcon.

12 février 2008, Damas — Il est 22h30. Le chef du renseignement et co-fondateur du mouvement terroriste Hezbollah à la solde des mollahs intégristes iraniens, Imad Mughniyeh sort d’un appartement du quartier chic et hautement sécurisé de Kfar Soussa, à Damas. Mughniyeh est le terroriste le plus recherché du monde. Longtemps avant Oussama Ben Laden, il a été traqué par toutes les agences de la planète, et a provoqué des centaines de morts en organisant des attentats en Israël et au Liban. Depuis Ali Hassan Salameh, cerveau des attentats de Munich et éliminé en 1979, jamais un homme était parvenu à défier aussi longtemps les services secrets occidentaux.

Mughniyeh est heureux : en 2006, il a vaincu Israël au Liban. Les Américains sont fixés sur l’Irak. Le Liban est devenu terre du Hezbollah et donc de l’Iran. Mieux encore : le monde se presse au chevet de Hafez al-Assad, père de l’actuel dictateur syrien Bachar al-Assad. A l’évidence, la saison est pleine de promesses pour le Hezbollah. Confiant, le hezbollahi Imad Mughniyeh ouvre la portière de sa Mitsubishi Pajero. Il vient de participer à une rencontre avec l’ambassadeur iranien à Damas. Les deux partenaires planifient en effet des attentats contre Israël en riposte à l’Opération Orchard du 6 septembre 2007. Mughniyeh s’assied côté conducteur. Il ne sait pas qu’il se trouve alors au-dessus de puissants explosifs nichés dans le rembourrage de son siège.

Mughniyeh avait été repéré par Ali al-Jarrah, agent du Mossad d’origine libanaise recruté dans la plaine de la Bekaa, l’a repéré à Damas, une ville hostile et hautement sécurisée, un exploit que nulle autre agence de pourrait réaliser. Ali al-Jarrah le voit fermer la portière. Mughniyeh enclenche le moteur. Et saute. Selon destémoins, l’explosion est si puissante qu’elle couvre le parking de verre et projette le corps de Mughniyeh dans le corridor d’un immeuble adjacent. Le Mossad réalise ainsi en 2008 sa plus belle opération depuis trente ans. A l’ombre des dénégations officielles, Meir Dagan, le directeur de l’Institut, est chaleureusement félicité par Ehud Olmert, à l’époque Premier ministre, dans les heures qui suivent la confirmation de la mort de l’emblème du Hezbollah.

20 février 2008, Damas — Khaled Meshaal, fondateur du Hamas, se sait traqué. Dix ans plus tôt, à Amman, en Jordanie, deux kidonim lui ont versé du gaz mortel dans l’oreille gauche au milieu d’un meeting. Malheureusement, le leader islamiste a pu en réchapper, et les kidonim ont dû être rapatriés en urgence en Israël à la suite d’un échange de prisonniers. Caché dans une galerie souterraine à Damas, Meshaal renonce au dernier moment à aller voir son bras droit, Hisham Faiz Abu Libda. Bien lui en prend : la voiture qui devait l’y conduire est piégée. Et le Kidon qui guettait sa venue, une télécommande à la main, finit par disparaître dans les rues de Damas.

25 avril 2008, Damas — Hisham Faiz Abu Libda, conseiller personnel de Khaled Meshaal, se rend à un rendez-vous secret. Il est le coordinateur entre son patron en exil en Syrie et les chefs opérationnels du Hamas dans la bande de Gaza, dans les territoires disputés Cisjordanie et il entretient des rapports très étroits avec les Iraniens et les Syriens. Libda engage sa voiture dans le trafic houleux de la capitale syrienne. Alors qu’il s’arrête péniblement à un feu rouge, une voiture vient à sa hauteur. Plusieurs balles de kidonim le frappent au visage. Il s’effondre. Le mystérieux véhicule disparaît. Le Hamas vient de perdre l’un de ses membres les plus illustres.

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© Michel Garroté www.dreuz.info

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