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Pour qui se bat Israël ?

 

Par Jacques Tarnero

 

 

Après avoir reçu des centaines de missiles sur son territoire, après avoir subi des actes terroristes incessants, Israël a décidé de frapper ceux qui empêchent ses habitants de vivre. Des rockets tombent plus au Nord, sur le centre d’Israël menaçant le cœur du pays. 

Quel Etat supporterait une situation pareille sans cesse renouvelée ? 

Quel Etat pourrait accepter sans coup férir que son sol reste sous la menace d’un feu ennemi discontinu ?

Quel peuple pourrait accepter de supporter cette menace sans réagir ? 

De bons esprits indignés avaient déjà dénoncé en 2006 la disproportion de la riposte israélienne dans une précédente offensive qui avait déjà pour objet de riposter à une précédente agression terroriste. Ces indignés minimisaient l’action du Hamas au prétexte que ses armes artisanales faisaient face à l’hyper puissance de l’armée d’Israël. Ainsi le mensonge factuel vise à transformer l’agresseur en victime comme si les fusées iraniennes fournies au Hamas correspondaient à ces armes que les pauvres inventent par désespoir. Cette stratégie, les Etats arabes puis les groupes palestiniens l’ont répétée inlassablement depuis soixante ans. Elle a fait long feu.

 

Israël s’est totalement désengagé de la bande de Gaza en 2005. Depuis cette date ce territoire est libre et le blocus dont il est l’objet aurait cessé du jour au lendemain si une volonté de paix s’était affirmée et s’il ne s’était pas plutôt transformé en base terroriste. Ce départ, non négocié par Ariel Sharon, du seul fait de la décision d’Israël s’avère avoir été une erreur parce que il n’obligeait en aucune manière une responsabilité palestinienne. 

De ce territoire libéré de toute présence juive, qu’est ce qu’en ont fait les palestiniens ? 

Ont ils choisi de construire un embryon d’Etat ? 

Après un coup d’Etat sanglant contre l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas en juin 2007 le Hamas fait de la charia et de sa charte la matrice de son projet. Cela n’interdira pas à Stéphane Hessel de lui trouver bien des charmes, au cours d’une visite en 2010. Pour l’indigné au grand cœur la cause était déjà entendue. Tout le monde peut prendre aujourd’hui la mesure de cette fable.

 

Il fut un temps, jusqu’à la fin des années 80, où le mouvement nationaliste palestinien disait combattre pour fonder une patrie. Avec les accords d’Oslo l’illusion d’une paix de compromis avait irrigué les espoirs de tous ceux pour qui la perspective de deux Etats pour deux peuples apparaissait la solution possible de cette guerre de cent ans ou de mille ans pour peu qu’on en lise l’histoire dans la politique ou bien dans la bible. Les paroles de paix étaient prononcées en anglais tandis que la guerre sainte se disait en arabe pour enflammer la rue arabe si friande d’exaltations furieuses. En Occident pour tous les borgnes idéologiques les révolutions arabes réactivaient le signal pavlovien qui fait se gaver d’illusions : l’avenir radieux se profilait à nouveau de Tunis au Caire sans voir que sous les pavés c’était la charia qui se profilait et non pas la plage. La fin de Kadhafi loin de porter la démocratie a mis en évidence un concept que l’on croyait oublié : c’étaient les tribus qui menaient la danse.

 

Pour avoir négligé de lire le monde arabe et celui né de l’islam sans tenir compte de ce que l’ethnologie avait pu révéler de ses constantes, la lecture progressiste a un réveil plutôt douloureux au constat de ses erreurs et se ses illusions idéologiques. Tous les islamologues avertis sont sensés connaître ce partage dans l’imaginaire politique de l’islam entre la sphère musulmane où règnent la paix et l’harmonie de la charia, parce que majoritairement peuplée de musulmans et la sphère de la guerre, celle qui est à conquérir, celle qui est polluée par les mécréants, les Croisés et les Juifs, c’est à dire l’Europe et la Palestine du Jourdain à la mer. Ne pas vouloir voir que la haine des Juifs est matricielle dans la lecture que le Hamas fait de l’islam est une considérable erreur d’appréciation de son idéologie. Elle est au cœur de la pensée islamiste et de ses épigones organisationnels. Le nazisme sans l’antisémitisme n’aurait été qu’un fascisme parmi d’autres. Tous les divers attendus de la stratégie de cet islam ont déjà été pensés et exprimés : la takia conseille d’avancer masqué pour dissimuler la réalité de son projet. Arafat était un virtuose de cette pratique : les mots de la paix dits en anglais et le jihad dit en arabe. Depuis douze ans le Hamas pratique une alternance de trêves et d’agressions, la hudna, conseille cette tactique de guerre qui permet de se réarmer en simulant la paix.

 

L’idéologie du Hamas, son programme, écrit en toutes lettres dans sa charte n’a qu’un seul but : l’anéantissement d’Israël et l’assassinat des juifs. Le Hamas n’est pas une organisation de résistance mais le bras armé de l’offensive islamiste planétaire dont Israël constitue la ligne de front. Il ne vise pas à l’établissement d’un Etat pour le peuple arabe de Palestine, il vise à la reconquête par l’islam d’un espace dont il estime être le légitime propriétaire de droit divin. Tant que les européens n’intègreront pas ces catégories dans leur grille de lecture de ce que les Frères musulmans ont irrigué dans l’espace musulman et celui du monde arabe ils n’en comprendront pas les enjeux réels. Ils continueront à voir dans la Palestine la cause d’un Tiers-Monde désespéré là où il faudrait voir le fer d’une lance dirigée contre eux mêmes.

 

Le malheur arabe est réel, le malheur palestinien est réel, mais qui en est responsable depuis plus de soixante ans? Une constante du discours arabe motivant son désir de revanche trouve ses racines dans cette humiliation tant invoquée dont les arabes seraient les victimes. Mais de qui et de quoi sont-ils les victimes sinon prioritairement de ce que des arabes ont fait aux arabes? Que s’est-il passé pour que des Saddam Hussein, Bachar Assad ou Bouteflika aient pris le relais de l’émir Abdel Khader, de Nasser, de Bourguiba ou de Mohamed V? Si il y a des raisons d’être humilié, n’est pas dans ce que le monde arabe a fait de sa propre histoire et de son glorieux passé qu’il faut les chercher ? Qui tue qui en Syrie aujourd’hui ? Qui tuait qui en Algérie durant la décennie sanglante de la fin des années 80 ? Qui kidnappe qui au Nord du Nigéria ? Qu’est ce que ces pays gorgés de pétrole ont fait de leur fortune ? Ont-ils aidé au développement de leurs sociétés, à leur éducation ? Qui a tué qui dans le conflit Iran - Irak, au Koweït, au Soudan, au Liban ? La liste est trop longue des massacres arabo-arabes ou islamo-islamiques pour en dresser l’inventaire. En projetant sur Israël l’unique raison de leur enfermement psychique les arabes évitent tout travail critique sur leur propre histoire et les musulmans font l’économie de toute réflexion sur ce que l’islam est en train de devenir sous la férule islamiste. A quelques exceptions admirables près, l’espace arabo musulman jubile dans cet enfermement. On se prête à rêver devant ce film (visible sur you tube) montrant le colonel Nasser se moquant des Frères musulmans et leur projet de mise sous voile des femmes égyptiennes. La salle rit et applaudit son raïs et on ne peut que rétrospectivement déplorer aujourd’hui l’aveuglement d’Israël au cours des années 70, quand il avait favorisé les islamistes pour lutter contre l’OLP. C’était au temps de la Guerre Froide et Nasser et l’OLP étaient dans le mauvais camp. L’effondrement des tentatives laïques, (islamo-progressistes aurait dit Le Monde) des divers Baas a cédé la place devant la puissance de la révolution islamique en Iran de 1979. L’effondrement du communisme n’a pas seulement définitivement sifflé la fin de partie de l’affrontement Est-Ouest, celle du choc des blocs, elle a introduit le choc de deux projets de civilisations annoncé par Huntington: celui des islamistes, troisième grand totalitarisme du XXIe siècle et celui d’un monde libéral. « Nous adorons la mort autant que les américains aiment la vie » énonçaient les jihadistes du 11 septembre 2001.

Le pronostic erroné de fin de l’histoire de Francis Fukuyama a fait long feu.

 

Peut-on négocier quoi que se soit avec un monde qui a fait de la bombe humaine la figure héroïque de ses soldats ?

Peut on négocier avec celui qui a fait de l’éducation à la haine la vertébration de son système éducatif ? 

Peut on négocier une paix avec celui qui a fait de la négation du droit de l’autre et de sa destruction l’âme de son projet ? 

Cette pensée mortifère nous le voyons désormais à l’œuvre chez nous, en France et en Europe. C’est la même idéologie qui inspirait Mohamed Merah et ses clones promus héros douteux de certaines banlieues. C’est cet islam tueur autant que suicidaire qui a frappé à Londres, Madrid, New York, Paris, Bruxelles. C’est lui qui est en train de déplacer un front au nord du Mali, au Nord du Nigéria, au Tchad, au Soudan. En Egypte ce sont les chrétiens Coptes qui sont rejettes, au Liban, en Irak, ce sont les chrétiens qui sont grignotés et dans tous les cas ce sont les femmes qui sont les victimes premières des nouveaux califes. 

Faut-il être aveugle pour ne pas prendre conscience de cette menace globale ?

 

Avec un courage inouï, certains intellectuels issus de ce monde arabo musulman, s’insurgent contre cette fatalité. Comprenant que le pire avenir et que le pire à venir résidait dans cette dérive ils ont pris le parti de le dire et de le dénoncer. L’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, avec une autre délégation de religieux musulmans, est allé en Israël, de briser ce carcan. Il vient présenter le visage d’un autre islam, celui des Lumières. Il n’est pas le seul. Déjà en mai 2011, Boualem Sansal s’était rendu en Israël à l’invitation du salon international des écrivains. Fraternellement l’auteur du village de l’allemand a lancé un appel pour la paix et le dialogue avec David Grossman. Depuis longtemps déjà Fethi Benslama, Malek Chebel, Abdenour Bidar, Abdelwahab Medeb ont dénoncé le ferment psychique de l’enfermement arabe qui fait de la vengeance d’une humiliation fictive sa raison d’être. Ils proposent une lecture éclairée de la spiritualité de l’islam. Loin de libérer les arabes et les musulmans, l’islamisme du Hamas et autres Hezbollah les condamne à la régression, à l’enfermement.

 

Ne pas prendre la mesure des enjeux du conflit actuel consiste pour la énième fois à se voiler la face devant ce que cet affrontement représente. Par intérêt à court terme l’Occident a fait du Qatar son allié privilégie en feignant de ne pas voir que ses pétrodollars servent à acheter les banlieues françaises autant que des armes pour les futurs martyrs d’Allah. La diplomatie française gagnerait beaucoup en lucidité si elle comprenait que l’émir du Qatar est aussi notre meilleur ennemi ou notre pire ami. Les américains ont fait et font la même erreur avec l’Arabie des Saoud. Il n’est pas trop tard pour ouvrir les yeux.

Ce conflit ne constitue pas qu’un affrontement lointain, il n’est pas qu’une guerre de plus sur laquelle nous projetons en France ou en Europe des éléments de nos propres imaginaires et de nos histoires enfouies. Il est aussi un révélateur, un dévoilement. Ce sont d’autres comptes qui se règlent sous couvert d’analyses géopolitiques savantes ou d’indignations sélectives. Plus de cent cinquante mille morts en Syrie n’émeuvent guère et les tibétains peuvent bien aller se faire brûler vif pour dénoncer l’ethnocide dont ils sont victimes, ils n’intéressent personne dans la sphère de la bienpensance. Sous nos latitudes la muflerie sous le vernis de la mode et le mensonge dans les habits de la vérité constituent les paradigmes du quatrième pouvoir. C’est une constante de la genèse de la pensée totalitaire que dissimuler sous des masques émancipateurs une réalité qui l’est moins. Cette mécanique est connue, elle est une constante dans le regard porté sur le conflit israélo palestinien désormais devenu israélo-islamiste. Seuls les gestes d’Israël excitent les attentions et seuls les monstrueux supposés crimes qui lui sont attribués viennent interpeller les consciences. Depuis les années 2000 la nazification d’Israël est le plus sûr moyen pour tous les « indignés » d’éponger le passé de l’Europe et pour les arabes de faire passer le goulag islamiste pour le paradis pour tous.

 

Dans l’affrontement présent Israël est dans son droit le plus absolu. Il combat son agresseur. Il lutte pour défendre son territoire et sa population. Il ne fait pas que cela. En affrontant la figure avancée de l’islamisme, qui utilise la population de Gaza comme bouclier humain, Israël la libère en même temps d’une secte terroriste qui l’a prise en otage. Le malheur qui lui est imposé n’est prioritairement pas le fait d’Israël mais la conséquence de la mainmise du Hamas sur cette population. Installer des rampes de missiles à côté d’une école ou d’un hôpital ne constitue pas un camouflage héroïque mais obéit à une effroyable stratégie de mort. Il ne faut pas être grand expert pour comprendre cela et comprendre qu’au delà de ce qui se joue au Proche Orient c’est probablement notre avenir, ici même, qui se joue. 

Pour qui se bat Israël ? Il se bat pour lui, il se bat aussi pour nous. Ce qui menace Israël NOUS menace.

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