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Jeu, set et match Iran(info # 012502/15)[Analyse]

Par Jean Tsadik © MetulaNewsAgency

 

Barack Obama est prêt à concéder aux ayatollahs ce qu’ils ont toujours désiré : l’arme atomique, la prévalence régionale et la renaissance économique

 

Nul besoin d’attendre le texte de l’accord faisant l’objet de négociations intensives entre John Kerry et le ministre des Affaires Etrangères de la théocratie perse, Mohammad Javad Zarif, pour affirmer que le Président Obama a menti sur toute la ligne. Tant à Washington devant le Congrès, qu’à l’Assemblée générale de l’ONU et à Jérusalem, il avait déclaré qu’il ne laisserait jamais la "République" Islamique accéder à la bombe atomique. Il avait demandé à tout le monde et en particulier à Israël de lui faire confiance, tançant vertement ceux qui exprimaient des doutes.

 

Quand Obama prétendait que "toutes les options pour empêcher Téhéran de parvenir à son objectif étaient sur la table", faisant allusion, si la voie diplomatique échouait, au recours à la force, il mentait aussi. Il n’a jamais eu l’intention de livrer bataille aux mollahs.

 

Une double course contre le temps est désormais engagée par l’Administration U.S pour s’entendre avec Khamenei avant le délai fixé au 31 mars et pour placer le 1er ministre israélien devant le fait accompli lorsqu’il s’adressera au parlement américain la semaine prochaine.

 

Consciente de ces échéances, la délégation perse fait encore monter les enchères et se montre plus exigeante que jamais. Elle refuse désormais l’idée d’une solution en deux temps : consensus sur les grandes lignes à la fin mars et négociation des détails jusqu’au premier juillet. Elle rejette aussi l’éventualité d’un texte souple, comme Obama les aime, qui laisserait un peu d’espace pour l’interprétation de chacun.

 

De plus, les Iraniens sont toujours intraitables quant à l’abolition des sanctions économiques existantes : pas question pour eux d’une levée graduelle des mesures répressives en vigueur – sur quelques années et parallèlement au constat du respect de leurs engagements -, ils réclament leur abandon en quelques mois ou même en un tenant, à la signature de la convention.

 

Refus également de Téhéran de détruire quoi que ce soit de sa capacité d’enrichissement de l’uranium, le hardware, les outils de production doivent rester intacts. Ce, nonobstant le fait que les 5+1 ont depuis longtemps renoncé au démantèlement de la plupart des centrifugeuses existantes ; ils voulaient n’en laisser que mille à deux mille en mouvement, et ils acceptent maintenant que les ayatollahs en conservent 6 500.

 

Dans la dernière proposition qu’ils ont soumise à leurs interlocuteurs à Munich, il y a quinze jours de cela, les membres permanents du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne se contentaient de modifications mineures et réversibles sur les centrifugeuses actuelles, destinées à réduire leur efficacité.

 

Même schéma pour le réacteur d’Arak ; sa destruction n’est plus à l’ordre du jour, on demande simplement aux Iraniens d’y apporter des modifications afin de réduire la quantité de plutonium qu’il est censé produire.

 

Dans ce même document qui aurait dû rester confidentiel mais que les diplomates européens, israéliens et même américains ont abondamment diffusé, il apparaît que l’accord serait limité à une période de quinze ans, que, pendant cette période, la dictature chiite serait autorisée à enrichir du minerai à 3,5 et 5 pour cent, mais uniquement à l’aide des centrifugeuses existantes.

 

Elle pourrait en conserver une partie insuffisante pour confectionner une bombe – 300 kilos – et s’engagerait à envoyer le reste en Russie, où l’uranium serait transformé en carburant nucléaire inoffensif.

 

Les trois diplomates occidentaux auxquels j’ai parlé m’ont tous répété la même chose : l’objectif poursuivi lors des négociations est d’instaurer un breakout time d’un an, qui serait nécessaire aux Perses pour purifier assez d’uranium pour fabriquer une bombe. En d’autres termes, un an leur serait nécessaire, s’ils rompaient leurs engagements, pour parvenir à cette fin. Un laps de temps suffisant est sous-entendu dans cette proposition pour permettre aux Occidentaux, voire à Israël, d’envisager un recours militaire si Téhéran brisait l’accord.

 

Ce, à la condition qu’il ne se lance pas dans de l’enrichissement masqué qui échapperait à la perspicacité des inspecteurs de l’AIEA. Sur ce point les choses sont assez mal barrées, puisque l’Agence Internationale de l’Energie Atomique rapporte déjà, avant la signature éventuelle d’un nouveau compromis, que les Perses leur interdisent l’accès de certains sites sensibles, potentiellement militaires.

 

Dimanche dernier, Binyamin Netanyahu s’étonnait, au moment même où, à Genève, Kerry rencontrait une fois de plus Zarif, que les discussions se poursuivent alors que l’Iran ne respecte même pas les termes de l’accord intermédiaire qui assurait la libre circulation des agents de l’organisation viennoise. "Non seulement ils continuent (de discuter)", a dit le président du conseil israélien, "mais ils ont encore augmenté leur effort pour atteindre un accord sur le nucléaire dans les prochains jours ou les prochaines semaines".

 

Les spécialistes du dossier pensent particulièrement au camp de Perchin, dans lequel les khomeynistes sont fortement soupçonnés d’avoir élaboré et testé des équipements militaires spécifiques aux bombes atomiques. Depuis, ils ont rasé les installations en question et ont même nettoyé les terrains avoisinants au peigne fin, mais les experts de l’AIEA sont convaincus que les Iraniens n’ont pas pu éliminer toutes les traces de leur commerce, eux qui continuent de clamer qu’ils ne poursuivent aucun projet nucléaire militaire.

 

L’un des diplomates avec lequel j’ai conversé m’a avoué que les 5+1 n’insistaient plus sur l’inspection de Perchin, car si les inspecteurs y trouvaient ce que tout le monde est sûr qu’ils y trouveront, cela signifierait la fin des tractations diplomatiques, ce qui est contraire aux intentions des 5+1 en général, et du président américain, en particulier.

 

Et Binyamin Netanyahu ne pouvait, en principe, pas être au courant des révélations fournies pas plus tard qu’hier (mardi) quant à l’existence depuis 2008, dans la banlieue nord-est de Téhéran, d’un centre de recherche nucléaire souterrain, soustrait à l’activité des inspecteurs de l’AIEA et en complète contradiction avec les engagements pris par l’Iran au terme de l’accord de janvier dernier.

 

Ce site, Lavizan-3, révélé par la Coalition de la Résistance Nationale en Iran, est utilisé pour la recherche et le développement de la bombe atomique, au moyen de centrifugeuses de nouvelle génération IR-2m et IR-4, que Téhéran prétend ne pas avoir mis en opération.

 

Il existe peu de doutes quant à l’authenticité de ces divulgations, vu que la Coalition de la Résistance Nationale en Iran, ou NCRI, était déjà l’organisation clandestine qui, au début des années 2000, avait annoncé au monde l’existence de l’usine d’enrichissement de Natanz et du réacteur à plutonium d’Arak.

 

Voilà qui est de bien mauvais augure pour la suite et qui hypothèque objectivement la valeur de la signature des ayatollahs sur un nouveau contrat.

 

Ce qui n’empêche nullement Washington de poursuivre frénétiquement les pourparlers en faisant cavalier seul, les Américains menant les discussions avec Zarif à l’écart de leurs cinq partenaires, et ne "leur rapportant pas forcément tous les détails des consultations en cours et des informations sensibles en leur possession", à en croire l’un des amis diplomates qui me renseignent.

 

Officiellement, ce serait pour empêcher les fuites en direction de Jérusalem, pour ne pas verser de l’eau au moulin de Netanyahu, mais parmi les négociateurs européens au chômage technique, l’inconfort gagne, en même temps que l’impression que Kerry prend des initiatives téméraires. Deux de mes interlocuteurs ont cru bon de me rappeler qu’Israël n’était pas seul concerné, et que l’Union Européenne craignait également la nucléarisation de Téhéran.

 

La situation demeure assez claire, au-delà des réticences des alliés d’Obama et de la contestation qu’il provoque chez ses adversaires en Israël, mais aussi, et en bien plus grand nombre, aux Etats-Unis.

 

Jusqu’à la très prudente Associated Press, qui écrit que "les Etats-Unis et l’Iran dessinent les contours d’un accord qui gèlerait initialement le programme nucléaire de Téhéran mais qui lui permettrait de reprendre lentement des activités rampantes pouvant être utilisées à faire des armes nucléaires durant les dernières années de l’agrément".

 

Jennifer Rubin, pour le Washington Post, parle carrément d’ "une capitulation totale face aux exigences des mollahs, de la répudiation de la position des administrations tant Démocrate que Républicaine, et du premier pas vers une course aux armes nucléaires au Moyen-Orient".

 

On compte ce genre de commentaires par dizaines, en Amérique principalement, mais pas uniquement dans le camp conservateur ; et comme nous ne sommes pas en train d’effectuer une revue de presse, je résumerai sans les trahir la position de ces intervenants en exprimant qu’ils s’accordent parfaitement avec les propos du 1er ministre hébreu lorsque celui-ci exprimait dimanche que "cet accord est dangereux pour Israël, la région et le monde".

 

Binyamin Netanyahu se rend à Washington pour exhorter le Congrès à s’opposer activement à la signature du compromis et à voter de nouvelles sanctions contre le régime des ayatollahs, ce qui mettrait un terme aux tentatives de parvenir à une entente par les voies diplomatiques.

 

Il va certainement trouver des oreilles attentives sur les berges du Potomac et peut-être le soutien qu’il est venu y chercher. Hormis l’Administration Obama, c’est, de façon très surprenante, à la maison qu’il se heurte à l’opposition la plus concrète et la plus construite. Celle-ci émane du Mossad, le service de renseignement israélien, qui a fait plusieurs fois parvenir le point de vue de ses experts contestant l’avis du 1er ministre à des organes de presse étrangers. De manière assez saisissante, qui ne s’explique que par la proximité des élections générales au pays de Canaan et par l’intérêt de Netanyahu de ne pas se disputer sur la scène publique avec ses propres services (en principe) secrets, le 1er ministre n’a pas réagi ouvertement à l’incursion du Mossad sur la scène politique.

 

Pourtant, ce dernier a fait savoir que l’intérêt d’Israël se situait dans le camp des minimalistes ; ceux qui pensent qu’un mauvais accord avec Khamenei vaut mieux que pas d’accord du tout, et qu’il est préférable pour l’Etat hébreu d’accepter l’émergence d’un Iran au seuil de la bombe atomique, que de le pousser, en l’isolant, à tenter de la confectionner sans attendre, ne laissant à Jérusalem que le choix d’une intervention militaire immédiate. Une intervention "forcée" contre un pays de 75 millions d’habitants, que les services redoutent.

 

Le Mossad a fait savoir, dans cette veine, qu’il pensait que le vote de nouvelles sanctions par le congrès participait d’un acte contre-productif.

 

A Netanyahu, qui prétendait, en octobre 2012 à la tribune des Nations Unies, brandissant le dessin d’une grenade allumée, que Téhéran n’était qu’à quelques mois de la capacité nucléaire, le Mossad répondait, le mois suivant, que c’était certes exact, mais "que les Iraniens n’avaient pas entrepris les activités nécessaires pour y parvenir".

 

Le rapport "secret" du Mossad de 2012 se concluait ainsi : "En résumé : même si, à ce stade, l’Iran ne réalise pas les activités nécessaires à la production d’armes, il s’active à remplir les manques dans des domaines au demeurant légitimes, tel l’enrichissement, les réacteurs, ce qui réduira le temps requis pour la production d’armes dès le moment où les instructions dans ce sens seront données (par le régime)".

 

Toute la question, on le voit bien, consiste à choisir si l’on accepte que l’Iran devienne un pays "au seuil de la bombe", à l’instar de l’Allemagne ou du Japon, par exemple, ou s’il y a lieu de le contraindre à détruire l’équipement qui l’a amené à cette position.

 

Cette interrogation s’accompagne cependant de nombreuses nuances et de multiples interrogations. En observant, qu’au contraire de Berlin et de Tokyo, la junte religieuse chiite est tout sauf une démocratie, qu’elle s’oppose idéologiquement aux valeurs occidentales qu’elle appelle à combattre, qu’elle est ouvertement antisémite et œuvre à la destruction d’Israël, qu’elle est le principal soutien mondial des organisations terroristes, qu’elle est en guerre permanente avec la partie sunnite de l’islam, et qu’elle pratique la torture et foule aux pieds les fondements mêmes des droits de l’homme.

 

Accepter un tel membre dans le club des pays "au seuil de la bombe" procède d’une décision risquée. En faire, comme c’est l’objectif sous-jacent d’Obama, un allié privilégié et à long terme des Etats-Unis pour réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite et des autres fournisseurs arabes de pétrole, pour prévenir des guerres civiles totales et "irrécupérables" en Irak, en Syrie, en Afghanistan et au Liban et pour participer aux côtés de l’Oncle Sam à la lutte contre Al Qaeda et ISIS, est plus osé encore.

 

A Jérusalem, des spécialistes se demandent carrément si le pensionnaire de la Maison Blanche n’a pas perdu une partie de sa raison, notamment en retournant sa veste aussi rapidement, passant d’un soutien extrême et inexplicable aux Frères Musulmans durant les printemps arabes, les piliers du sunnisme dans le monde musulman, au soutien de leur pire ennemi chiite, largement plus haï qu’Israël, au point d’en faire une grande puissance régionale.

 

Le plus inquiétant pour les "anciens" alliés d’Obama est qu’il n’a pas attendu la conclusion de l’accord avec Khamenei, ni même son acceptation d’une alliance avec l’Amérique, pour appliquer sa nouvelle politique. On se souvient ainsi que Bachar al Assad, le protégé de Téhéran, était décrit il y a peu par Obama comme le tyran par excellence, l’autocrate sanguinaire à dégommer à tout prix. Eh bien aucun des soldats, des avions et des chars d’Assad n’a jamais été visé par l’un des chasseurs-bombardiers U.S qui survolent jour et nuit la Syrie, bombardant sans relâche les ennemis de Bachar et des Perses, les djihadistes de l’Etat Islamique et d’al Qaeda.

 

Bien plus préoccupant, principalement pour les Israéliens et les Libanais, est le blanc-seing de facto accordé par la Maison Blanche au déploiement des Gardiens de la Révolution khomeyniste en Syrie, aux frontières du pays aux cèdres et de l’Etat hébreu, très loin de leurs bases en Perse, à 20 kilomètres de notre rédaction.

 

Non seulement l’Administration Obama ne combat-elle pas l’intervention armée des Pasdaran et de leurs supplétifs chiites libanais en Syrie, encore ne la condamne-t-elle même pas. Ce, quand bien même leur but consiste à ouvrir un nouveau front hyper-dangereux au nord-est d’Israël et à aider leurs porte-flingues du Hezbollah à finir de mettre la main sur le Liban, autre allié traditionnel des USA et de l’Occident.

 

Or, dans le Golan, à l’abri des frappes et des critiques étasuniennes, pendant que nous publions ces lignes, des milliers de soldats de l’Armée régulière iranienne combattent l’Armée Syrienne Libre, que Washington, déclare soutenir, qu’il forme, qu’il arme et qu’il conseille. Et si l’ASL perd pied dans le Golan, elle disparaîtra de l’échiquier politique syrien, l’abandonnant exclusivement aux alaouites et aux extrémistes sunnites. Et l’Iran disposera d’une frontière commune, d’une aire de frottement avec l’Etat hébreu. Face à des comportements à ce point contradictoires on sort de la sphère de l’analyse stratégique pour questionner le bon sens de l’homme le plus puissant de la planète. C’est précisément ce à quoi se livrent certains spécialistes israéliens.

 

Que dire, encore, du fait que Barack Obama choisit comme allié stratégique un régime qui pend par centaines au faîte des grues les homosexuels, les femmes jugées infidèles au terme de simulacres de procès, alors que, très souvent, elles ont simplement subi des viols ou qu’elles ont tué pour se défendre d’agressions sexuelles, des poètes, des libres penseurs, des opposants inoffensifs, des chrétiens, des zoroastriens, des Kurdes, des bahaïs et, plus généralement, les adeptes des autres religions ? Que dire du fait que l’Administration Obama ne condamne plus ces assassinats pour ne pas gêner les négociations, et que la plus grande démocratie du monde, le phare du monde libre, abandonne tous ces malheureux, de même que la population iranienne oppressée en permanence, à leur abominable sort ?

 

L’Amérique peut-elle accepter en silence que son président n’ait de cesse de fustiger les meurtres commis par ISIS, tandis qu’il ignore ceux perpétrés par la "République" Islamique dans des proportions comparables ?  

 

Aux Etats-Unis, les voix se multiplient pour affirmer que le Congrès n’entérinera jamais un accord dont le contenu est celui que je viens de détailler dans cet article et dans les conditions stratégiques prévalant actuellement. Le parlement devrait, en revanche, selon les mêmes intervenants, contre l’avis du Président Obama, décréter un nouveau train de sanctions en mars ou en avril.

 

Aux USA, dans ces circonstances, d’aucuns se demandent pourquoi l’Administration s’entête-t-elle à arracher un accord qui ne sera pas ratifié. Les mêmes assurent que Barack Obama aurait l’intention, en agissant de la sorte, de se défausser sur le Congrès à majorité Républicaine, en lui laissant le soin de dénoncer à sa place la solution diplomatique. Le président, face à l’histoire, apparaîtrait ainsi comme celui qui a tenté de sauver la paix, alors que le Congrès serait celui qui aura entraîné la rupture, choisi la voie de la confrontation et probablement la guerre.  

 

Mais Obama pourrait aussi, au contraire, laisser l’image du pire président et du pire commandant en chef des armées de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique.

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