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Ces femmes qui oeuvrent pour la libération arabe

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Les mouvements féministes de la région tendent à associer libération des femmes et démocratie pour tous, l'une ne pouvant à leurs yeux aller sans l'autre. Si les femmes ont agi lors de ce printemps, c'est aussi parce qu'elles avaient fait, d'abord, leur propre révolution - dans la famille, à l'école et au travail.

 

La révolte qui secoue le monde arabe a commencé par le geste désespéré d'un homme, un jeune Tunisien, Mohamed Bouazizi, qui s'est immolé à Sidi Bouzid, après avoir été une dernière fois contrôlé, humilié même, dans son petit commerce ambulant par une policière en quête de bakchich. « Lier les événements à la seule action des femmes serait une erreur », constate Michèle Bismuth-Rousseaux, la gérante de L'Oréal à Tunis. Il ne s'agit pas en effet, en Tunisie, en Égypte, au Bahreïn, au Yémen et ailleurs en Afrique du Nord et dans le Golfe, de « révolutions de femmes », mais d'un mouvement d'hommes et de femmes. Une vraie mue culturelle, qui a permis aux deux sexes de se retrouver main dans la main en quelque sorte, et ce, pour la première fois, sans doute.

Des jeunes femmes qui appellent à manifester via Facebook et Twitter, tant elles sont adeptes de ces nouveaux médias, des mères égyptiennes qui ont rejoint en masse la place de la Libération, sans craindre, contrairement à leurs habitudes, de se faire harceler par des hommes, tant l'heure était à autre chose, des grands-mères qui ont béni les jeunes, filles et garçons, dans leurs demandes de justice pour tous, tant elles en sentaient elles-mêmes le besoin : les femmes de ces pays ont tout simplement pris leur place de citoyennes à part entière. Et à parité avec les hommes.

D'ailleurs, si la révolte a éclaté en Tunisie, c'est aussi parce que les femmes y bénéficient, plus qu'ailleurs dans la région, de droits quasiment équivalents à ceux des hommes, depuis les efforts du président Bourguiba, dès l'indépendance, en 1956. Droit de vote en 1959, égalité face au divorce, abolition de la polygamie, âge minimum pour le mariage (17 ans), accès à la contraception depuis 1962 et à l'avortement sous conditions depuis 1965 et totalement libre depuis 1973 (avant la France, donc...). Sans oublier l'école obligatoire et gratuite jusqu'à 16 ans pour tous.

Le résultat, c'est que les Tunisiennes ont vu leur taux de fécondité passer de 6,9 enfants par femme en 1955 à 2,1 en 2000 et 1,7 en 2010 (tandis que la France affichait un taux de 2,01 l'an dernier). Surtout, elles ont atteint un degré élevé d'alphabétisation : il est passé de 31,2 % en 1980 à 60,6 % en 2000 et 65,3 % en 2004. Il atteint aujourd'hui quelque 70 %. Conséquence, elles ont pris une place dans le monde du travail, et sont désormais présentes dans tous les secteurs, avec un niveau de participation en progression constante, puisqu'il se situe (en comptant l'informel) autour de 37 % actuellement, contre 25,3 % en 1999. Certes, c'est encore en deçà des niveaux des pays industrialisés, mais cette évolution n'en a pas moins créé une « masse critique ». Et permis aux femmes de militer pour plus d'avancées économiques.

Car à Sidi Bouzid, où tout a commencé, les jeunes diplômées subissent encore un taux de chômage de 44 %, contre 25 % pour les jeunes hommes sortis de l'université. En moyenne nationale, les jeunes diplômées sont 19 % à être sans emploi (contre 14 % pour l'ensemble de la population). Mais la force du mouvement féministe, affirme la juriste tunisienne Khadija Cherif, c'est que les femmes ont systématiquement associé revendications économiques à désirs d'avancées sociales et politiques pour tous. Jamais le mouvement ne s'est dissocié des autres. Et il a toujours réclamé démocratie et laïcité. Comment les femmes pourraient-elles être libres, si le reste de la société ne l'est pas ? Alors que l'après-révolution pourrait, dans plusieurs pays, porter au pouvoir des forces peu enclines à promouvoir les femmes, ces dernières restent vigilantes. Lors d'une récente manifestation, une pancarte avait transformé "I like Tunisia" en un inattendu "I laïque Tunisia", raconte Michèle Bismuth-Rousseaux avec satisfaction...

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