A Casablanca, le seul musée du judaïsme du monde arabe
De Philippe SAUVAGNARGUES
CASABLANCA — "En vérité, je ne savais pas qu'il y avait des juifs d'origine marocaine", s'étonne Sidi Ahmed, un lycéen musulman en visitant le musée du judaïsme de Casablanca, le seul de son genre dans le monde arabe.
Le jeune homme, venu avec sa classe de Dakhla, au Sahara occidental, dans le sud du pays, participait à une visite scolaire du musée du judaïsme marocain, abrité dans une bâtisse blanche nichée dans un beau jardin au coeur d'un quartier résidentiel de Casablanca.
"Grâce à cette visite, j'ai découvert qu'il y avait des Marocains juifs à Fès, à Meknès et dans d'autres villes. Je suis heureux de l'avoir appris", confiait tout récemment le jeune homme à l'AFP.
"C'est l'unique musée juif dans le monde arabe", souligne sa conservatrice Zhor Rhihil, fonctionnaire marocaine de confession musulmane.
Le musée a été créé en 1997. Il rassemble des objets de culte juifs marocains, des vêtements, des outils et même un atelier de bijoutier, témoignages de l'histoire et de la vie de la communauté juive marocaine, vieille de deux millénaires.
Il y a actuellement quelque 5.000 juifs au Maroc, dont 2.000 à Casablanca, selon Mme Rhihil.
"L'objectif du musée est de préserver le patrimoine marocain dans sa totalité", dit-elle en soulignant que les visites d'écoles visent à montrer "aux Marocains qu'il y a d'autres Marocains, qui ne sont pas de la même confession qu'eux".
Il demeure des synagogues dans les principales villes du Maroc et Casablanca en compte plusieurs, ainsi que deux écoles juives fréquentées par des élèves juifs et musulmans.
Présente au Maroc depuis l'Antiquité, la communauté juive avait crû au cours des siècles, bénéficiant notamment de l'apport des juifs expulsés d'Espagne à partir de 1492 par les rois catholiques.
A la fin des années 1940, elle comptait quelque 250.000 personnes, soit environ 10% de la population, mais elle est désormais réduite à quelques milliers, une grande majorité ayant quitté le Maroc pour Israël après la fondation de l'Etat hébreu, puis ensuite après la guerre des six jours de 1967.
Près d'un million de juifs dans le monde sont originaires du Maroc, installés en majorité en Israël, mais aussi en France, aux Etats-Unis ou au Canada.
Le musée est dirigé, depuis sa création, par une forte personnalité, Simon Levy, 76 ans, ancien militant communiste qui a passé une bonne partie de sa vie dans l'action politique et s'est battu pour l'indépendance du Maroc.
Il venait de terminer sa thèse de doctorat d'Etat sur les "parlers arabes des juifs du Maroc" lorsque la communauté lui a proposé de mettre sur pied le musée.
La philosophie de ce lieu, "c'est que les juifs du Maroc ne disparaissent pas corps et biens", dit M. Levy qui se bat aussi pour que les livres d'histoire parlent des juifs marocains, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent, selon lui.
"Cela veut dire que pour un petit musulman aujourd'hui, un juif c'est uniquement quelqu'un qui tue des Arabes en Palestine, alors qu'il y a dans ce pays un énorme apport des juifs (...) Je veux que le petit musulman connaisse son pays dans sa diversité historique", lance-t-il.
Simon Levy espère que des progrès du processus de paix au Proche-Orient ramèneront des juifs marocains dans leur pays d'origine."Chaque fois qu'il y a une amélioration du climat au Moyen-Orient, un certain nombre de juifs marocains viennent se réinstaller au Maroc", dit-il.
Pour Mme Rhihil, l'existence du musée témoigne de la tolérance des Marocains. "Il faut arrêter avec cette image péjorative des musulmans qui ne s'intéressent pas à l'autre, qui ne sont pas tolérants", plaide-t-elle.
Mais la présence du musée ne plaît pas nécessairement à tout le monde, ce dont témoigne la présence d'un policier devant sa porte.
Commentaires
Publier un nouveau commentaire