Emmanuel Levinas
Philosophe français, Emmanuel Levinas est né le 12 janvier 1906 à Knovo (Lituanie).
Son enfance est marquée par la culture russe et vécue selon le "rythme de la vie juive". Les études secondaires se feront en Lituanie et en Russie. En 1923, c'est le départ pour la France et l'installation à Strasbourg où il commence des études de philosophie et rencontre Maurice Blanchot.
La découverte philosophique fondamentale est celle d'Edmund Husserl et de la phénoménologie où se présentent de "nouvelles possibilités de penser". Sa thèse universitaire, rédigée à vingt-quatre ans et publiée en 1930, porte sur La Théorie de l'intuition dans la phénoménologie de Husserl. Emmanuel Levinas reviendra constamment sur l'oeuvre de Husserl, soit pour en dégager les limites afin d'indiquer ce qui serait au-delà de la phénoménologie, soit, au contraire, pour marquer comment tel thème husserlien suppose ou conduit à la transcendance.
En 1928-29, il se rend d'ailleurs à Fribourg-en-Brisgau pour suivre les cours de Husserl. Mais c'est alors la pensée de Martin Heidegger qu'il découvre. Malgré l'engagement politique de Heidegger, qui ne sera certes jamais oublié, et malgré l'évolution de la pensée heideggérienne qu'il dénoncera comme mythologie et paganisme, Levinas insistera toujours sur l'éblouissement que lui fut la lecture de Être et temps. L'interprétation critique de Heidegger traverse toute son oeuvre.
Emmanuel Levinas entre dans l'administration de l'oeuvre scolaire de l'Alliance israélite universelle. En 1936, il publie le texte De l'évasion (réédité en 1982). Lorsque survient la Seconde Guerre mondiale, Levinas, naturalisé français en 1930, sera mobilisé. Fait prisonnier, l'uniforme français le protégera et il passera la guerre dans un camp de captivité allemand. Les nazis extermineront une partie de sa famille.
En 1947, il publie De l'existence à l'existant et donne au Collège philosophique de Jean Wahl des conférences republiées en 1979 sous le titre Le Temps et l'Autre. En 1949 paraît En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, ouvrage augmenté jusqu'à l'édition de 1982 d'essais importants pour la compréhension de sa pensée. C'est également durant ces années qu'il rencontre Chouchani, auprès duquel il commence l'étude du Talmud.
En 1957, il donne sa première conférence sur les textes talmudiques. Elle sera publiée dans Difficile liberté: Essais sur le judaïsme (1963). Viendront ensuite, pour ce qui est de cette dimension de la pensée levinassienne, Quatre lectures talmudiques (1968), Du sacré au saint (1977), L'Au-delà du verset (1982) et À l'heure des nations (1988).
En 1961 est publié Totalité et Infini: Essai sur l'extériorité, qui est au centre de l'oeuvre d'Emmanuel Levinas. Il s'agit d'abord d'une critique de la "totalité", et du projet philosophique de penser et d'effectuer la totalité dans une synthèse universelle sans reste qui, d'une part, nie l'individu et, d'autre part, rend toute extériorité impossible. Contre cette "pensée aboslue" (Levinas songe à Hegel), le livre cherche à décrire ce qui va au-delà de la totalité: le rapport à autrui dans un espace asymétrique qui interdit à une conscience de le surplomber pour le lier synthétiquement, l'altérité inenglobable d'autrui ou encore l'idée de l'Infini en moi.
Emmanuel Levinas est alors professeur à l'université de Poitiers, puis, de 1967 à 1973, à Nanterre. Il enseigne ensuite, jusqu'à sa retraite en 1976, à la Sorbonne, où jusqu'en 1984 il continue à tenir un séminaire qui porte le plus souvent sur des thèmes husserliens. Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, que l'on peut considérer comme son oeuvre majeure, paraît en 1974.
La pensée d'Emmanuel levinas se présente comme une pensée de l'altérité, de la transcendance et de l'éthique. L'altérité est d'abord celle d'autrui. Elle ne tient pas à quelque différence de qualités, toujours relative, ni à la position spatiale qui fait que je suis ici et l'autre là-bas. Il faut dire qu'autrui est absolument autre, d'une altérité qui échappe à toute identification. L'altérité est aussi celle de Dieu. Dès lors, l'Autre est, comme tel, inassimilable; il demeure essentiellement extérieur, il est séparé: transcendant. Cette transcendance cependant se signifie à nous comme telle: c'est, par exemple, le sens de l'idée d'Infini, thème que Levinas reprend de Descartes.
L'idée d'Infini en moi est une exception car elle est la seule idée ne pouvant être formée par le sujet de cette idée. Elle accomplit ce paradoxe d'être en moi sans pouvoir être contenue par moi. L'idée d'Infini se présente nécessairement à moi comme venant de l'Autre. Enfin, et surtout, cette pensée est une éthique, antérieure à toute ontologie. D'emblée je suis face à autrui, au "visage" qui est exposition de la misère d'autrui, de son être-sans-défense. Autrui est un appel. Dès lors, le visage (qui, débordant sa propre forme plastique, est langage) me commande une non-indifférence envers autrui dont je suis responsable sans réserve. Cette obligation est la trace du passage de Dieu. On retrouve ces thèmes, et quelques autres, dans le recueil De Dieu qui vient à l'idée (1982).
Emmanuel Levinas est mort à Paris le 25 décembre 1995, à l'âge de 89 ans.
Commentaires
Publier un nouveau commentaire