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Les gardiens des traditions juives du Maroc

Les gardiens des traditions juives du Maroc

 

 

by Raphaël Lopoukhine

 

Jusqu’au 20 décembre, l’Alliance Française de Toronto présente une exposition intitulée Gardiens de la Mémoire du photographe Aaron Vincent Elkaim. Une série de photographies prises lors d’un voyage initiatique au Maroc, en 2009, et qui rendent hommage à une tradition juive au Maroc, vivante encore malgré un exil massif.

Aaron Vincent Elkaim est un jeune homme élancé, aux cheveux mi-longs et au regard clair, derrière des lunettes à monture noire et épaisse. Il a une passion : la recherche de ses origines, juives et marocaines. 

Le père d’Aaron Elkaim a émigré avec sa famille, d’abord en France, puis au Canada, dans la froide Winnipeg, si éloignée de la Mellah, le quartier juif de Marrakech, sa ville natale. Un quartier situé au cœur de la Médina, la vieille ville de la « perle du désert », l’un des nombreux surnoms de Marrakech. 

Aujourd’hui, la présence juive au Maroc n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était. Cinq mille Juifs environ habitent le royaume chérifien, alors qu’ils étaient plusieurs centaines de milliers au milieu du XXe siècle. À Essaouira, l’ancienne Mogador, où ils constituaient 60 % de la population, ils n’existent presque plus. La Mellah y est délabrée. Les familles juives vivent surtout dans les grandes villes du nord du pays : Rabat, Fès et Casablanca. C’est là qu’Aaron Vincent Elkaim les a rencontrées. Des rencontres chaleureuses et riches qui ont donné une photo très douce d’une famille dans son salon.

Mais le vrai intérêt de l’exposition, c’est en fait le rôle joué par les Musulmans marocains dans la préservation de l’héritage juif. On peut penser aux gardiens du Musée des Juifs marocains à Casablanca ou à plusieurs réalisateurs de reportages, écrivains et libraires. Cependant, Aaron Vincent Elkaim s’est attaché à aller à la rencontre des plus humbles. Telle cette Musulmane, gardienne de la synagogue de Marrakech qui, scrupuleusement, tient les clés de la synagogue, et cuisine pour la communauté juive après le service. Une nourriture traditionnelle juive, casher.

Les Juifs et les Musulmans vivent en paix au Maroc depuis l’orée des temps. Depuis que les Musulmans se sont implantés dans cette région, au VIIIe siècle, en fait. La présence juive, elle, y est attestée depuis le IIe siècle avant notre ère. 

Ce qu’Aaron Vincent Elkaim montre, c’est cet esprit de solidarité entre les gens de deux grandes religions du livre et qui partageaient un prophète, Abraham, les mêmes villes, les mêmes pâtisseries et la même langue. Une solidarité brisée par un exil que l’artiste voit comme un fait très négatif.

Et en creux, forcément, on devine la peine de l’exil familial et une certaine frustration devant l’incapacité à communiquer avec la majorité des Marocains d’aujourd’hui, pour un homme qui ne parle ni français ni arabe. C’est donc une exposition tendre, nostalgique et intime au message universel, de paix, de respect mutuel et, surtout, d’espoir.

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