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MERCI Maurice ! Par·Mohamed Lotfi

MERCI Maurice!

Par· Mohamed Lotfi

 

En 67, dans mon quartier à Rabat, il restait encore quelques familles marocaines de confession juive.  Il y avait Clara notre voisine, Simon le tailleur, Jacqueline la coiffeuse et Maurice! Ce dernier rasait les murs à longueur de journées. Il ne s’adressait qu’aux passants juifs pour quêter quelques sous.

Maurice était un peu notre fou du quartier.. J’ai vu parfois des enfants lui jeter la pierre. Parfois, un des épiciers du coin lui offrait sa protection..

Mais qui est Maurice ? Comment est-il devenu fou ? C’est Clara notre voisine qui a répondu à mes questionnements. Dans une conversation de cuisine, je l’ai entendu un jour raconter à ma mère que Maurice avait un métier, la coiffure, et une femme!

C’est le départ pour Israël de cette dernière qui l’avait secoué! Il était fou amoureux de sa femme, mais il ne se voyait pas vivre ailleurs que dans son pays, le Maroc.

Ce qui lui a fait perdre la tête, c’est d’apprendre que sa femme s’était refaite sa vie avec un autre, là-bas..!

En 67, j’avais 7 ans.  Au mois de juin de cette année, la guerre des six jours entre Israël et ses voisins a fait des victimes jusqu’à dans mon quartier..  Alors que Nasser venait d’annoncer sa démission pour avoir perdu la bataille, Maurice, lui, dans ma rue, devait payer le prix d’une guerre dont il était nullement responsable..

Frustrés par une défaite dont ils ne comprenaient ni les causes, ni les conséquences, plusieurs enfants de mon quartier se sont attaqués à Maurice, non pas en tant que fou, mais en tant que juif. Ils l’ont pourchassé en lui jetant tout ce qu’ils pouvaient.  Soudain, Maurice à lui seul, était devenu Israël.

À partir de notre balcon, j’ai assisté à la scène, enragé et impuissant. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais joué avec mes anciens amis du quartier.

Maurice se faisait plus rare.   Trois ans plus tard, il ne restait presque plus de juifs dans le quartier.  Une fois, je l’ai croisé au Mellah, le quartier ou il est né.  Sans rien dire, je lui ai tendu les 50 sous qui me restait de mon argent de poche.  Il m’a regardé sans rien comprendre. Il a beaucoup hésité avant de l’accepter.

Quelques années plus tard, il est mort, de solitude probablement ou de ne pas avoir été compris, peut-être.   Il avait à peine 50 ans.  Après ce lynchage, a t-il regretté de ne pas avoir suivi sa femme ?

Bien des années plus tard, j’ai appris à comprendre à qui cela profitait cette scène ou des enfants marocains jetaient la pierre à un autre marocain! Maurice vivait au Maroc depuis 2000 ans, bien avant l’arrivée de l’islam et des arabes.  Il tenait à y rester, pour le meilleur et pour le pire.

Un autre homme me fait penser à Maurice. Lui aussi, il avait toutes les raisons de partir. Lui aussi, il a goûté à la méchanceté humaine. Mais, lui aussi, son attachement à sa terre natale était plus fort que tout. Il s’appelle Abraham Serfaty.  Torturé puis emprisonné pendant 17 ans avant d’être forcé à l’exil par le régime Hassan II, Abraham Serfaty a vu sa patience et sa passion donner leurs fruits.  Comme Maurice, Abraham a été enterré chez-lui, au Maroc.

Quand j’entends aujourd’hui des juifs français envisager la possibilité de partir pour Israël.  Sans porter de jugement sur leurs sentiments et leurs décisions, je me pose quand-même la question: À qui profite la division des français ?

Lors de son dernier passage à Paris pour manifester « pour la paix et la liberté », Benjamin Netanyahou a répondu clairement: « Les juifs de France sont les bienvenus en Israël n’importe quand ». Manuel Valls a réagi: « Sans les juifs de France, la France n’est plus la France ».

Sans les juifs du Maroc, le Maroc n’est plus le Maroc.

Merci Maurice.. Merci Abraham!

——

PS: 300 mille juifs du Maroc ont quitté pour Israël dans les années 50 et 60.

Sans les départs massifs des juifs du Maroc pour Israël, ils seraient aujourd’hui autour de 3 millions.

Il n’en reste que 3000!

http://voir.ca/mohammed-lotfi/2015/01/13/merci-maurice/

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Je suis ne a Rabat. J'ai passe mon enfance et ma jeunesse a Rabat. J'avais de bons amis musulmans et chretiens. J'ai etudie au College des Orangers, des classes mixtes, filles et garcons et toutes les relgions y etaient representees. Nous vivions en parfaite harmonie. Mais au fond de nous-memes il y'avait la crainte aussi bien des catholiques qui de temps a autre nous traitaient de "sale Juif" que des musulmans, surtout des jeunes qui volaient notre beret ou s'attaquaient a des jeunes filles, surtout lorsque ils etaient en bandes ou qu'ils trouvaient dans leur chemin un Juif qui ne pouvait se defendre. Je me souviens un jour aux services municipaux, alors que j'y etait pour changer mon passport de trois Arabes dont l'un s'est mis a m'insulter et tous les juifs sans aucune provocation de ma part, pour la simple raison que j'etais Juif et que j'etais en minorite. Aucun Arabe present n'est intervenu en ma defense. Ce n'est qu'un petit exemple parmi tant d'autres. Nous avons quitte le Maroc parce que nous vivions dans l'insecurite et la crainte du lendemain. Nous avons liquide nos biens a moitie prix, nous ne pouvions sortir avec notre argent ou des objets de valeur sans graisser la pate a des personnes de nationalite francaise qui eux avaient le droit de transferer leurs biens ou a des employes municipaux. Tout n'etait pas rose pour les Juifs au Maroc, qu'on cesse de raconter des histoires. Personne ne veux quitter son pays et sa ville natale s'il se sent en securite.

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