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Premiers Baisers, par Bob Oré Abitbol

Premiers Baisers

 

« Il suffit parfois d’un baiser pour que naisse l’amour. »

De quelles couleurs sont nos baisers ? Rouge pour les passionnées ? Bleu pour les romantiques ? Rose pour les pudiques ?

Quelle que soit la couleur de nos baisers lorsqu’ils sont échangés avec amour, avec tendresse, avec passion  ils sont connectés à l’âme plus qu’aucun autre lien ne peut le faire.  Nous devenons pour quelques secondes, pour quelques minutes qui semblent éternité « un » avec l’univers !

Je n’ai vraiment connu le baiser, le vrai baiser, qu’à l’âge de 13 ans !

Auparavant, je ne connaissais que celui chaud, tendre et pudique de ma mère avant mon départ pour la « petite école » ou celui plus rugueux  et comme détaché de mon père revenant du travail!

D’autres avaient tenté sans grand succès de me l’enseigner en vain ! Raphaël L. le pervers du quartier qui essayait de fourrer sa langue dans mon museau d’enfant contre une barre de chocolat ou celui de Léa B. une voisine voluptueuse de dix  ans mon ainée  qui tentait une leçon d’anatomie précoce sur l’enfant que j’étais dans les cabines humides et heureusement hermétiques de la Plage Tahiti à Casablanca.

Ou encore Renée A. la fille d’un notable de la ville qui me courrait après comme une folle pour me coller un baiser écœurant au goût de poisson farci à la marocaine !

Curieux, je voulais  tout apprendre !

Qui  allait avoir ce grand, cet insigne honneur  d’être la première?

Personne ne le voulait vraiment!

Pendant les surprises parties faisant rage chez l’une ou chez l’autre dans une belle villa sur la Côte à Anfa ou dans un appartement huppé sur le Boulevard Mohamed V je tentais ma chance mais je n’avais aucun succès ni aucune expérience, faut le dire !

Dés qu’on mettait un slow de Paul Anka, d’Elvis ou de Neil Sedaka après les « rock and roll » frénétiques de « Rock around the clock » de Bill Haley et ses comètes ou Tutti Frutti de Little Richard, les jeunes se précipitaient sur leur proie comme des moineaux affamés sur des miettes de pain !  Fallait être adroit et rapide sinon celle sur laquelle on avait jeté son dévolu atterrissait dans les bras d’un autre  et on se retrouvait « Gros-Jean comme devant » selon l’expression du bon Mr de la Fontaine !

 Combien de Clarisse, d’Hélène, de Suzanne, de Monique j’ai perdu bêtement en cours de route pour n’avoir pas su manœuvrer, à temps,  comme il le fallait!

Je n’étais pas plus moche qu’un autre ! Loin de là ! Une petite bouille plutôt sympathique, trop sympa peut être ! Des cheveux bouclés, des yeux expressifs et puis j’avais à présent une moto dernier modèle mais nada !

A cet âge les adolescentes  n’aiment pas trop les « rigolos », ceux qui ne sont pas « sérieux »! Elles préfèrent à priori ceux qui les ignorent, ceux  qui les regardent de haut, ceux qu’elles pensent imprenables !

Changeront-elles jamais ?

Moi, j’ignorais complètement ce protocole! Tous ces trucs, bobards et compagnie me paraissaient hypocrites et faux!

J’aimais une fille ? Je le lui montrais de la façon la plus directe possible et sans équivoque ! Ça ne fonctionnait pas !

Toutes celles auxquelles je demandais de « sortir », de « marcher » avec moi comme on disait, refusaient cruellement jusqu'à celle qu’on surnommait Gisèle « le pou » qui portait des lunettes comme des fonds de bouteille et qui mit froidement  une fin de non-recevoir définitive et sans états d’âme à mes tentatives désespérées, mes espoirs et mes prétentions absurdes paraît-il !!!!

Jusqu’au jour où Marie K. apparut, de loin la plus jolie fille du quartier !

Bouche rouge bien marquée, lèvres bien dessinées, cheveux de jais, yeux clairs en amande, pas grande mais bien proportionnée. Elle chantait comme un rossignol, riait pour un oui pour un non d’un rire clair et léger  qui s’envolait de la courette de l’immeuble où nous vivions jusqu’au ciel  en volutes et en  trilles légères!

Et si cela n’était pas assez, elle était ma voisine !!! Ma voi-sine !!!

Elle venait d’arriver toute belle et toute pimpante de Mogador-Essaouira la magnifique et tout de suite j’en tombai follement amoureux. Sentiment nouveau et troublant pour moi qui me surprenait mais m’emplissait d’une joie inconnue et de battements de cœur incontrôlés et incontrôlables!

Je montais son courrier ou celui de sa famille qu’importe, son linge à sécher jusqu’à la terrasse ensoleillée d’où je me serai jeté, sans hésitations, si elle me l’avait demandé !

Je  frétillais comme un petit chien énervé ! Heureusement je lui avais plu et mes simagrées la faisaient rire ! Nous avions treize ans tous les deux mais elle semblait plus sage que moi! Son amour semblait plus réfléchi plus mur, plus doux!

Comme si elle avait compris qui j’étais, avec mes différences, mes particularités. Elle m’avait adopté et accepté tel que j’étais avec  mon caractère, mes « moods », mes velléités, mes facéties, moi envers et contre tout !

Dés dix  ans, en effet, je lisais avidement grâce à mon père, relieur et imprimeur les livres que lui confiaient ses clients : Montherlant, Gide, Hugo, Tolstoï, Dostoïevski, Balzac, Flaubert, Stendhal !

Ce qui faisait que je m ‘étais dissocié des autres enfants. Je voulais être comme les autres, jouer aux billes comme les autres, à la toupie ou aux noyaux d’abricots comme les autres mais mes lectures m’avaient condamné et éloigné d’eux malgré moi. Ils ne disaient rien mais ils le sentaient et je le sentais aussi inconsciemment! J ‘étais le chiot de la meute qui ne se mêle pas aux autres chiens!

J’étais et je suis resté différent à mon corps défendant !

Quelques  mois auparavant j’avais découvert, seul, la masturbation.

Cette manière d’autosatisfaction me paraissait idéale. Je voulais la faire breveter !

Je l ‘expérimentais souvent ! Au bruit  des ressorts du lit gigogne où nous dormions, entassés à quatre avec mes frères, il fallait être discret, mais je n’en avais cure. Si mon père criait que nous risquions la cécité  j ‘aurais égoïstement et avec joie accepté de vivre avec cet handicap plutôt que de renoncer à ces quelques minutes de bonheur  éphémères et éternelles a la fois!

Un jour j’embrassai  Marie et mon âme toute entière se retrouva collée à cet exercice frivole ! Mon cœur battait  la chamade,  la sueur perlait à mon front, des tremblements de la  tête  aux pieds, des vertiges qui m’emportaient et me plaisaient !

Etait-ce cela l’amour ?

Rire sans raison, se sentir léger comme un papillon un jour de Juin sans fenêtre et sans horizon !

Etait ce cela l’amour !?

Le parfum de sa bouche au goût de grains de grenade, la douceur de sa peau, ses cheveux dans les miens, son corps collé contre moi en une étreinte infinie !

Etait-ce cela l ‘amour ?

Si je tentais un geste « déplacé », une main ferme et décidée me ramenait vite à la raison !

Je ne savais pas ! Je ne comprenais pas! Tout ce que je savais, tout ce que je sentais dans ce baiser c’était l’éternité d’être, le bonheur de vivre dans lequel je baignais dans une totale inconscience et paradoxalement dans une lucidité absolue !

Je l’embrassais sans arrêt! Nous entrions alors tous les deux semblait-il en apnée  et nous en sortions quelques heures plus tard les yeux pétillants et le cœur léger : Pour toujours et à jamais invincibles !!!

Ces baisers, volés ou non, profonds et passionnés, m’ont donné confiance en moi, je pouvais  désormais affronter les filles et la vie avec sérénité. Je ne craignais plus rien ni personne!

J’étais ! Je vivais ! J’exultais!  J’existais !

 

©Bob Oré Abitbol

boboreint@gmail.com

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