Qatar : le système Aljazzera(info # 011208/14) [Analyse]
Par Stéphane Juffa ©Metula News Agency
Lorsque Dominique de Villepin, dans le Fig, évoque le "massacre" perpétré par Tsahal à Gaza, et appelle à s’insurger contre les agissements d’Israël, il agit sur le mode opératoire d’Aljazzera, au profit des intérêts du plus gros client de son étude d’avocats – Eric Leser dixit dans Slate.fr en 2011 -, l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad bin Khalifa Al Thani.
Celui-là même en faveur duquel son père, Hamad,avait abdiqué il y a un peu plus d’un an ; lequel Hamad avait profité des vacances en Suisse de son père, en juin 1995, pour l’évincer et prendre sa place. Attachante famille.
Le Qatar, cette minuscule dictature absolue de la taille de la Corse, qui finance les tunnels, les roquettes et les miliciens du Hamas, et qui arrose copieusement ses dirigeants.
On peut se poser la question de savoir pendant combien d’années on aurait pu payer les salaires de tous les fonctionnaires palestiniens avec les seuls fonds dépensés par le Mouvement de la Résistance Islamique durant le conflit Rocher Inébranlable ?
On pense alors aux réunions durant lesquelles l’Autorité Palestinienne mendie l’aide internationale en évoquant son écroulement financier inévitable si elle ne parvient pas à réunir son budget annuel variant de deux à trois milliards de dollars, dont la part du lion va justement au paiement de ses fonctionnaires. L’un de ces rendez-vous va précisément être convoqué début septembre par les Palestiniens, et l’on peut craindre que les démocraties occidentales, Etats-Unis et Union Européenne en tête, vont à nouveau cracher au bassinet, participant de la sorte aux tentatives du Hamas pour éradiquer Israël avec l’argent de leurs contribuables.
Une tête bien faite se dirait que c’est au casseur de payer pour les dégâts qu’il a occasionnés, ce, d’autant plus que Doha dispose par exemple du plus grand fonds souverain de la planète, qui avoisine les mille milliards de dollars.
Ce serait mal connaître les ambitions de Tamim bin Hamad bin Khalifa Al Thani, un djihadiste illuminé qui préfère financer, outre le PSG et Barça, le Califat Islamique en train de bouffer l’Irak, la Syrie et le Kurdistan, et qui annonce son intention de commencer à boulotter l’Arabie Saoudite et la Jordanie.
Certes, Tsahal a infligé des dégâts à la bande Gaza, en détruisant les pas de tir de roquettes dont les miliciens djihadistes se servaient pour asperger Tel-Aviv, dans les écoles de l’ONU, les mosquées, les hôpitaux et les immeubles d’habitation. Mais celui qui a permis que cela se passe, qui encourage, d’après Sami El Soudi, les chefs du Hamas à refuser toute trêve qui les empêcherait de se réarmer, c’est Tamim al-Thani.
D’après El Soudi, l’émir aurait fermement remis Khaled Mashal au pas quand celui-ci, constatant la situation désespérée de sa milice pratiquement désarmée, dans un moment de faiblesse, avait eu l’intention d’accepter la proposition égyptienne prônant un cessez-le-feu sans conditions et illimité.
Mais quand on constate l’hyper-violence des protégés de l’émir en Irak et en Syrie, passant leur temps à enlever des femmes yézidies pour les réduire à l’esclavage sexuel, à ensevelir des centaines de civils encore vivants dans des fosses communes, à crucifier les chrétiens de Mosul et à décapiter leurs prisonniers au couteau de boucher, on saisit qu’on aurait tort de chercher la moindre parcelle d’humanité chez ce gros cochon.
Et on ne peut éviter de songer que ce n’est pas forcément les considérations droit-de-l’hommistes qui guident Maître Villepin dans le choix de ses clients, pas plus que dans ses coups de cœur.
Il serait toutefois trop simple, voire simpliste, de passer notre juste colère sur l’ancien 1er ministre de Jacques Chirac, parce que c’est à un système que nous avons à faire. Parce que les achats principaux de bin Khalifa, contrairement aux apparences, ne se portent pas sur les pierres, les Ibrahimovic, les grandes marques, les écoles prestigieuses et les actions des sociétés internationales, mais sur les hommes d’influence et leur opinion.
A sa décharge on retiendra qu’il n’est pas le premier despote à agir de la sorte, puisque qu’un autre pétro-tyran, Saddam Hussein, arrosait déjà le monde politique à grands coups de valises de billets de banque et de cadeaux bien sentis. Et pour être aussi équitables que précis, nous, de rappeler que la France n’était pas son unique terrain de chasse, et que le pendu de Baghdad – comme quoi le système possède encore des petites failles – s’était payé une belle tranche de politiciens sur l’île de la rouquine Albion.
On pourrait appeler ce système du nom du fleuron de l’appareil de suffocation du Qatar, sa chaîne panarabe de télévision Aljazzera. Vous prenez des journalistes TV déjà connus, en Angleterre et aux Etats-Unis pour la variante occidentale, vous multipliez leur salaire par dix, vous les installez confortablement à Doha et vous leur faites dire n’importe quoi. Le tout, agrémenté d’une prestation technique face à laquelle I24News a l’air d’une initiative de techniciens bénévoles.
Vous disposez alors d’un instrument de propagande auquel les émirs qataris – des fuites de Wikileaks l’ont établi – peuvent ordonner de ne filmer que les victimes collatérales à Gaza-city, en omettant de montrer les images de la Katioucha qui venait de s’envoler de l’école dans laquelle ils se trouvaient dans le seul but de tuer du Juif.
C’est ainsi que l’on fabrique un massacre ; au point que même l’association des correspondants étrangers en Israël [APE], vient de s’insurger contre les pratiques en cours à Gaza, notamment les menaces des miliciens sur la vie des reporters lorsque ceux-là ne filment pas ce qu’ils leur disent de filmer.
Tamim dispose ainsi de trois éléments-clés qu’il s’est forgés à la suite de son père avec les revenus du pétrole – le Qatar en est le 6ème producteur mondial – et du gaz – le second : 1. Le financement du terrorisme djihadiste. 2. La désinformation et 3. Le soutien aux thèses de la désinformation grâce aux politiciens et aux journalistes qui lui mangent dans la main.
Trio gagnant ! Au point que seuls des emmerdeurs de notre genre s’avisent de critiquer son trafic. Même la grande Amérique épargne l’émir, en le conviant, à la place de s’en débarrasser, à la table des négociations en vue de chercher une entente entre les Hébreux et les djihadistes. A telle enseigne que lorsque Netanyahu a eu vent de cette initiative, il a cru que John Kerry était tombé sur la tête et a eu la faiblesse de partager sa crainte avec Barack Obama.
Mais onze milliards d’achats d’armement et de gros investissement dans l’économie US à la dérive auront eu raison, une fois encore, du bon sens. Celui qui veut qu’on ne discute pas de la lutte anti-incendie avec le calife des pyromanes.
Reste que le dada du jeune – il n’a que 34 ans - et impétueux émir, c’est la France ; il connaît l’état de ses finances et le prix abordable de ses politiciens. Le Qatar paie ainsi la formation des marins de sa flotte, de ses gendarmes et lui fournit du matériel militaire, notamment des mirages 2000 dont personne d’autre ne veut.
Ca, c’est pour faire acte de bonne volonté et pour empêcher que le public français ne cherche à comprendre de trop près ce que tant de ses politiciens viennent faire si souvent à Doha. Et ce n’est pas pour prendre des vacances à la mer, car se baigner par 50 degrés à l’ombre n’est pas forcément un exercice rafraichissant. On trouve beaucoup mieux plus près de Paris.
EADS, Total, GDF-Suez, EDF, Veolia, Vinci, Air Liquide, Technip, Lagardère, font leur beurre à Doha, quand ce n’est pas Tamim qui s’offre des parts des grandes sociétés françaises. Son père était même à deux doigts d’entrer dans le tour de table d’Areva, le fleuron du nucléaire tricolore. Il a fallu l’entêtement d’Anne Lauvergeon pour empêcher que ne se conclue cette opération contre-nature, et cela lui a probablement coûté sa place de présidente d’Areva.
Parce que, tout de même, en plus de Villepin qui voyage dans les jets de l’émir, on trouve du beau linge sur le Roissy-Doha. Comme Rachida Dati qui, à l’époque où elle était Garde des sceaux, faisait le trajet deux à trois fois par… mois.
Parmi les autres cireurs de pompes des émirs, Eric Leser cite, entre autres, Hubert Védrine, Claude Guéant, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Fadela Amara, Jean-Louis Debré, Gérard Larcher, Frédéric Mitterrand, Hervé Morin, Jean-Pierre Chevènement, Jack Lang…
Sans parler de Nicolas Sarkozy, qui, trois semaines après son élection en 2007 invitait Hamad bin Khalifa à l’Elysée, et, quelques semaines plus tard, il le conviait à assister au défilé du 14 juillet à ses côtés. Par la suite, il utilisera Claude Guéant comme ambassadeur particulier et comme navette auprès du despote qatari.
Pas d’étonnement, dans ces conditions, en constatant qu’on ne trouve pas foultitude d’amis d’Israël parmi les habitués de Doha. C’est que les souverains de Doha ne sont pas des philanthropes et ne font jamais de cadeaux gratuits. Comme le Diable, ils achètent l’âme de ceux qui leur demandent des faveurs.
Cela explique sans doute la raison – incomprise par tant d’amis francophones d’Israël – du changement d’attitude de Nicolas Sarkozy face à l’Etat hébreu. Entre l’annonce qu’il avait faite en déclarant que c’était à Yad Vachem [le musée-monument de l’Holocauste à Jérusalem] qu’il avait décidé de devenir président de la France, et l’attitude de plus en plus hostile qu’il témoigna à Israël, plus il avançait dans son quinquennat et plus il avait besoin d’argent.
Cela aide à comprendre l’énergie incroyable que Sarkozy avait dépensée pour sauver, lors d’un conflit précédent, le Hamas des griffes de Tsahal. Il avait fait pression au Conseil de Sécurité pour, qu’avec le bloc arabe, la France rédige en toute hâte une résolution pour imposer une trêve. Il avait fait le déplacement de Jérusalem, y traînant nombre de dirigeants européens, et avait même plaidé pour le cessez-le-feu à la télévision nationale, distribuant un grand nombre de promesses dont il ne tint évidemment aucune.
Sauver le Hamas ? Mais pourquoi, en quoi sauver une organisation djihadiste, terroriste et antioccidentale servait-il les intérêts de la France ? Pour faire plaisir à un riche ami dont c’était le poulain, au même titre qu’une équipe de foot ou une enseigne de haute-couture ?
A l’heure où, au Caire, on discute d’une Tahadya, et que les autorités égyptiennes, qui sont la cible pluriquotidienne de la chaîne privée de l’émir, refusent catégoriquement de le voir participer aux pourparlers, une question d’ordre stratégique se pose : peut-on changer le régime qui gouverne Gaza sans se débarrasser de son protecteur qatari ?
Si on ne chasse pas totalement cette milice terroriste par une opération militaire, Tamim Al Thani ne va-t-il pas inonder la bande côtière des devises nécessaires à reconstruire les tunnels et remplir les stocks de roquettes ? Pour le Qatar, la somme nécessaire à ces exactions est ridiculement basse.
Ne faudrait-il pas songer à renverser cette famille de djihadistes aux contours fréquentables ? Pour y instaurer une démocratie, vous savez, ce système qui ressemble au nôtre, dans lequel les partis politiques sont admis. Abolir l’état de semi-esclavage dans lequel 1.3 millions d’étrangers, sur 1.5 millions d’habitants au Qatar sont maintenus ?
Cette nécessité, quand l’on observe la guerre de religion qu’ils entretiennent au Moyen-Orient et qu’on entend réellement la combattre, va devoir être envisagée. Car il ne suffit pas d’envoyer des vivres aux réfugiés irakiens et quelques vieilles pétoires aux combattants kurdes pour endiguer la vague. Il faut s’en prendre aux pourvoyeurs de la Guerre sainte, même et surtout s’ils ont utilisé une partie de leur argent et de son influence à se rendre inaccessibles.
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