Une héroïne juive : Hélène de Casablanca
Parmi les histoires presque oubliées de la période de la Shoa il y a celle d’Hélène Cazes-Benattar qui durant la Seconde Guerre mondiale devint à elle-seule une véritable institution de sauvetage de ses frères juifs européens réfugiés au Maroc. Née Cazes en 1900 à Tanger, elle « émigra » à Casablanca et épousa Moshé Benattar.
Casablanca était devenue un lieu de refuge et de transit pour des milliers de juifs qui fuyaient l’Europe. On estime ce chiffre à environ 20.000, mais Hélène Cazes-Benattar affirmait qu’il s’agissait de bien davantage. Les juifs qui arrivaient à Casablanca avaient besoin d’aide urgente dans tous les domaines. La communauté locale, sans grande influence sur les autorités françaises, ne pouvait assumer la prise en charge de ces malheureux réfugiés. C’est alors qu’intervint Hélène, avocate, bénévole à la Croix-Rouge et membre de l’Alliance Israélite Universelle ainsi que de la WIZO.
Le 5 juillet 1940, Hélène Cazes-Benattar entendit parler pour la première fois d’un bateau transportant des refugiés, juifs et non-juifs, qui avait accosté au port de Casablanca, et dont les passagers avaient interdiction de débarquer sur ordre de Vichy. Elle se précipita au port, et usant de sa carte de la Croix-Rouge, elle commença à s’occuper des passagers qui avaient le plus besoin d’aide. C’est après cela qu’elle créa le « Comité d’Assistance aux Réfugiés étrangers ». Peu à peu elle devint l’adresse incontournable pour tous les réfugiés et détenus des camps de transit, et se donna à fond pour cette mission, parfois au péril de sa vie. Durant les premiers mois elle agit pratiquement sans aucune aide des grandes organisations juives comme le « Joint Committee ».
Le Comité dirigé par Hélène s’occupait de tous les domaines : répartition des réfugiés dans les communautés du Maroc et d’Algérie, emploi, logement indépendant ou dans des familles, nourriture, santé, argent de poche, faux passeports et visas pour l’Amérique. Hélène et ses bénévoles oeuvraient sans cesse pour des réfugiés dont le nombre augmentait parfois de plusieurs centaines par jour ! Peu à peu, Hélène Cazes-Benattar dut trouver des sources de financement plus importantes et contacta des anciens de l’A.I.U, des privés, des organisations juives et non-juives locales.
Jusqu’en octobre 1940, grâce à des contacts qu’elle avait au sein de l’Administration de Vichy elle échappa plusieurs fois à l’emprisonnement et servit même de courroie de transmission entre l’administration et ses protégés. Mais ensuite, la politique de Vichy à l’égard des réfugiés se raidit considérablement, et de nombreux juifs réfugiés au Maroc furent envoyés dans des camps d’internement situés dans des villes de l’intérieur comme Marrakech, Safi ou Mogador. Le Comité dirigé par Hélène fut alors submergé de demandes de réfugiés qui ne voulaient pas aller dans ces camps. Hélène tenta de trouver des solutions en trouvant par exemple des emplois qui pourraient éviter l’internement, et en même temps elle mit sur pied une aide pour tous les juifs qui furent internés. Elle fit envoyer par exemple dans ces camps, par l’intermédiaire d’un émissaire arabe, 300 francs mensuels par adulte et 200 francs par enfant ! Le Comité fit aussi réparer les lunettes, soigner les dents et procura des habits d’hiver pour les détenus.
L’action du Comité dirigé par Hélène s’étendait aussi aux juifs qui n’étaient qu’en transit au Maroc. En 1940, elle apprit que trois bateaux de réfugiés juifs en provenance du sud de la France et à destination des Amériques avaient accosté à Casablanca. Les 1.200 passagers débarquèrent. Une partie d’entre eux fut prise et internée, mais ceux qui réussirent à quitter le Maroc eurent droit à tous les soins du Comité d’Assistance aux Réfugiés jusqu’à leur départ, y compris des logements loués par le Comité.
Mais les Allemands eurent vent de tout ce qui se passait et de la filière pour l’Amérique qui passait par le Maroc. En avril 1941, les autorités nazies ordonnaient à Vichy de démanteler le Comité d’Assistance aux Réfugiés, et le gouvernement Laval exigea la liste des réfugiés aidés par le Comité. Le mois suivant, Vichy fit fermer les bureaux de l’Alliance à Casablanca. Grâce à ses contacts, Hélène put une nouvelle fois échapper aux mailles du filet et réussit même à faire embarquer clandestinement des réfugiés dans des bateaux pour le Nouveau monde. Elle alla jusqu’à emprunter de l’argent. Garanti par les organisations juives américaines, pour financer l’embarquement des réfugiés !
Telle fut l’action de cette sainte femme de mémoire bénie, qui fit partie de la liste de toutes celles et ceux qui oeuvrèrent sans relâche en pleine tourmente pour aider leurs frères en détresse, en bravant les dangers et les nombreux obstacles, au nom de cette solidarité juive qui jamais ne se dément.
par Shraga Blum