Quand le bon sens urbanistique se trouve du côté de Casablanca
Ce weekend (6-7-8 avril) des citoyens de Casablanca ont organisé les Journées du Patrimoine de leur ville. La même idée que les Journées européennes où d'innombrables portes s'ouvrent, dans les banques, les hôtels particuliers, les tribunaux, les sièges sociaux, les installations industrielles, les immeubles d'habitation.
Mais hors d'Europe, au Maroc par exemple ? Les milieux civiques ont-ils vraiment ce genre de soucis culturels? Eh bien oui. À commencer par une assocation, Casamémoire, qui a organisé l'événement quasiment toute seule.
Ces centaines de volontaires en T-shirt noir, ouvrant les portes dans la Médina, avec une explication architecturale et urbanistique sur presque tout. Des étudiants de l'École d'Architecture de Casablanca, et des gens de tous horizons dont maints Français et Espagnols amoureux de ces bâtiments Art Déco.
Prenons cette Médina : essentiellement du 19e et du 20e siècle, à peine plus. Jeune, et pourtant sans effet Disneyland ! Les pauvres y vivent. Où ces abattoirs, construits en 1922, en voie de transformation en lieu de création culturelle. Des HLM dessinées il y 70 ans par des architectes internationaux de la mouvance Bauhaus, et qui n'ont pas vieilli. Les habitants populaires y sont à l'aise, la dégradation n'y est pas pire qu'ailleurs (Casablanca est quand même un peu sale, mais très fonctionnelle entre les bouteilles en plastique vides, et plein de perspectives d'avenir comme son tramway d'une trentaine de km qui ouvrira l'année prochaine, et qui a déjà évincé d'une avenue entière l'automobile !).
Et quelle jeunesse, des étudiants en architecture complètement acquis à la cause de la conservation du bâti des origines à 1970 environ. Le gros n'importe quoi, c'est après cette date, disent-ils. Les grosses destructions, surtout. Par douzaines ces jeunes menaient les tours du public, mince il est vrai mais pour la 4e édition de tous les temps et quasiment sans publicité.
Un musée juif, le plus grand des deux seuls musées de la métropole économique ! (l'autre est le petit musée de musique arabo-andalouse). Le ministre de la culture, élu de gauche au sein d'une coalition menée par le parti islamique-démocrate PJD, s'est exprimé. Un homme de caractère sophistiqué et enthousiaste.
Savait-on que Casablanca était le laboratoire de l'architecture expérimentale du 20e siècle ? Que le résident général du protectorat français (1912-1956) Lyautey, reproduisant le geste de Napoléon III, a lancé un programme à la Haussmann, ouvert à l'avant-garde de son époque ? Que les jeunes architectes casablancais en sont totalement fiers ? Que les Européens et les Marocains firent ensemble de Casablanca une perle, bien défraîchie aujourd'hui ?
Conclusion : l'esprit urbanistique est au Sud, beaucoup plus qu'à l'ouest, en Floride ou en Californie. Dans sa splendeur d'utopie pratique et d'harmonie entre le béton et les décorations artisanales. Du néo-Haussmann franco-marocain. Et ce sont les jeunes qui l'aiment, qui la protègent, dénoncent les destructions indues, avec une fougue que je cherche encore ici. Et qui nous rappellent que les architectes et urbanistes français du 20e siècle se sont fait la main au Maroc.
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