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Les 44 Enfants d’Izieu et la présence du chiffre 4

 

 

 

Il y a 4 ans, je faisais la connaissance d’Alexandre Halaunbrenner, le porte-drapeau de l’Association des F.F.D.J.F (1), dont ses 2 sœurs, Mina, 8 ans et Claudine, 5 ans, pensionnaires de la Maison d’Izieu, furent déportées par le convoi n° 76 du 30 juin 1944 et assassinées à Auschwitz (2). Depuis, je me souviens encore plus qu’avant, et ce n’est pas peu dire, de ce sinistre 6 avril 1944, il y a aujourd’hui exactement 67 ans. De plus, je ne peux m’empêcher de voir le chiffre 4 présent partout.

 

Certains Rabbins et exégètes donnent une signification particulière aux chiffres comme par exemple :

1pour le D.ieu unique, le D.ieu Un,

2pour les deux Tables de la Loi,

3pour nos trois Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob,

4pour nos quatre « Matriarches », Sara, Rébecca, Léa et Rachel,

…………………

 

Ce chiffre 4 me fascine, ou plus exactement m’obsède. Il est partout ! Ce chiffre 4 correspondant à nos « Matriarches », à nos Mères qui, stériles, eurent par la suite des enfants se trouve être en rapport avec la joie d’avoir des enfants (chez mes Parents, nous étions 4 enfants).

 

LA RAFLE

 

Sans pour autant rechercher particulièrement des coïncidences, je constate avec prudence que ce même chiffre 4, concernant 44 enfants, fut aussi le symbole non de joies mais de drames, de tragédies et de malheurs. Je fais naturellement allusion à ces 44 malheureux Enfants de la Maison d’Izieu « arrêtés » deux mois exactement avant le Débarquement en Normandie, il y a 67 ans aujourd’hui 6 avril (4) 2010.

 

Comment oublier qu’avec 7 de leurs éducateurs, le 6.4.44, la Gestapo de Lyon commandée par le criminel de guerre Barbie, le « boucher de Lyon », tortionnaire de Jean Moulin, les occupants de la Maison d’Izieu, à l’exception de Léon Reifman, 30 ans, originaire de Roumanie, qui put s’échapper (*), furent raflés alors que dans le réfectoire les petits déjeuners les attendaient. Le plus jeune des enfants, Albert, n’avait que 4 ans, le plus âgé, Arnold, 17 ans. 42 Enfants furent gazés à Auschwitz et les 2 autres, « plus âgés », furent fusillés. Le seul crime de ces Enfants orphelins et de leurs éducateurs : être Juifs !

 

Le 24.4.1994, M. François. Mitterrand inaugura le Musée Mémorial de la Maison d’Izieu déclarant en particulier : « Ne laissons pas le temps faire œuvre d’oubli au lieu de faire œuvre d’Histoire ». Ce jour-là, Madame Sabine Zlatin (3) avait définitivement gagné son combat pour la Mémoire des Enfants d’Izieu et de cette Maison dans laquelle 44 enfants et 7 adultes vécurent leurs derniers moments de bonheur.

 

Oui, leurs derniers moments de bonheur car le 6.4.44 deux camions et une voiture s’arrêtèrent devant la maison et une quinzaine de soldats allemands appartenant au 958ème bataillon de la défense antiaérienne encadrés par 3 hommes en civil et 2 officiers de la Gestapo regroupèrent avec violence et brutalité les occupants de la Maison et « malgré les pleurs et les cris, les jetèrent dans les camions comme de vulgaires marchandises » d’après les témoignages des voisins. J’ai lu que, comme ultime acte de résistance et sous la direction des adultes, les Enfants chantèrent en chœur « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ».

 

Enfermés au fort Montluc à Lyon, les 44 Enfants et leurs 7 accompagnateurs furent transférés à Drancy le 8 avril où ils portèrent les numéros 19.185 à 19.235. Le 13 avril, une semaine après la rafle, 34 enfants et 4 éducateurs furent déportés à Auschwitz par le convoi n° 71. Après plus de 80 heures d’un voyage plus qu’inhumain et épuisant dans des wagons à bestiaux, les Enfants furent immédiatement gazés.

 

Les autres Enfants et leurs éducateurs furent déportés par les convois 72, 74, 75 et 76 entre le 20 avril et le 30 juin alors que Miron Zlatin et deux adolescents, déportés par le convoi n° 73, furent fusillés en Estonie fin juillet.

 

Seule, Laja Feldblum, originaire de Pologne, une éducatrice de 26 ans, reviendra de déportation.

 

LA CULPABILITE DE BARBIE

 

Si, à ma connaissance, la présence de Barbie lors de la rafle ne fut pas établie, il en est, par contre, indiscutablement le responsable direct. Les Etats-Unis l’utilisèrent pendant la guerre froide puis le firent passer en Amérique du Sud. Du Pérou, il se rendit en Bolivie où il mit « ses compétences » au service de la dictature. Se faisant appeler Klaus Altmann et disposant d'un passeport diplomatique bolivien, il se déplaça en Europe afin d’acheter des véhicules militaires destinés à la répression des manifestations d'opposition.

 

Il fut débusqué grâce à la ténacité et au courage « de deux femmes – l’une du peuple martyr [Mme Halaunbrenner, mère de Mina, 8 ans et Claudine, 5 ans assassinées], l’autre du peuple bourreau [Beate Klarsfeld] [qui] étaient allées au bout du monde pour réclamer justice » (4).

 

Après un changement de pouvoir politique en Bolivie, Barbie fut expulsé vers la France début février 1983 et incarcéré à la prison de Montluc à Lyon, là-même où il avait sévi et où les Enfants d’Izieu transitèrent avant leur transfert à Drancy.

 

Le procès Barbie s’ouvrit le 11 mai 1987 devant la Cour d’Assises du Rhône. Il refusa lâchement d’assister aux audiences.

 

Il y eut les témoignages d’une grande résistante âgée de 86 ans torturée par Barbie lui-même et d’une femme de 57 ans qui le reconnut à la télévision en 1972, Simone Lagrange, miraculée d’Auschwitz, arrêtée avec ses parents à l’âge de 13 ans, toujours par Barbie, le jour du débarquement allié en Normandie., Elle vit sa mère gazée et son père abattu à ses pieds lors de la Marche de la mort d’Auschwitz à Ravensbrück. Il y eut naturellement les témoignages des proches des Enfants d’Izieu. Après 4 jours de plaidoiries, Barbie fut condamné à la réclusion à perpétuité le samedi 4 juillet 1987. Ce criminel mourut en prison le 25 septembre 1991.

 

Il me souvient encore de cette réflexion de Serge Klarsfeld :« Les Enfants d’Izieu n’ont rejoint leurs parents que dans la fumée d’Auschwitz » (5).

 

Comment Barbie eut-il connaissance de la présence d’Enfants Juifs à Izieu ? En septembre 1945, des recherches mirent en accusation un réfugié lorrain, paysan dans une commune proche d’Izieu. Cet homme avait des rapports avec les Allemands et embauchait un des adolescents de la Maison d’Izieu. Le 6.4.44 il aurait accompagné la Gestapo et aurait assisté à l’« arrestation » des occupants de la Maison d’Izieu. Faute de preuves, cet homme ne fut pas accusé de dénonciation mais fut cependant condamné à la « dégradation nationale à vie pour intelligence avec l’ennemi ».

 

En tout état de cause, il y eut au moins une dénonciation car le Sous-Préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, cité en (3), déclara avoir reçu au cours de l’hiver précédant la rafle une lettre non signée indiquant que « les Enfants de la colonie étaient Juifs ». Mais, lors de son procès, Barbie n’en fit jamais mention.

 

ZAKHOR

(Souvenir)

 

Mes Enfants chéris,

 

- vous vous appeliez Sami, Hans, Nina, Max-Marcel, Jean-Paul, Esther, Elie, Jacob, Jacques, Barouk-Raoul, Majer, Albert, Lucienne, Egon, Maurice, Liliane, Henri-Haïm, Joseph, Mina, Claudine, Georges, Arnold, Isidore, Rénate, Liane, Max, Claude, Fritz, Alice-Jacqueline, Paula, Marcel, Théodor, Gilles, Martha, Senta, Sigmund, Sarah, Max, Herman, Charles, Otto, Emile,

 

- vous étiez des orphelins souvent appartenant à la même famille et vous aviez réappris à vivre, à rire, à chanter comme tous les autres enfants, grâce à Sabine, à Miron et à vos éducateurs,

 

- vous avez été brutalisés, transportés dans des wagons à bestiaux, gazés et brûlés par des gens comme Barbie et par toute une clique d’assassins qui avaient décidé que vous n’aviez pas votre place sur terre car vous étiez Juifs.

 

Mais vous ne serez jamais une statistique car

 

- il nous reste de vous, outre vos noms gravés sur une plaque en marbre apposée sur la façade de la Maison dans laquelle vous connûtes vos derniers jours de bonheur, votre état-civil, vos photos avec vos sourires innocents grâce à Beate et Serge Klarsfeld (1). De plus, grâce au Rabbin Daniel Farhi, vos noms sont lus à l’occasion du Yom HaShoah tous les 2 ans, vous qui n’eûtes pas droit à un Kaddish, vous qui, comme toutes les victimes de la barbarie et la sauvagerie, êtes « morts sans sépulture ».

 

- il nous reste de vous un monument-colonne de 5 mètres de haut près de l’endroit où des sauvages, vous « arrêtèrent »,

 

-il nous reste de vous des plaques commémoratives comme celle du 13ème arrondissement de Paris qui illustre ce texte

 

- il nous reste de vous, en particulier de Georgy Halpern, 8 ans (1), des lettres émouvantes et des dessins naïfs sur lesquels figure très souvent le drapeau français. Et pourtant, plus de la moitié d’entre vous n’était pas née en France ! Mais, malgré votre jeune âge, vous aviez déjà reçu une éducation qui vous fit aimer ce pays, ce pays que vos parents avaient choisi se référant à ce proverbe yiddish « Heureux comme D.ieu en France », ce pays dont le gouvernement d’un certain Maréchal qui avait « perdu le sens de l’honneur et livré le pays à la servitude » vous trahit, vous condamnant ainsi à mort !

 

Vous faites partie des 11.400 Enfants déportés Juifs de France dont certains n’avaient que quelques jours (1). Vous faites partie du million et demi d’Enfants Juifs assassinés en Europe par des sauvages de mémoires maudites.

 

Que vos Mémoires et celles de tous nos Innocents assassinés soient bénies ! Amen !

Que la mémoire des assassins de tous nos Innocents assassinés soit maudite !

Charles Etienne NEPHTALI

_________________________________________________________________

(1) En avril 2007, l’Association des F.F.D.J.F. et la Mairie de Paris organisèrent à l’Hôtel de Ville de Paris une remarquable exposition sur « Les 11400 enfants Juifs déportés de France entre juin 1942 et août 1944 ». On pouvait y voir les petits visages innocents de celles et ceux qui aujourd’hui auraient pu être nos Parents ou nos Grands-Parents sans la sauvagerie et l’inhumanité de gens comme Papon, Barbie, Bousquet et autres criminels du même acabit. A défaut d’avoir visité cette exposition, vous pouvez acquérir des ouvrages édités par les F.F.D.J.F. et, en particulier, pour la tragédie des Enfants d’Izieu, « Georgy, un des 44 Enfants de la Maison d’Izieu » et « Les Enfants d’Izieu, une tragédie juive ». Personnellement, j’en acquiers souvent plusieurs exemplaires que j’offre à l’occasion d’événements familiaux (mariage et même Bar-Mitsva).

 

(2) La famille d’Alexandre fut pratiquement entièrement anéantie. Jacob, son père, 41 ans, fut assassiné par la Gestapo de Barbie le 24 novembre 1943 de 17 balles de mitraillette. C’est Alexandre lui-même qui identifia le corps. Son frère aîné, Léon, 14 ans, fut transféré à Drancy et déporté le 17 décembre 1943 par le convoi n° 63 vers Auschwitz où il fut assassiné. Il faut rendre hommage Madame Halaunbrenner, la mère d’Alexandre, qui participa activement à la traque de Barbie en Bolivie (4).

 

(3) C’est grâce à l’aide du Sous-Préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, désobéissant aux ordres à l’inverse de Papon, n’en déplaise à M. Barre, que Sabine Zlatin, Française d’origine juive polonaise, infirmière militaire ayant perdu son emploi en application des scélérates lois anti-juives de Vichy, fonda avec Miron, son mari, la Colonie d’enfants réfugiés de l’Hérault afin de les soustraire aux rafles et leur redonner goût à la vie en leur réapprenant peu à peu à rire et à jouer. Cette tragédie a été remarquablement reconstituée dans le téléfilm « La Dame d’Izieu » d’Alain Wermus diffusé sur TF1.

 

(4) Phrase extraite de l’ouvrage « Les Enfants d’Izieu, une tragédie juive », page 118. Les dates et numéros de convois ainsi que les dates d’« arrestation » et d’assassinats sont extraites du même ouvrage.

 

(5) On fit toujours croire aux malheureux Enfants dont les parents avaient déjà été déportés, et on voulu aussi faire croire à la population, qu’ils allaient « rejoindre leurs parents ». On peut lire cela en particulier dans « Sans oublier les Enfants » d’Eric Conan (Grasset) qui traite de ces 3.500 Enfants de 2 à 16 ans dont le calvaire commença au Vel’ d’Hiv’ les 16 et 17 juillet 1942 pour se poursuivre dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande entre le 19 juillet et 16 septembre 1942. Un Mémorial en souvenir de ces 3.500 Enfants fut inauguré début 2008.

 

Au sujet de cette sinistre rafle du Vel’ d’Hiv’ au cours de laquelle « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, avait accompli l’irréparable », pour reprendre les mémorables paroles prononcées le 16 juillet 1995 par M. Jacques Chirac, 9.000 hommes de la police de Bousquet arrêtèrent 13.152 Juifs (3.118 hommes, 5.919 femmes et 4.115 enfants) de Paris et sa banlieue qui furent parqués au Vel’ d’Hiv’ avant d’être déportés et pratiquement tous assassinés à Auschwitz (il n’y eut que 25 rescapés), le film « LA RAFLE » de Rose Bosh, dont Serge Klarsfeld fut le conseiller historique, est sorti sur les écrans le 10 mars 2010. Il aura donc fallu attendre 68 ans pour que, enfin, il soit redonné une vie aux Juifs internés au Vel’ d’Hiv’ et, en particulier, aux Enfants. Il est question que ce film soit diffusé à l’école.

 

Par ailleurs, le CERCIL ( http://www.cercil.fr/ ) inaugura le 27 janvier 2011, en présence de Mme Simone Veil et de M. Jacques Chirac, ses nouveaux locaux au 45 rue du Bourdon-Blanc à Orléans. Centre d’Histoire et de Mémoire sur les camps d’internement de Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Jargeau (Loiret), il comprend une salle d’archives, un espace pédagogique et le musée-mémorial des Enfants du Vel’ d’Hiv’.

 

 

(*) Témoignage de Léon Reifman, rescapé et témoin de la rafle : « Je descendais les escaliers quand j'entendis ma sœur crier : "Les Allemands, les Allemands sont là ! Sauve-toi !" Je sautai par la fenêtre et me cachai sous un buisson. J'entendis les enfants crier, terrorisés par les ordres des Nazis. »

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