LE JUDEO-ESPAGNOL
Les origines
Le 31 mars 1492, l'Espagne des trois religions (christianisme, islam, judaïsme suivait l'exemple des autres nations européennes. Les Rois catholiques, Isabelle et Ferdinand, après la chute de Grenade, qui marquait la fin de la Reconquista, décidaient d'expulser les Juifs qui refuseraient la conversion.
Près de 200 000 Juifs espagnols s'exilaient vers le Portugal, le nord de l'Europe et tout le bassin méditerranéen. Sefarad ou Sepharad était le nom hébreu de l'Espagne; Sefarades, Sepharades, Sefardim ou Sephardim était leur nom ethnique.
Migrations des juifs espagnols
En général ils s'intégrèrent aux communautés juives existantes et adoptèrent leur langue au bout d'un certain temps.
En revanche, dans le nord du Maroc et dans l'Empire ottoman alors en formation, ils maintinrent leur langue espagnole et l'imposSrent aux communautés juives antérieures, voire aux non-juifs qui s'en firent une langue véhiculaire indispensable dans les relations commerciales.
Mais leur culture et leur langue allait suivre un nouveau chemin. Evoluant en dehors de la péninsule, leur langue archaïsante fut bientôt considérée comme spécifiquement juive. D'où, plus tard, ce qualificatif de judéo-espagnol, retenu ici dans ses acceptations ethnique et linguistique.
En Europe (France, Angleterre, Belgique, Pays-Bas, etc.) avant la seconde guerre mondiale et peu après, leurs communautés se regroupaient encore sous le nom de Sef/phardim ou S,f/pharades, mais une dichotomie trop simpliste a divisé le judaïsme en deux branches. Par opposition aux Juifs achkenazes qui parlent yidiche ou judéo-allemand et en confondant rite et ethnie (alors que par exemple, les catholiques de rite romain ne sont pas nécessairement italiens!), on en est venu à appeler Séfarades tous ceux qui ne sont pas achkenazes, qu'ils parlent espagnol, arabe, iranien, grec ou tout autre langue acquise plus tard. C'est là le produit de mutations récentes: nouvelles migrations dues à la décolonisation. Ainsi en est-il des Juifs nord-africains de rite séfarade mais non d'ethnie séfarade. Le contenu a changé, mais l'étiquette s'est maintenue. En revanche les Juifs rhodiens installés au Congo/Zaïre, puis en Belgique sont bien des Judéo-Espagnols.
Ces hésitations et tergiversations nous ont fait résolument opter pour l'ethnonyme Judéo-Espagnols. C'est donc ainsi que nous appellerons tous les Juifs du Maroc septentrional et de l'ex- Empire ottoman, y compris leurs descendants aujourd'hui dispersés aux quatre coins de la terre. Ces derniers conservèrent l'espagnol de 1492, ou du moins le judéo-espagnol vernaculaire qui en est résulté. Nous y incluons ceux qui l'adoptèrent en s'intégrant à leurs communautés.
C'est donc à eux, qui ont conservé si "miraculeusement" leur langue et leur culture pendant plus de quatre siècles, à leur devenir, à leur agonie lente au cours du démembrement de l'Empire ottoman, à leur mort brutale sous le rouleau compresseur du nazisme que seront consacrées ces pages.
Le Judéo-espagnol, langue de fusion et musée vivant de l'espagnol du XVème siècle
En 1492 donc, lors de leur expulsion d'Espagne, les Juifs emportèrent ce que le linguiste B. Pottier appelle les variétés de l'espagnol communes aux tenants des trois religions d'alors: le léonais, l'aragonais et surtout le castillan (la langue de la Cour). C'est là le substrat de ce qui allait devenir vers 1620 le judéo-espagnol vernaculaire, ou espanyol tout court, djudezmo, djudyo, djidyo (pour Edgard Morin), spanyolith (spanyolisch pour notre prix Nobel Elias Canetti) ou encore espanyoliko au Moyen-Orient, haketiya dans le Maroc septentrional, tetuani en Oranie, tous ces termes désignant le judéo-espagnol vernaculaire qui bien sur évoluera à son tour. Nous disons bien vers 1620, car ce n'est que petit à petit que les voyageurs espagnols péninsulaires ne reconnurent plus l'ancêtre de leur langue dans l'espagnol des descendants de leurs expulses et l'attribuèrent à la judéité de ceux-ci. De même, les Turcs musulmans ne connaissant l'espagnol que par la minorité juive l'appelèrent yahudije (en turc, "juif" se dit yahudice). Ainsi, par un contresens de l'histoire, leur langue devint leur identificateur. Djudyo (juif) désigna à la fois la langue (pour nous le judéo-espagnol vernaculaire) et le locuteur judéo-espagnol (le Judéo- Espagnol), tout comme ce fut le cas pour le yidiche (all. Jüdisch, juif) et les Achkénazes. Par un semblable contresens on aurait probablement attribué une langue judéo-française aux Français du Canada s'ils avaient été juifs! C'est absurde et pourtant le glossonyme de judéo-espagnol s'imposa.
Langue de fusion, le judéo-espagnol est essentiellement du castillan du XVème siècle, teinté de régionalismes et d'arabismes hispaniques et, à partir de 1492, d'arabismes marocains, de turquismes, d'italianismes, de grécismes, de slavismes, etc. recueillis dans les pays-hôtes. Plus tard, avec la création en 1860 des écoles de l'Alliance Israélite Universelle, la langue sera prise d'une gallomanie galopante, au point qu'en naîtra un nouvel état de langue que nous appellerons judéo-fragnol.
Nous l'annoncions dans notre sous-titre, le judéo-espagnol est un musée vivant de l'espagnol du XVème siècle. En effet, en 1492, date de l'expulsion, le castillan n'avait pas encore subi les changements suivants: l'assourdissement des sifflantes sonores et la naissance de la jota. C'est ainsi que le -z- intervocalique d'alors se maintiendra. On continuera de prononcer meza pour mesa, (avec s , 'table'). De même, on continuera de prononcer ka's'a pour caja, 'boîte' ou caisse, ou pa'z'a pour paja, 'paille'. C'est précisément pour cette raison que Don Quixote Don Ki 's'o-te , aujourd'hui Don Quijote - avec jota - nous est parvenu en France sous sa forme Don Quichotte avec CH qui reprenait la prononciation de l'époque.
Se maintiendra aussi la distinction entre b et v : kantava pour cantaba, 'je' ou 'il chantais/t'. Y persistent ,galement les formes archaOn y trouve encore de nombreux "vulgarismes" d'alors: agora - prove - guevo - guerfano ect; pour ahora, 'maintenant', - pobre 'pauvre' - huevo 'oeuf' - huerfano 'orphelin'. De même coexistent les formes de muevo/nuevo 'nouveau'.
Morphologie: Les formes verbales anciennes do- vo- so et esto, pour doy 'je donne', voy 'je vais', soy 'je suis' et estoy 'je suis, je me trouve ^tre' se perpétueront. Comme ce sera le cas en langue espagnole populaire, les secondes personnes du passé simple ont déjà tendance à s'adjoindre une -s finale. Se perpétuera aussi la métathèse dl>ld de l'impératif: kantadlo>kantaldo 'chantez-le'.
Ces observations ne constituent évidemment qu'un bref échantillonnage d'exemples pour illustrer une matière bien plus abondante.
Dans son évolution ultérieure, le judéo-espagnol va développer des stratégies particulièrement intéressantes pour hispaniser de nombreux emprunts. C'est ainsi qu'on continuera de recourir à la désinence verbale fréquentative -ear, mais comme hispaniseur verbal de tous les emprunts aux langues des pays-hôtes (adstrats) turc, arabe, bulgare, grec, etc., except, ceux d'origine française qui prendront, eux, la désinence -ar. Ainsi à partir du turc dayanmak, 'résister, endurer' on obtiendra la forme judéo-espagnole dayanear. En revanche, à partir du français 's'amuser' on aura la forme amuzarse. D'autre part, la désinence -dero très fréquente en espagnol se maintiendra mais se spécialisera comme formant de 'manies, habitudes'. Ainsi en sera-t-il par exemple de arraskadero qui de sens de 'prurit, démangeaison' passera à celui de 'manie de se gratter'.
Lexique et sémantique (archaïsmes espagnols): les exemples abondent: merkar (acheter), trokar (changer), mansevez (jeunesse) etc. On conservera de même le genre féminin de certains substantifs terminés par -or alors qu'ils sont passés au masculin en espagnol standard.
Mais à côté de ces archaïsmes bien compréhensibles étant donné le parcours historique de la langue, il existe également de véritables créations lexicales à partir du ladino (judéo-espagnol calque), produit de la traduction mot-à-mot de l'hébreu en espagnol qui remonte au XIIIème siècle, voire au XIIème. Tous ces termes plus archaïques que la langue vernaculaire sont, par ladino interposé, un miroir fidèle des langues sacrées (hébreu et araméen) ce qui les rend semi-sacrés. A titre d'exemple akunyadar/ear qui signifie 'accomplir la loi du lévirat', (à savoir l'obligation que la loi de Moïse imposait au frère d'un défunt d'épouser la veuve sans enfant de celui-ci).
On le voit, le judéo-espagnol est une langue de fusion. Elle comprend 4% d'emprunts à l'hébreu, 15% au turc, 20% au français, 1% au grec, 2% au ladino, etc., le tout sur un substrat espagnol du XVème siècle.
Problématique du judéo-espagnol
Le ladino ne se parle pas, c'est le produit de la traduction mot-à-mot des textes hébreux ou araméens bibliques ou liturgiques faite par les rabbins dans les écoles juives d'Espagne. Traduction où, à un mot hébreu ou araméen détermin, correspondait toujours le même mot espagnol à moins que ne s'y opposassent des considérations exégétiques. Bref, le ladino n'est autre que de l'hébreu vêtu d'espagnol ou de l'espagnol à syntaxe sémitique. C'est en ladino qu'est rédigée la fameuse Biblia de Ferrara (1553) inspiratrice de nombreuses bibles espagnoles chrétiennes.
Quant à la langue parlée, le djudezmo (judéo-espagnol vernaculaire), aux différences phonétiques, morphologiques et syntaxiques près, déjà évoquées plus haut (très rares, surtout dans les romances et les proverbes), il ne diffère pas tellement de l'espagnol péninsulaire alors que le ladino est comme un miroir fidèle des langues sacrées (hébreu et araméen) ce qui le rend semi-sacré.
Graphie
En Espagne on eut recours aux deux alphabets, latin et hébreu. Le ladino de la Biblia de Ferrara sera écrit en caractères latins, style gothique car destinée aux Marranes d'Espagne qui revenaient au judaïsme et ignoraient tout de l'hébreu. Bientôt, en Turquie, vers 1928, sur l'ordre du nouveau pouvoir républicain de Mustapha Kemal Pacha, l'écriture latine se substituera à l'écriture hébraïque. Cependant, longtemps encore, les anciens utiliseront le solitreo, écriture hébraïque manuscrite, qui leur servira de graphie clandestine dans les camps d'internement.
Aujourd'hui, les Judéo-Espagnols écrivent leur langue selon les normes graphiques de leurs pays. Nous adoptons pour notre part, la graphie francocentriste de l'Association Vidas Largas de Paris, association pour la défense et la promotion de la langue et de la culture judéo-espagnole.
La littérature judéo-espagnole ancienne (jusqu'à la première moitié du XIXème siècle)
Elle est essentiellement de deux types: liturgique ou profane.
Liturgique, la littérature ancienne fut rédigée en ladino (Bibles, livres de prières etc.) tant en Orient qu'en Occident (Maroc, Bordeaux, Amsterdam, etc.). Ce n'est qu'à partir de 1730 que sont édités des textes en djudezmo, notamment le fameux 'Meam Loez', véritable encyclopédie populaire composée de 18 tomes parus entre 1730 et 1908. Profane, elle s'est surtout maintenue sous forme orale: proverbes, romances, 'kantigas', contes, apologues, toutes formes qui perpétueront d'abord l'acquis hispanique puis s'inspireront du vécu quotidien dans le cadre de l'Empire ottoman et celui du Maroc septentrional.
Les proverbes, très nombreux, constituent une source inépuisable d'intérêt tant linguistique que culturel et il est donc tout à fait normal qu'ils fassent l'objet d'études et de recensement, notamment à l'Institut Arias Montano de Madrid.
Quant au 'Romancero' séphardite, il a connu une longévité particulière puisqu'il a encore célébré des événements plus ou moins récents tels que l'exécution à Fes en 1820 de Sol Hachuel, une jeune juive qui avait refusé la conversion ou encore le 'Gran fuego', un terrible incendie qui a dévasté Salonique en 1912.
Cette littérature orale revêt une importance considérable également pour l'Espagne qui y retrouve des pièces à jamais disparues de la Péninsule et que ces Juifs fidèles à leur ingrate patrie ont conservées dans leur musée vivant de l'Espagne d'antan.
La littérature moderne (à partir de la seconde moitié du XIXème siècle)
On assiste alors à une occidentalisation progressive des communautés séphardites sous l'influence conjointe des écoles créées par l'Alliance Israélite Universelle (52 écoles rien que pour la Turquie d'Europe) et de la presse (plus de 300 titres de journaux ou de périodiques). Ainsi va naître une nouvelle intelligensia occidentalisée, francisée et, en partie laïcisée, qui fera bon accueil à de nouveaux genres littéraires tels que le théâtre et la poésie profane, le roman et les nombreuses traductions-adaptations d'oeuvres européennes. La langue française sera de plus en plus envahissante (notamment par le biais de l'enseignement) et il en résultera dans l'Empire ottoman un nouvel état de la langue: le judéo-fragnol évoqué plus haut.
Nous serons aussi en présence de deux modalités du judéo-espagnol (ladino et langue vernaculaire) qui, selon Michael Molho engendrera une importante littérature: 5000 à 6000 ouvrages sans compter les 300 titres d'une presse jadis florissante, née à Istanbul en 1832, et les centaines de pièces de théâtre découvertes depuis.
Le sort des Judéo-Espagnols - Démembrement de l'Empire ottoman
A partir de 1699, avec le détachement de la Hongrie et de la Transylvanie, commence le lent démembrement de l'Empire ottoman, qui ne prendra fin qu'avec Ataturk en 1923.
A ce grignotage systématique, concourent mille intérêts particuliers, tant des vizirs, pachas et partisans des nationalités en éveil, que des grandes puissances faisant et défaisant leurs alliances, Autriche-Hongrie, Russie, France, Angleterre, mais aussi les nations récemment unifiées, l'Allemagne et l'Italie. Les millets, 'minorités' (Grecs, Arméniens, Juifs, etc.) de cette vééritable République des Nations, seront courtisés par les occidentaux. Chaque Etat y créait ses écoles. C'est ainsi que nos Judéo-Espagnols tant du Levant que du Maroc commencèrent à émigrer vers l'Europe et les Am&riques dès la fin du XIXème siècle, les vagues allant s'amplifiant jusqu'en 1939, et au-delà pour le Maroc.
L'unité perdue
Au bloc ottman correspondait un bloc judéo-espagnol uni, dont les villes de Salonique, Kavalla, Andrinople, Constantinople, Smyrne, Sofia, Sarajevo, Jérusalem, Safed, Alexandrie, le Caire, ect, étaient les phares. Rabbins et conseillers étaient sollicités par l'ensemble du monde séfarade: Amsterdam, Rotterdam, Anvers, Bruxelles, Paris, Corfou, Londres, Venise, Milan, Livourne, Hambourg, Altona, Buenos Aires, Mexico, New-York, Miami, Santiago du Chili, etc.
Le démembrement désintégrera ce bloc. Le judaïsme espagnol aura perdu son ciment. Nos Judéo- Espagnols reprirent les chemins de l'Exil. Dans leurs nouvelles terres d'accueil, fidèles à leur langue, ils reconstituèrent des communautés religieuses et ethniques.
Une revue internationale Le Judaïsme Séphardi leur servait de lien. En 1948, aux Etats-Unis, le dernier journal judéo-espagnol en caractères hébreux, la Vara, cessa de paraître.
La Choa (le génocide), 1939-1940 - Une langue assassinée
Mais la guerre et la Choa (le génocide) allaient bientôt les décimer:
A ces victimes, il faut ajouter les Judéo-Espagnols émigrés en Europe, où les surprit l'occupation nazie. 60 000 avaient péri. Au total, grosso-modo, 160 000 Judéo-Espagnols avaient péri sur les 365 000 décomptés en 1925. Les Judéo-Espagnols du Maroc eux, furent protégés mais quittèrent ce pays en masse lors de la décolonisation.
Les Judéo-Espagnols aujourd'hui
Ils sont au nombre nécessairement approximatif de 398 000: Israël: 300 000, - Bulgarie: 3000, - Turquie: 15 000, - Maroc septentrional: 3 000, - New-York et Etats-Unis: 15 000, -Grèce: 2000, -France, Belgique et Angleterre: 40 000.
Il faut abonder dans ce sens, car si le nombre de ceux qui se réclament de la Judéo-hispanité est très probablement plus élevé (songeons aux Juifs des pays latino-américains, le nombre de ceux qui parlent encore leur langue d'origine va diminuant à grande allure. En outre, tous ou presque sont bi- voire trilingues. En Israël, dernier réservoir des Judéo-Espagnols, l'hébraïsation, bien compréhensible, fait également reculer le judéo-espagnol dont ne subsiste plus qu'une revue Aki Yerushalayim entièrement écrite en cette langue et qui recueille toute la nostalgie judéo-espagnole du monde. En Turquie, l'hebdomadaire Shalom, n'a plus qu'une page en judéo-espagnol sur 6, 8 ou 10 en turc. Ce sont les deux survivants d'une presse jadis florissante et qui compta près de 300 titres.
Renaissance du judéo-espagnol à travers sa littérature
Toutefois depuis près de trente ans, la littérature judéo-espagnole renaît. Prose et poésie fleurissent. En témoignent les romanciers Enrique Saporta y Beja, auteur de 'En torno de la Torre blanca', une émouvante chronique salonicienne, Itzak Ben-Rubi qui fait revivre l'univers concentrationnaire dans son boulversant récit 'El sekreto del mundo'. En poésie, retenons les voix de Clarisse Nicoidski, romancière en français mais poétesse dans sa langue du coeur, le judéo- espagnol des Balkans, ou encore Salamon Bidjerano et ses 'Kantes de Maturidad' ou Lina Albukrek, auteur de délicieux poèmes pieusement rassemblés par sa fille sous le titre '87 anios lo ke tengo'.
Il faudrait ajouter à cette liste trop brève tous les collecteurs de contes, proverbes et romances qui contribuent ainsi à sauvegarder ce précieux patrimoine: Matilda Koen-Safrano a ainsi recueilli et publié en Israël 'Kuentos del folklor de la Famiya Djudeo-espanyola', Jaime B. Rosa, sous le titre 'Sepharad 92' a ,édité un florilège de poèmes d'Avner Perez, d'Izan Konorti, d'Isahar Avzaradel, etc.
Enfin, d'autres dans une autre langue, font cependant revivre la mémoire: c'est le cas d'Annie Benveniste avec sa chronique intitulée 'Le Bosphore à la Roquette' ou Brigitte Peskine et 'Les eaux douces d'Europe' ou encore Nelly Kafsky et 'Le rêve d'Esther' qui a fait l'objet d'une remarquable adaptation télévisée.
Le judéo-espagnol à l'Université
Aujourd'hui on en est précisémment à récupérer les vestiges de cette culture. L'Université à son tour s'en empare et les chaires de judéo-espagnol (langues, culture et civilisation) se multiplient dans le monde. La première a été créée à Paris à l'Ecole des Langues et Civilisations Orientales Vivantes - en 1967; La Sorbonne (Institut d'Etudes Hispaniques) et l'Ecole Pratique des Hautes Etudes ont suivi. Il en fut de même dès 1972 à l'Université Libre de Bruxelles (Institut Martin Buber). Dans ces établissements où enseigne H.V. Séphiha, ont été dirigés plus de 400 travaux (Mémoires de Maîtrise et Thèses) sur cette discipline que l'auteur appelle judéo-hispanologie.
En outre, le judéo-espagnol est étudié en dialectologie dans tous les cours de linguistique des sections hispaniques ou ibériques des Universités françaises.
Il en est de même dans les universités d'Espagne où l'Institut Arias Montano de Madrid, et ce depuis 1941, édite la revue Sefarad, qui est au judaïssme espagnol ce que la revue Al-Andalus est à l'islam espagnol.
En Allemagne et dans d'autres pays européens, c'est la section des Langues romanes des universités, qui inscrit le judéo-espagnol dans leurs programmes. Ainsi en est-il notamment de l'Institut für romanische Philologie de la Freie Universität de Berlin. On s'y intéresse également dans les universités de Tübingen, Munich, Trèves, Aix-la-Chapelle et Francfort, voire Innsbrück en Autriche; de Fribourg, de Neuchâtel et de Genève en Suisse, et, en Italie, dans les sections d'espagnol de Venise et de Padoue. S'y intéressent aussi d'autres universités, soit dans le cadre des Etudes Ibériques, soit dans le cadre des Etudes Hébraïques. En Angleterre, les sections hispaniques s'intéressent également au judéo-espagnol.
De nombreux correspondants universitaires des pays cités antérieurement ainsi que de Grèce, de Pologne, de l'ex-Tchécoslovaquie, de Hongrie, de l'ex-URSS, de Bulgarie, de Roumanie, de l'ex- Yougoslavie, du Danemark, des Pays-Bas, de Suède et de Norvège, annoncent la formation de centres d'enseignement et de recherche dans le domaine de notre discipline. C'est dire l'importance accordée à celle-ci.
En Israël, après un certain rejet des langues de la diaspora on a pris conscience des richesses linguistiques et culturelles du judéo-espagnol. A présent, cette discipline s'enseigne dans la plupart des universités.
Outre la langue, la littérature judéo-espagnole, et en particulier, le romancero judéo-espagnol, sollicite l'attention des spécialistes de la littérature espagnole tant dans les universités françaises qu'étrangères. En témoignent la toute récente Anthologie bilingue de la poésie espagnole de la Pléiade et la production d'innombrables disques de chants judéo-espagnols au cours des trois dernières décennies.
Enseignement communautaire et vie associative
Mais il existe aussi un enseignement communautaire:
En France, la création en 1979 de l'association Vidas Largas "pour la défense et la promotion de la langue et de la culture judéo-espagnoles" a permis d'introduire l'enseignement dans les communautés de Paris, Marseille et Lyon. De même en Belgique dans le cadre de l'association Los Muestros (http://www.sefarad.org/) et un peu partout dans le monde. Enfin, la revue Aki Yerushalayim est déjà diffusée sur Internet http://www.trendline.co.il/judeospa/).
C'est à une véritable renaissance de l'intérêt pour la judéo-hispanologie que l'on assiste. En témoignent les revues et bulletins qui naissent partout.
Cette renaissance de la culture judéo-espagnole se manifeste aussi sur les ondes: émission quotidiennes en Israël et à Madrid, bi-hebdomadaire en France, hebdomadaire en Belgique.
L'avenir du judéo-espagnol
Tout ce qui précède est très encourageant. Il ne s'agit plus d'agonie, mais de renaissance. Souvent, pendant que les parents vaquent à leurs occupations lucratives, c'est auprès des grands-parents que les enfants s'initient au judéo-espagnol et s'intéressent à leur passé.
Le courant passe et nous paraît irréversible, mais il faut continuer de recueillir l'héritage des anciens. C'est dans ce but que se créent partout des Ateliers judéo-espagnols. S'y attachent aussi des chercheurs de plus en plus nombreux.
Associations, revues et périodiques
Bibliographie succincte